« Déni démocratique », « inqualifiable » : la nomination de Michel Barnier fait l’unanimité contre elle dans la gauche du Sénat
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Budget 2026 : la gauche dénonce un budget qui fait payer « à tous les Français les avantages de quelques-uns »

Après les annonces de François Bayrou, la gauche sénatoriale dénonce un budget « profondément inégalitaire », qui fait payer à tous les « largesses fiscales » du gouvernement à l’égard des grandes fortunes ces dernières années. Alors que le spectre de la censure plane sur le gouvernement Bayrou, les socialistes semblent miser sur la contribution de solidarité mais préviennent : si le dispositif n’est pas à la hauteur, « ça ne sera pas possible. »
Louis Mollier-Sabet

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En annonçant un plan d’économies chiffré à 43,8 milliards (voir notre résumé), François Bayrou est loin d’avoir fait des heureux. À gauche, on fait remarquer en préambule – et non sans ironie – que le tableau eschatologique dressé par le Premier ministre est le fruit de huit exercices budgétaires dont François Bayrou, contrairement à son prédécesseur Michel Barnier, est comptable. « Je partage tout à fait le constat catastrophique, mais on a l’impression que M. Bayrou est amnésique. Aucune voix du MoDem n’a jamais manqué dans aucun budget depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir : il est coresponsable de cette situation catastrophique », rappelle Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat. Même son de cloche du côté de Guillaume Gontard, président du groupe écologiste : « François Bayrou a longuement parlé, mais ce qui manque, c’est l’analyse de pourquoi on en est là. Le Premier ministre a beaucoup de mots très forts sur la situation, mais elle a été causée par huit ans de politique d’allégements fiscaux pour les grandes entreprises. Maintenant les caisses sont vides et ceux qui les ont vidées veulent nous expliquer comment les remplir. »

« Ce discours du ‘tout le monde doit faire des efforts’ protège en réalité les plus grandes fortunes »

Sur le fond, les annonces de François Bayrou laissent la gauche pour le moins sceptique, et notamment l’année blanche, la suppression de deux jours de congé ainsi que le remplacement de l’abattement fiscal des retraités de 10 % sur l’impôt sur le revenu par un abattement forfaitaire. « Le temps du Bayrou fouettard est arrivé, mais le fouet est plus long pour les uns que pour les autres », déplore Patrick Kanner. Le président du groupe socialiste au Sénat cible notamment les mesures concernant les retraités « principales victimes » de ces annonces : « Si la mesure sur l’abattement fait rentrer des petites retraites dans l’impôt sur le revenu, c’est une mauvaise chose. Et l’année blanche, c’est plus facile à encaisser pour un retraité qui gagne 4 000 euros que pour celui qui gagne 1 000 euros. L’année blanche, c’est le rabot, qui ne peut pas être juste. »

Là aussi, Patrick Kanner est rejoint par son homologue écologiste. « À chaque annonce, François Bayrou précise que ça va toucher tout le monde, mais cela touchera en premier lieu les plus précaires. Ce discours du ‘tout le monde doit faire des efforts’ est profondément inégalitaire et protège en réalité les plus grandes fortunes qui ont accumulé des richesses au détriment des services publics et de la lutte contre le dérèglement climatique », fustige Guillaume Gontard. Patrick Kanner entend, lui aussi, porter la discussion budgétaire sur « ceux qui ont le plus bénéficié des largesses fiscales du gouvernement depuis huit ans » et estime que dans le contexte budgétaire actuel, « cela devrait être terminé. »

Censure : « Chat échaudé, vous connaissez la suite »

« On ne fait pas payer tous les Français pour préserver les avantages de quelques-uns, alors qu’on a détruit 60 milliards de recettes fiscales », poursuit Patrick Kanner. C’est à l’aune de ce constat que la proposition des deux jours fériés envoie « un message terrible » et « inacceptable », estime Guillaume Gontard : « Je suis très inquiet de la colère que ça peut provoquer dans notre pays. C’est d’une brutalité sans nom, je ne sais pas si François Bayrou se rend compte de ce qu’il envoie à la face des gens. »

L’annonce de la suppression de deux jours fériés a particulièrement retenu l’attention des responsables du Rassemblement national. Jordan Bardella a dénoncé une « attaque directe contre notre histoire, contre nos racines, et contre la France du travail » sur X, alors que Marine Le Pen a déjà promis la censure à François Bayrou « s’il ne revoit pas sa copie », là aussi sur X.

Les sénateurs communistes par communiqué s’insurgent également : « Ce 15 juillet, la liste des mauvais coups s’allonge : suppression de deux jours fériés — le lundi de Pâques et le 8 Mai, tout un symbole puisque ce dernier commémore la victoire sur le nazisme — instauration d’une « année blanche » pour les salariés, les pensionnés et les retraités, pour les services publics, non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois, au risque d’aggraver encore le déficit des caisses de la Sécurité sociale. Seules les dépenses militaires seront sanctuarisées, avec une hausse de plus de 6 milliards d’euros en 2026. Comble du cynisme : pendant que le gouvernement annonce un rabot sur la couverture des affections de longue durée, il reste désespérément flou sur la contribution du capital et des plus riches », écrivent-ils.

 

Le président du groupe écologiste Guillaume Gontard prend lui, le pari que François Bayrou reculera sur le 8 mai et « donnera le point » au RN, puisque « c’est déjà comme ça que tient son gouvernement. » Et le président du groupe écologiste d’ajouter : « La seule chose qui les tient en commun, c’est la défense des plus grandes fortunes. »

Du côté du groupe socialiste, on se réserve un peu plus de marges de négociation. Patrick Kanner remarque que la fameuse « contribution de solidarité », destinée à « faire participer les plus hauts revenus à l’effort national » selon les mots du Premier ministre, est « le seul poste de recettes qui n’est pas chiffré. » Le président du groupe socialiste fait de cette contribution « l’un des vecteurs de notre réflexion vers l’avenir », mais prévient : « Si c’est encore deux milliards sur 43,8 d’économies, ça ne va pas être possible. » D’autant plus que l’expérience du dernier budget, où le groupe socialiste à l’Assemblée n’avait pas voté la motion de censure – avant d’en déposer une en juin estimant que leurs conditions n’avaient pas été respectées – est encore dans toutes les têtes. « Chat échaudé, vous connaissez la suite », commente pour le moment Patrick Kanner. « Le point positif, c’est qu’on sait en juillet quelle est la facture. Le budget sera vraisemblablement présenté le 1er octobre, cela laisse donc le mois de septembre pour les négociations », veut croire le sénateur du Nord.

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