General policy speech by Prime Minister at Senate
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Budget : comment la procédure de la « lettre rectificative » pourrait « acter la suspension de la réforme des retraites »

Alors que le gouvernement envisage de suspendre la réforme des retraites par voie d’amendement, le gouvernement pourrait également modifier le projet de loi de financement de la sécurité sociale afin de garantir la suspension de la réforme de 2023, même si le Parlement ne parvient pas à examiner le texte dans les délais fixés par la Constitution.
Henri Clavier

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Les délais seront-ils tenus ? Alors que les débats sur le projet de loi de finances viennent de débuter ce lundi en commission à l’Assemblée, et que ceux sur le budget de la Sécurité sociale commenceront jeudi, le dépassement des délais constitutionnels pourrait permettre au gouvernement de faire adopter les textes par ordonnance. Pour rappel, la Constitution accorde un délai de 70 jours pour le projet de loi de finances et de 50 jours pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). 

La question du respect des délais constitutionnels a pris une nouvelle ampleur après la promesse faite par Sébastien Lecornu de suspendre l’application de la réforme des retraites jusqu’en 2028, et de ne pas utiliser l’article 49.3. Un engagement qui a permis d’obtenir la clémence des socialistes lors du vote des motions de censure qui ont visé le Premier ministre jeudi 16 octobre. 

Une modification du texte pour « acter la suspension des retraites » 

Rapidement, la question du véhicule législatif permettant la suspension a émergé. Alors que la possibilité de passer par une loi était évoquée, le gouvernement a finalement annoncé qu’il déposerait un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Un véhicule législatif aussitôt dénoncé par la France insoumise et son coordinateur Manuel Bompard qui y voit un « piège » pour que la suspension ne soit pas intégrée dans un PLFSS qui entrerait en vigueur par ordonnances. Si l’on reste au stade de la spéculation, le maître de conférences en droit public, Benjamin Morel, a mis en avant une « troisième voie » sur X, ce samedi 18 octobre, celle de la lettre rectificative. 

« Une lettre rectificative est un instrument qui permet de rattraper le projet de loi lorsque l’on a oublié une disposition. Si vous introduisez la suspension de la réforme des retraites par une « lettre rectificative », cela revient à acter la suspension de la réforme des retraites », explique Benjamin Morel à Public Sénat. En effet, le président de la commission des finances, Éric Coquerel, rapportait le 14 octobre que le ministre chargé des relations avec le Parlement, Laurent Panifous, lui avait indiqué qu’en cas de non-respect des délais constitutionnels, c’est le texte du gouvernement qui entrerait en vigueur par ordonnances. Le texte ne reprendrait donc pas les amendements. 

Eviter le cavalier législatif 

Intégrer directement la suspension de la réforme des retraites au PLFSS aurait d’autres vertus selon Benjamin Morel. En effet, le député RN, Jean-Philippe Tanguy, estimait, le 14 octobre, que la suspension de la réforme des retraites pourrait être un cavalier législatif que le Conseil constitutionnel serait susceptible de censurer. Les juges de la rue de Montpensier ont pour habitude de censurer les dispositions qui n’ont pas d’incidence sur le budget et le fonctionnement de la sécurité sociale. « Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un cavalier, mais cela permet d’évacuer les débats sur la possibilité que l’amendement ne soit pas constitutionnel », affirme Benjamin Morel. 

Un calendrier parlementaire contraint 

Néanmoins, si une lettre rectificative peut permettre de sécuriser les dispositions obtenues par le PS lors des négociations avec le gouvernement, cela reviendrait à contraindre encore davantage les délais d’examen du PLFSS. « Il faudrait que la lettre rectificative soit envoyée dès maintenant car le texte doit ensuite suivre les mêmes étapes procédurales qu’un projet de loi classique », rappelle Benjamin Morel. 

Par conséquent cela reviendrait à solliciter un avis du Conseil d’Etat, publier une étude d’impact, transmettre le texte au Haut conseil pour les finances publiques et présenter le texte en conseil des ministres. Le tout avant le début des débats en commission qui commencent jeudi 23 octobre. Une fenêtre d’action courte mais tenable dans la mesure où seul un amendement serait ajouté au texte et où le conseil des ministres se tient mercredi. « Soit on se presse, soit on réorganise le calendrier parlementaire », prévient Benjamin Morel alors que la conférence des présidents du Sénat se réunit mercredi à 16h30 pour planifier les débats en séance sur le PLFSS. 

Hier, sur le plateau du Grand Jury RTL-Public Sénat, Gérard Larcher assurait que le Sénat ne s’amputerait pas « des 15 jours de débats auxquels il a droit ». En effet, l’article 47-1 de la Constitution prévoit un délai d’examen du PLFSS en première lecture de vingt jours puis de quinze jours au Sénat. Néanmoins, la chambre Haute « n’aurait pas les moyens de s’opposer à la modification du texte par le gouvernement », pointe Benjamin Morel. 

Matignon étudie « toutes les options » 

Pour l’instant, les socialistes tentent de faire accepter l’idée au Premier ministre. « Cela fait partie des options que nous avons demandées au Premier ministre », a déclaré à l’AFP Pierre Jouvet, le secrétaire général du PS. Le RN et LFI ont également demandé l’intégration de la suspension par la procédure de la lettre rectificative. Opportunément, Matignon assure que pour l’instant « toutes les options sont étudiées ».

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