À la recherche d’économies pour les textes budgétaires de 2026, le gouvernement n’exclut pas de regarder, comme d’autres avant lui, du côté des affections de longue durée (ALD), un dispositif conçu pour réduire au maximum les dépenses de santé de millions de Français ayant une maladie chronique. Invité à s’exprimer sur LCP lundi soir sur les réformes susceptibles de réduire le déficit de l’Assurance maladie, le ministre de la Santé et de l’Accès aux soins Yannick Neuder a paru ouvert à l’idée de revoir certaines conditions de ce dispositif de solidarité.
« Est-ce que c’est un gros mot de dire que par moments il faudra réévaluer l’affection longue durée, quand par exemple un patient est considéré en rémission complète ? » a ainsi demandé l’ancien rapporteur général (LR) du budget de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale. Au nom du « droit à l’oubli », il a estimé qu’un patient qui relève du mécanisme de l’ALD en « rémission complète » devrait voir son affiliation « suspendue ». Il a rappelé que les médicaments remboursés pour les patients souffrant d’une ALD ne devraient concerner que « ceux qui sont en lien avec la pathologie initiale ».
Ce système a été conçu comme une protection contre les restes à charge élevés pour des personnes atteintes par exemple de diabète, de malades cardiovasculaires, de nombreux cancers ou encore de maladies psychiatriques de longue durée. Actuellement, 13,7 millions de Français sont reconnus en ALD, soit près de 20 % de la population. Dispensés du ticket modérateur, ces patients ne bénéficient toutefois d’une prise en charge intégrale de leurs frais et ils doivent s’acquitter des franchises médicales, de forfaits hospitaliers ou encore des éventuels dépassements d’honoraires.
Vieillissement de la population et hausse croissante des dépenses liées aux ALD
En raison du développement des maladies chroniques et du vieillissement de la population, les dépenses liées aux ALD sont en constante progression. En 2021, leur coût global s’élevait à 12,3 milliards d’euros. Et selon un rapport de l’Inspection générale des finances, la tendance à la hausse devrait se poursuivre dans les années à venir, en raison de l’évolution démographique du pays. Le coût pourrait atteindre entre 15 et 16 milliards à l’horizon 2030. Le tout, dans un contexte où le dérapage des comptes sociaux s’est accentué ces derniers mois. Le déficit de la Sécurité sociale, creusé pour l’essentiel par celui de l’Assurance maladie, devrait s’approcher des 22 milliards d’euros cette année, et représenter même environ 25 milliards d’euros à la fin de décennie.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le sujet des ALD est régulièrement dans le viseur des gouvernements qui se succèdent. Le gouvernement de Gabriel Attal s’était déjà penché sur la question début 2024, son ministre de l’Economie Bruno Le Maire avait fait part de sa préoccupation face au coût croissant de la prise en charge des maladies chroniques. « Il n’est pas question de faire des économies sur les ALD. […] Par contre, il est question de revoir la pertinence » et « l’architecture d’un système très ancien quand on sait le progrès médical » dans le traitement des pathologies, avait également fait valoir l’ancien ministre de la Santé Frédéric Valletoux au printemps 2024.
La Cour des comptes préconise « des contrôles plus systématiques »
Au mois d’avril, dans un rapport consacré aux dépenses de santé, la Cour des comptes avait également appelé à « resserrer les prises en charge sur les seules prestations à bon droit et pertinentes ». L’institution de la rue Cambon écrivait par exemple : « Les dépenses les plus dynamiques comme celles liées aux affections de longue durée ou aux transports sanitaires doivent faire l’objet de contrôles plus systématiques par rapport aux règles existantes. »
Toute réforme, même minime, du système des ALD s’avérerait inflammable. L’an dernier, des associations de patients comme France Assos Santé, avait jugé que cette piste – avec celle sur les franchises médicales qui avait affaibli le gouvernement Barnier à l’automne – serait une « atteinte grave pour l’accès aux soins des personnes malades ».
Il y a un an, Yannick Neuder, alors député LR, avait d’ailleurs fortement critiqué les orientations de Bruno Le Maire sur le front de la dépense sociale, en dénonçant déjà les économies « sur le dos de la santé des Français » : « Hausses des franchises sur les médicaments, baisse de la prise en charge sur les affections longue durée (entre autres) alors qu’en 2023 les effectifs de la fonction publique ont augmenté de 60 000 postes », avait dénoncé sur le réseau X. Lundi, le ministre de la Santé a assuré une fois encore qu’aucune économie ne serait faite « sur le dos de la santé des Français ».