Ticket-restaurant

Budget : ces mesures d’aides qui passent à la trappe avec le vote de la censure

Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
François Vignal

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Avec le vote de la censure le 4 décembre, le budget de la Sécu a été rejeté, le gouvernement est tombé et tous les travaux parlementaires en cours se sont arrêtés, à commencer par le projet de loi de finances (PLF) 2025. Les conséquences sont multiples et plusieurs aides qui étaient prévues sont, pour l’heure, impossibles. Un nouveau budget pourra cependant y remédier. Le point sur les mesures concernées.

  • Absence d’indexation de l’impôt sur le revenu, synonyme d’augmentations de l’impôt

C’est la question dont on parle le plus, suite à la censure : l’indexation de l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas une aide proprement dit, mais une disposition qui empêche des hausses d’impôts. Dans le PLF 2025, les tranches du barème de l’impôt sur le revenu, ainsi que les seuils et limites qui lui sont associés, devaient augmenter de 2 %, soit l’évolution des prix. Or sans budget, pas d’indexation.

Conséquence : la situation fiscale de nombreuses personnes pourrait changer. « 380.000 nouveaux foyers » pourraient se retrouver imposables en 2025 et « un peu plus de 17 millions » subiraient une augmentation d’impôt », faute d’indexation, a précisé hier devant les députés le ministre démissionnaire des Comptes publics, Laurent Saint-Martin.

Mais il n’y a rien d’inéluctable. Il suffit d’intégrer la mesure à l’occasion de l’adoption d’un nouveau projet de loi de finances, en début d’année 2025, indispensable après l’arrêt de l’examen de la première mouture. Dans ce cas, pas de hausse d’impôts, ni de nouveaux contribuables assujettis.

Un débat existe pour savoir s’il est possible de décider tout de suite de cette indexation, via un amendement au projet de loi spéciale, qui vient d’être présenté en Conseil des ministres, qui permet notamment, a minima, de lever l’impôt pour payer les fonctionnaires. Mais les ministres démissionnaires s’y opposent, se retranchant derrière l’avis du Conseil d’Etat qui a estimé lundi que l’indexation du barème « n’était pas au nombre des dispositions ayant leur place en loi spéciale ».

  • La fin de l’utilisation des tickets-restaurant pour faire ses courses ?

C’était une mesure prise durant l’été 2022, en pleine envolée des prix. La possibilité d’acheter des denrées alimentaires avec les tickets-restaurant, à l’origine conçus pour régler son addition au restaurant. Fin 2023, le Parlement avait prolongé d’un an cette disposition, soit jusque fin décembre 2024.

Pour ne pas mettre un terme à cette possibilité, une proposition de loi LR (des députés Anne-Laure Blin, Jean-Pierre Taite et Pierre Cordier) prévoit de prolonger de deux années supplémentaires le dispositif. Elle a été adoptée à l’Assemblée en novembre et était même inscrite à l’ordre du jour du Sénat, en séance, ce jeudi 12 décembre. Mais avec la censure, tous les travaux parlementaires ont été stoppés nets. Et tant qu’un nouveau premier ministre et des ministres ne sont pas nommés, ils ne pourront reprendre. Ce qui ne saurait tarder pour Matignon.

Mais vu le peu de temps de calendrier parlementaire qu’il reste, la PPL risque de ne pas pouvoir aller au terme de son examen avant la fin de l’année, d’autant que députés et sénateurs auront pour priorité l’examen de la loi spéciale.

Pour ne rien arranger, lors du passage du texte en commission, les sénateurs l’ont adopté avec une modification de taille : la rapporteure, la sénatrice LR Marie-Do Aeschlimann, préfère une prolongation pour une seule année. Alors que les restaurateurs dénoncent cette dérogation dans l’utilisation des tickets-restaurant, la sénatrice défend la nécessité de réfléchir à une « réforme plus ambitieuse », plutôt qu’une prolongation de deux ans.

Si le texte restait en l’état lors de son passage dans l’hémicycle, le vote du Sénat ne serait pas conforme à celui de l’Assemblée, c’est-à-dire qu’il ne serait pas en termes identiques. Une commission mixte paritaire serait alors nécessaire pour tenter de trouver un compromis entre députés et sénateurs, suivie d’une lecture dans chaque chambre en cas d’accord. De quoi prolonger encore le processus et rendre très difficile l’adoption du texte avant la fin de l’année et la prolongation de la mesure, du moins pour le début 2025. Dans ce cas, on pourrait peut-être imaginer un amendement qui permettrait d’appliquer la dérogation un peu plus tard, en début d’année 2025.

