President Emmanuel Macron Visits the 55th Paris Air Show at Le Bourget
Credit:JEANNE ACCORSINI/SIPA

Budget 2026 : « Emmanuel Macron a une influence, mais ce n’est pas le Président qui tient la plume »

Le chef de l’Etat reçoit lundi plusieurs ministres pour parler du budget. « Il est normal qu’il y ait un échange eu égard à l’effort de réarmement qui est nécessaire », explique l’entourage d’Emmanuel Macron. « Il laisse le gouvernement décider », souligne le macroniste François Patriat, mais le Président rappelle aussi « les principes » auxquels il tient.
François Vignal

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Alors que les annonces sur le budget du Premier ministre François Bayrou, attendues le 15 juillet, approchent, le chef de l’Etat n’entend pas rester en dehors des discussions sur ce projet de loi de finances 2026. Avec au moins 40 milliards d’euros d’économies recherchés, il s’annonce comme l’un des plus compliqués jamais débattus.

Afin de « se tenir informé des projets » du gouvernement sur le budget, Emmanuel Macron va réunir lundi 7 juillet, à l’Elysée, quelques ministres, selon les informations de RTL. S’il n’a plus totalement la main depuis la dissolution, le président de la République n’entend pas pour autant lâcher avec la politique intérieure, à commencer par le budget.

« Garant de l’indépendance, donc de l’indépendance financière »

Cherche-t-il à s’immiscer dans la préparation du projet de loi de finances, alors que peu de choses semblent sortir de Matignon ? Ou politiquement, recherche-t-il « de l’oxygène », comme dit un parlementaire ? « Il n’intervient pas dans la construction du budget. C’est la responsabilité du Premier ministre », tempère un proche d’Emmanuel Macron auprès de publicsenat.fr.

« En revanche, il est normal qu’il y ait un échange eu égard à l’effort de réarmement qui est nécessaire et dont il est, en tant que chef des armées, le garant », remarque le même, qui ajoute qu’il s’agit aussi de « ses prérogatives constitutionnelles », qui font de lui « le garant de l’indépendance, donc de l’indépendance financière » du pays, sans oublier son rôle « de représentant de la France à Bruxelles ». Emmanuel Macron veille ainsi à l’effort réalisé en matière de réduction des déficits, au regard des engagements pris par le pays vis-à-vis de l’Union européenne.

« Si nous ne faisons pas cela sur la base d’un arbitrage collectif, le dispositif échouera »

Mais pour Emmanuel Macron, il s’agit aussi de surveiller que ses quelques marqueurs politiques ne sont pas détricotés. « Le Président a toujours dit qu’il laissait le gouvernement gouverner. Il laisse le gouvernement décider. Mais ce n’est pas une mauvaise manière que de dire « gardons les principes qui sont là depuis le début », à savoir favoriser le travail, ne pas augmenter les impôts et essayer de faire les réformes de l’Etat qu’on n’a pas pu faire à cause des crises », soutient François Patriat, président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat.

Le rapporteur LR du budget au Sénat, Jean-François Husson, « imagine que le chef de l’Etat veut garantir une cohésion, une parole maîtrisée, forte, volontariste, qui visera à corriger les erreurs du passé, en apportant un projet ambitieux de redressement progressif ». Le sénateur LR appelle à jouer collectif. « Soit chacun défend son pré carré, son couloir de nage. Soit chacun fait valoir ses préférences puis il y a un arbitrage. De toute façon, nous n’aurons pas le choix. Si nous ne faisons pas cela sur la base d’un arbitrage collectif, le dispositif échouera ». Même analyse de la part de François Patriat : « Le budget sera tellement difficile à faire passer, qu’il faut que tout le monde avance dans la même direction ».

« C’est d’abord la défense d’un bilan »

Pour le député Renaissance Mathieu Lefèvre, membre de la commission des finances, « non seulement le Président peut et il le doit le faire. Le chef de l’Etat a obtenu des réalisations économiques sans précédent dans l’histoire récente du pays. Il a raison de vouloir, non pas mettre la main sur le budget, mais de regarder ce qui est fait », ajoute le député du Val-d’Oise. « On voit à quel point sa politique faite de baisses d’impôts et de stabilité peut être remise en cause à tout moment », met en garde Mathieu Lefèvre, pour qui la réunion organisée par le Président est parfaitement « légitime ».

