Sans surprise, le Sénat a adopté ce lundi matin les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Une mission qui échappe à la rigueur budgétaire avec des crédits en hausse de 80 millions par rapport à l’année dernière pour atteindre 2,16 milliards d’euros. De quoi satisfaire la majorité sénatoriale de la droite et du centre.
« Un budget qui préservait dans l’ensemble les fonctions régaliennes »
« Des moyens à la hauteur pour atteindre l’objectif de 3 000 places de rétention à l’horizon 2029 », a relevé la rapporteure LR Marie-Carole Ciuntu. Cet engagement du gouvernement formulé en 2023 était à l’origine prévu pour 2027 (lire notre article)
« L’abondement d’un budget ne constitue pas en soi une politique publique », a toutefois souligné la sénatrice, citant le taux « trop faible » de l’exécution des OQTF, 11 % en 2025 et « le dévoiement du droit d’asile » illustré, selon elle, par un taux de protection de 49 % attribué aux demandeurs, à l’issue de la procédure.
La présidente de la commission des lois, Muriel Jourda a salué « un budget qui préservait dans l’ensemble les fonctions régaliennes » même si la France « ne maîtrise pas les flux d’entrées sur son territoire ». La sénatrice s’est aussi félicitée de l’affectation du budget Asile vers les personnels de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) avec 48 postes équivalents temps plein prévues en 2026. « Si nous traitons dans de meilleurs délais, nos demandes d’asile, nous pouvons espérer avoir moins besoin de places d’hébergement des demandeurs et moins d’allocations de demandeur d’asile (ADA) à verser », a-t-elle évalué.
A gauche, justement, les élus ont regretté que la stagnation des crédits alloués à la formation linguistique pour les demandeurs de titres de séjour pluriannuels alors que rentre en vigueur au 1er janvier 2026, l’obligation d’avoir un niveau linguistique A2. « Encore une fois, vous fixez des objectifs sans prévoir les moyens », a déploré la sénatrice socialiste, Corinne Narassiguin. La sénatrice a également noté la suppression en 2026 d’une nouvelle réduction de près de 2000 places dans le parc d’hébergement d’urgence.
Les associations d’aides aux migrants visées
Le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat a relevé également que cette « hausse des crédits sert d’abord à financer la répression plutôt que l’intégration ». « Vous dites que l’immigration doit être mieux organisée, mais vous consacrez l’essentiel du budget à la répression. Vous dites que l’intégration est essentielle, mais vous ne la financez pas ».
Après l’adoption en mai dernier de la proposition de loi de Marie-Carole Ciuntu visant à écarter les associations des centres de rétention administrative (CRA), et confier à la place « le rôle d’information sur l’accès au droit de l’étranger » à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), organisme placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, plusieurs amendements défendus par les centristes et le RN proposaient de baisser les dotations de l’Etat allouées à des associations considérées comme « militantes ».
Des amendements qui n’ont pas été adoptés et ont reçu des avis défavorables de la commission et du ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez. « Ce sont des associations […] avec lesquelles nous avons des conventions et des cahiers des charges. Ce serait catastrophique de réduire ces financements compte tenu de leur implication dans l’accompagnement des demandeurs d’asile », a-t-il justifié.
En revanche, concernant les associations proposant une assistance juridique aux personnes en rétention, le ministre a relevé que des associations proposaient des recours parfois sans l’avis des intéressés et a promis de « pousser à titre personnel » la proposition de loi sénatoriale.
Enfin, la mise en œuvre en juin prochain du Pacte Asile et immigration a soulevé des interrogations. Le Pacte prévoit notamment une procédure de filtrage aux frontières de l’Union européenne, pour accélérer le traitement des demandes d’asile pour les personnes peu susceptibles de l’obtenir. « Il apporte des modifications d’ampleur à la procédure de droit commun et aux régimes des conditions matérielles d’accueil », a noté le sénateur centriste Olivier Bitz, avant de soulever l’écart des crédits de paiement alloués pour la mise en œuvre du Pacte, établis à 85 millions d’euros, moitié moins que l’estimation de 150 millions d’euros transmise par la France à la Commission, l’année dernière.