« Nous voulons que le pays ait un budget, mais ça ne peut pas être n’importe quel budget », a déclaré Gérard Larcher alors que l’Assemblée nationale va entamer l’examen du budget en commission. Alors que Sébastien Lecornu a promis de suspendre la réforme des retraites de 2023 pour éviter la censure, ce point irrite le Sénat qui a réservé un accueil glacial au Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Surtout, le président du Sénat critique les concessions faites à la gauche et redoute la durée des débats parlementaires.
Délais contraints
Le véhicule législatif par lequel la suspension de la réforme des retraites doit être introduite divise également les parlementaires alors même que les délais pour examiner le budget seront très contraints. Pour rappel, le Parlement dispose d’un délai de 70 jours pour se prononcer sur le budget, à l’issue de ce délai, si le Parlement ne s’est pas prononcé, le gouvernement peut promulguer le budget par ordonnance. « L’ordonnance, c‘est la négation du Parlement, voilà pourquoi le Parlement doit être raisonnable », alerte Gérard Larcher qui souhaite le respect des délais constitutionnels.
Sans recours au 49.3 et alors que de nombreuses dispositions seront introduites par amendement, les discussions pourraient s’éterniser. Pour accélérer les débats, le constitutionnaliste Benjamin Morel évoquait la possibilité pour le gouvernement de modifier directement les projets de budget par le moyen d’une « lettre rectificative ». Cependant une telle procédure nécessite que le nouveau texte soit soumis pour avis au Conseil d’Etat ce qui implique donc de raccourcir les débats budgétaires au Parlement. « La pureté serait de faire une lettre rectificative, mais ça retarde d’autant l’éventuelle transmission au Sénat de 10 jours », pointe Gérard Larcher qui prévient que « le Sénat ne s’amputera pas des 15 jours de débats auxquels il a le droit ».
« C’est un cadeau fait au Parti socialiste »
Une situation que le Premier ministre a rendu possible en renonçant à l’utilisation du 49.3 déplore Gérard Larcher. « C’est un cadeau fait au Parti socialiste », estime l’élu des Yvelines. Le président du Sénat juge également qu’il s’agit d’une erreur de renoncer à cette procédure prévue par la Constitution.
« C’est plutôt une politique de concessions à la gauche qui est évoquée », constate Gérard Larcher alors que le succès des débats budgétaires sera conditionné au choix du Parti socialiste de voter ou non le budget de la sécurité sociale et le budget de l’Etat. « On parle beaucoup plus de fiscalité que de réduction de la dépense publique », déplore Gérard Larcher qui y voit un symptôme du rapport de force imposé par le parti socialiste. Ces derniers ont notamment déposé un amendement introduisant la taxe Zucman dans le budget de l’Etat.
La majorité sénatoriale opposée à la suspension de la réforme des retraite
Par ailleurs, Gérard Larcher a regretté la suspension de la réforme des retraites de 2023, qui devrait être introduite par amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, estimant que c’est « d’abord le président de la République qui a renoncé à une des deux réformes qui avait marqué ses huit années de mandat ».
Le président a rappelé la position de la chambre haute sur la question et son attachement à cette réforme. « La majorité sénatoriale sera cohérente avec sa position. Donc elle sera sur la position de garder la réforme des retraites avec une prise en compte des carrières hachées, de la situation des femmes et de la prévention de l’usure professionnelle », prévient Gérard Larcher.