Reste à voir si Emmanuel Macron, qui ne pourra pas se représenter en 2027, a encore le poids politique pour peser réellement sur les décisions du gouvernement. « Il est encore soutenu par sa majorité parlementaire », soutient Mathieu Lefèvre, « et il a une légitimité sur ce sujet encore plus forte que beaucoup d’autres ».

« Il a une influence. S’il émet un souhait, c’est le plus écouté. Après, ce n’est pas le Président qui tient la plume mais c’est plutôt sain qu’il veille à la préservation des équilibres économiques », ajoute Mathieu Lefèvre, selon qui toute « remise en cause de la politique de l’offre entraîne des conséquences » négatives. Emmanuel Macron se retrouve-t-il en gardien de son propre temple ? « Oui, mais ce n’est pas une défense idéologique, c’est d’abord la défense d’un bilan. Et le bilan n’est pas terminé. Il y a encore des choses à faire, à lever, pour arriver au plein-emploi en 2027 ».

25 milliards d’euros d’économies avec l’année blanche ?

Si les ballons d’essai se sont multipliés ces dernières semaines de la part des ministères, peu de choses sont sorties de Matignon, devenue véritable boîte noire sur le budget. Une idée semble en revanche de plus en plus probable : faire une « année blanche », où prestations sociales comme budget des ministères seraient gelés, mais aussi l’impôt sur le revenu, revenant dans les faits à une hausse d’impôt, honnie par les macronistes.

En réalité, l’idée d’une année blanche, qui fait aussi son chemin au Sénat, qui remettra à François Bayrou ses propositions lundi (voir notre article), recouvre plusieurs possibilités. Mais c’est bien un gel en valeur des dépenses de l’Etat, un gel pour les dotations des collectivités, un gel en volume de l’Ondam (budget de l’hôpital), un gel de toutes les prestations sociales, ainsi que du barème de l’impôt sur le revenu et du taux de CSG qui seraient dans les tuyaux de Bercy, avec uniquement les budgets régaliens préservés, surtout la défense. « Avec ça, on trouve 25 à 28 milliards d’euros », avance un parlementaire.

« Si on veut stabiliser l’endettement, c’est plutôt 120 milliards d’euros qu’il faut chercher »

Mais un chiffre vertigineux circule. « Si on veut stabiliser l’endettement, c’est plutôt 120 milliards d’euros qu’il faut chercher », avance un membre de la majorité, chiffre évoqué également par un autre parlementaire ces derniers jours.

Si l’effort n’atteindra pas ces sommets pour l’année prochaine, le gouvernement pourrait aller au-delà des 40 milliards d’euros, peut-être 50 milliards. Et côté hausses d’impôts, après les augmentations temporaires sur les grandes entreprises et les plus fortunés, on évoque leur prolongation. Mais globalement, « rien n’est décidé, signé », tempère un parlementaire.

Défense : pas au-delà de l’augmentation prévue par la LPM ?

Quant à la question du budget des armées, la loi de programmation militaire (LPM) prévoit déjà une augmentation pour l’année 2026. Soit un effort supplémentaire se fera, soit le gouvernement n’ira pas plus loin que la « marche » budgétaire, telle que prévue initialement dans la LPM. Reste à savoir quel sera l’arbitrage.

Mais selon plusieurs sources, on pourrait peut-être se diriger vers un effort tel que prévu dans la loi de programmation militaire. « Ça a été évoqué d’aller au-delà de la LPM. Il faut regarder ce qui peut être fait, et comment. Il faut aussi ne pas mettre le pays en vrac. Et tout ça tient à pas grand-chose », met en garde un parlementaire. Emmanuel Macron devrait en dire plus sur la défense, lors d’un discours à l’hôtel de Brienne, au ministère des Armées, le 13 juillet. Une bonne entrée en matière avant le feu d’artifice budgétaire du 15 juillet.

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