Paris : Statement on national defence at National Assembly
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Budget : après la loi spéciale, la perspective du recours au 49-3 se dessine

Sébastien Lecornu a acté le recours à une loi spéciale, présentée ce soir en Conseil des ministres. Mais cette solution ne peut être que temporaire, a rappelé le Premier ministre aux représentants des groupes parlementaires qu’il a reçus ce lundi. L’équation impossible demeure : comment faire adopter un budget sans majorité et sans recourir au 49-3 ?
Louis Mollier-Sabet

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Comme l’année dernière, le Parlement s’apprête à voter ce mardi 23 décembre une « loi spéciale » permettant de reconduire les crédits de l’année précédente « par douzième » tous les mois. Pour autant, « la loi spéciale n’est pas un budget », répètent tous les participants aux consultations qui se sont tenues à Matignon ce lundi 22 décembre. Le Premier ministre semble avoir profité de cette rencontre avec les représentants des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat pour insister sur le caractère provisoire de la loi spéciale présentée en Conseil des ministres ce lundi soir et examinée par le Parlement mardi.

L’option d’un 49-3 avant le 31 décembre est donc définitivement écartée, et la loi spéciale a été présentée par Sébastien Lecornu aux participants comme un moyen « de donner du temps au Parlement », détaille Xavier Iacovelli, reçu par le Premier ministre en tant que représentant du groupe macroniste RDPI au Sénat. Même du côté des oppositions, « tout le monde a pleinement conscience que la loi spéciale n’est pas un budget », estime la présidente du groupe communiste au Sénat, Cécile Cukierman. La question n’est donc pas tant l’adoption de cette rustine temporaire, mais comment Sébastien Lecornu pourra-t-il faire adopter en janvier ou en février un budget qui a été rejeté par l’Assemblée nationale en décembre ?

Un retour au budget adopté par 49-3 ?

Si le précédent du budget 2025 fixe un certain cadre dans l’instabilité législative actuelle, la situation n’est pas tout à fait la même. En décembre 2024, c’était la chute du gouvernement Barnier qui avait empêché le Parlement d’arriver au terme de l’examen du budget. Le nouveau gouvernement de François Bayrou avait pu reprendre le dossier à la rentrée pour aboutir à une commission mixte paritaire (CMP) conclusive le 31 janvier, dont le texte n’avait pu être validé que grâce au 49-3 utilisé par François Bayrou. La motion de censure déposée à la suite n’avait été votée que par 128 députés de gauche, sans la majeure partie du groupe socialiste.

C’est tout l’intérêt du 49-3, qui permet à un gouvernement d’engager sa responsabilité en posant un ultimatum : le texte passe ou le gouvernement tombe. Les socialistes et les LR n’avaient alors eu qu’à ne pas voter la motion de censure pour qu’un budget soit adopté, sans avoir à voter pour – ou s’abstenir. Un an plus tard, Sébastien Lecornu s’est initialement privé de cette option sur la demande des socialistes. Après l’échec de la CMP vendredi dernier, la droite continue de plaider pour le recours à cet outil offert par la Constitution de la Vème République. « On a eu assez de débats, et je pense que le Parti socialiste sera d’accord pour un 49.3. Ce sont des gens responsables, a notamment estimé le rapporteur général du budget (LR) à l’Assemblée nationale, Philippe Juvin.

Certaines voix s’élèvent en effet au Parti socialiste pour noter que le 49-3 représente probablement la seule issue permettant à leurs négociations de l’hiver de porter leurs fruits. « Si le gouvernement utilise le 49-3 sans compromis préalable, il s’expose à une censure immédiate », commence à envisager Olivier Faure dans Libération. Au sujet de ce « compromis préalable », un cadre socialiste évoque une cible de déficit à 5 % – et non 4,7 % comme dans le projet initial du gouvernement – soit le niveau de déficit prévu dans le contre-budget présenté par les socialistes à Blois cet été.

Nouvelle lecture à l’Assemblée le 5 janvier

Pour l’instant, l’option n’est pas encore explicitement évoquée dans les rangs du bloc central. « Il n’y aura pas de 49-3 avant le 31 décembre. La loi spéciale permet de continuer les discussions et ensuite le Premier ministre prendra ses responsabilités à la rentrée », temporise Xavier Iacovelli (RDPI). Le projet de loi de finances pour 2026 – dans sa version adoptée par le Sénat – repartirait donc à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, avec un examen en commission qui débuterait le 5 janvier. Le Premier ministre a aussi rappelé aux représentants des groupes parlementaires ce lundi que le gouvernement avait en droit toujours la possibilité de faire passer son budget initial par ordonnances.

Du côté du gouvernement, on fait mine de croire à un vote semblable à celui du budget de la Sécurité sociale, qui avait été adopté à 13 voix près en décembre grâce à l’abstention de la majorité du groupe écologiste. « Ce n’est pas du tout la même chose. Nous avons montré sur le budget de la Sécu que nous étions prêts à faire des propositions, mais sur le budget de l’Etat il n’y a eu aucun bougé », tempère le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard, qui a été reçu en fin d’après-midi par Sébastien Lecornu. Le sénateur de l’Isère met notamment en avant les reculs, inacceptables pour les écologistes, du gouvernement sur la transition écologique et les collectivités.

Hervé Marseille absent des consultations

L’équation est d’autant plus difficile pour Sébastien Lecornu que ce qu’il pourrait donner à la gauche pour obtenir des abstentions pourrait lui aliéner la droite, et notamment la majorité sénatoriale. En dehors des représentants de LFI et du RN, un président de groupe parlementaire – pourtant habitué de ce genre de consultations – était absent à Matignon ce lundi : Hervé Marseille. Le président du groupe Union Centriste affirme ne pas avoir reçu d’invitation et s’amuse que Matignon « ait beaucoup trop d’amis » pour prendre le temps de le recevoir.

L’échec de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances semble avoir laissé des traces entre la majorité sénatoriale et Sébastien Lecornu, qui avait dénoncé la « radicalité » et « l’intransigeance » de la droite sénatoriale (voir notre article). Le président du groupe LR, Mathieu Darnaud, était quant à lui bien attendu à Matignon à 17 heures. Pour plusieurs participants aux consultations du jour, l’attention de Sébastien Lecornu semble désormais concentrée sur l’Assemblée nationale, où il devra trouver une majorité lors d’un vote simple – ou au moins ne pas réunir une majorité contre lui en cas de 49-3.

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