  • 400 millions d’euros d’aides pour les agriculteurs passent à la trappe

Ce sont les grands perdants de la censure : les agriculteurs. Toutes les mesures d’aides qui avaient été prévues passent pour l’heure à la trappe, tant qu’un budget n’est pas adopté, maintenant début 2025 si tout va bien. Selon Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, le PLF prévoyait « 400 millions d’euros pour l’agriculture ».

« Il faut être très clair : pas de budget, pas de mesures nouvelles. Voilà. Il n’y a pas de « est-ce qu’on peut essayer de rattraper le coup ? ». Tant qu’il n’y a pas de budget, il n’y a pas les mesures », a bien rappelé mercredi le ministre démissionnaire des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, auditionné par le Sénat sur le projet de loi spéciale. « Il faut rappeler que c’était le fruit des discussions en début d’année 2024, qui avaient été mises dans ce texte. Ce n’est pas pour rien que le président de la FNSEA et beaucoup d’agriculteurs expriment une colère claire sur l’absence de budget », ajoute le ministre (voir vidéo ci-dessous, à partir de 2’10). La colère des agriculteurs n’a pas tardé : 36 permanences de députés ayant voté la censure, visant des élus du RN et du NFP, ont été dégradées.

Appelant le prochain gouvernement à « reprendre » ce qui avait été prévu pour les agriculteurs, le ministre rappelle la liste des mesures qui ne sont donc, pour l’heure, plus au programme : « Suppression de la trajectoire de hausse du GNR (gazole non routier), assouplissement de la déduction applicable au stock des vaches laitières et allaitantes, augmentation du seuil d’exonération des plus-values en cas de transmission d’une exploitation agricole, hausse de 20 à 30 % d’exonération de TFPNB (taxe foncière sur les propriétés non bâties) agricole, exonération partielle de la reprise de déduction pour épargne de précaution, etc. Plus ce que vous aviez adopté en séance, avec l’avis favorable du gouvernement, comme le Dutreil agricole. Tout cela n’aura pas lieu, sauf nouveau texte ». Là encore, tous les regards se tournent vers un nouveau PLF pour rattraper le coup.

  • Taux réduits de TVA pour les réseaux de chaleur à énergies renouvelables

On n’en parle pas comme l’impôt sur le revenu, mais le budget 2025 prévoyait un taux réduit de TVA sur les opérations liées au chauffage, dans une optique de décarbonation. Il s’agissait plus précisément d’un taux réduit de 5,5 % étendu aux réseaux de chaleur à énergies renouvelables. Les chaudières à énergies fossiles étaient en revanche exclues des taux réduits, sauf pour l’entretien et la réparation des matériels existants.

  • Des mesures d’aide à la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie est aussi l’une des perdantes de la censure. En pleine crise depuis les émeutes de l’été 2024, le « Caillou » doit maintenant faire face à une économie exsangue et à la reconstruction. Plusieurs mesures étaient destinées à venir en aide à l’île du Pacifique.

Le gouvernement prévoyait notamment de porter à 1 milliard d’euros la garantie de l’Etat au prêt accordé par l’Agence française de développement (AFD) à la Nouvelle-Calédonie. Des prêts qui doivent permettre à la Nouvelle-Calédonie de financer son système de sécurité sociale, son gestionnaire du système électrique ou bien ses dispositifs de logements sociaux.

Autre mesure nécessaire, qui est pour l’heure en suspens : le versement de 80 millions d’euros pour la reconstruction des bâtiments publics. Seule consolation : le vote du projet de loi de finances de fin de gestion, juste avant la censure, a permis d’adopter quelques mesures d’urgence pour renflouer les caisses pour la fin de l’année.

  • Les entreprises de la French Tech touchées par l’arrêt du crédit d’impôt innovation

Les entreprises de la French Tech vont aussi faire les frais du vote de la censure. Car le crédit d’impôt innovation (CII), qui arrive à échéance le 31 décembre 2024, n’est pas prolongé, comme prévu. Il permet aux entreprises de moins de 250 personnes de déduire de leur impôt sur les sociétés 30 % de leurs dépenses liées à la « conception de prototypes ou d’installation pilote de produits nouveaux ». La mesure devait être prolongée jusqu’à fin 2027, mais avec un taux ramené de 30 à 20 %.

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