C’est un plan massif d’économies, de 43,8 milliards d’euros pour 2026, comparées aux dépenses prévues si rien n’était fait, que le premier ministre François Bayrou a annoncé ce mardi 15 juillet.
Il prévoit notamment une année blanche pour 2026 avec le gel « des prestations et barèmes », « 5 milliards d’euros d’économies sur la santé », la suppression de deux jours fériés, le premier ministre proposant le lundi de Pâques et le 8 mai, la suppression « des avantages pour frais professionnels pour les retraités » ou encore le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite. Mais aussi la lutte contre la fraude et une « contribution de solidarité » pour « faire participer les plus hauts revenus à l’effort national ». Une potion au goût amer qui passera difficilement. Les tirs de barrages des oppositions se sont déjà multipliés. Mais au sein du socle commun, on fait front, de manière à peu près unie.
« Un effort qui est partagé, aussi bien entre Etat, collectivités locales et sphère sociale », salue François Patriat
François Patriat, patron des sénateurs macronistes, apprécie son propos « sur la forme. Il n’a pas tâtonné, il a maîtrisé son sujet. Il a montré qu’il connaissait vraiment les difficultés et les voies pour y parvenir ». Sur le fond, « c’est un effort qui est partagé, aussi bien entre Etat, collectivités locales et sphère sociale ».
« Si les pistes ouvertes sont tenues, ça me paraît plausible. Il y a beaucoup d’hypothèses, par exemple est-ce qu’on va réussir vraiment sur la fraude fiscale à récupérer plus ? Ou sur la question du travail. Si tout est réalisé, ça dépasse les 40 milliards d’euros », souligne encore le sénateur Renaissance de la Côte d’Or. Sur la piste des aides aux entreprises qui pourraient être réduites, il évoque « le crédit d’impôt recherche, des aides sur lesquelles on peut revenir contre plus de liberté ». Le président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat résume sa pensée : « C’est à la fois responsable, lucide, courageux et possible ».
Avec un François Bayrou « lucide sur les risques qu’il court », François Patriat sait bien que les embûches seront certaines. « Sur le temps de travail, les retraités, ça fera réagir. On va se focaliser sur les deux jours fériés, j’imagine bien. Mais maintenant, il faudra convaincre que c’est possible », avance le président de groupe, pas contre l’idée de supprimer deux jours fériés. « Ça ne me choque pas », dit celui qui était pour travailler « une heure de plus par semaine ».
A ses yeux, ce plan ne constitue pas un coup de massue pour les Français. « Ce n’est pas d’une violence inouïe je trouve, par rapport à ce qu’on risque si on ne fait pas d’effort », avance ce fidèle du chef de l’Etat.
« Il y a des éléments, à l’évidence, de la contribution du Sénat »
Du côté LR, le rapporteur général de la commission des finances, le sénateur Jean-François Husson, apprécie que la Haute assemblée ait été en partie écoutée. On a d’ailleurs vu le premier ministre citer à plusieurs reprises ses travaux.
« Il y a des éléments, à l’évidence, de la contribution que le Sénat avait remis au premier ministre. Tout n’est pas repris, mais force est de constater qu’il y a des éléments », salue le rapporteur du budget. Mais « il y a aussi des divergences, dans celles qui sont faites, qui devront être discutées, précisées », ajoute Jean-François Husson (voir l’article de Guillaume Jacquot pour plus de détails sur sa réaction). Il dénonce en particulier les économies pour les collectivités : « L’effort qui est demandé est une forme de provocation inacceptable. C’est un désaccord profond ».
« Un moment de vérité, de transparence, qui était important », salue Hervé Marseille
Pour le président du groupe Union centriste du Sénat, Hervé Marseille, l’un des piliers de la majorité sénatoriale et autre responsable du socle commun, « l’exercice réussi sur la forme. Et sur le fond, les mesures vont dans le bon sens. Maintenant, il faudra expertiser, voir ce qu’on améliore, modifie et préparer le débat budgétaire et chacun devra faire ses choix en responsabilité ». Globalement, « il y a un moment de vérité, de transparence, qui était important ».
« Après, il propose un certain nombre de solutions qui sont les siennes, il y en a un certain nombre qu’on connaît, ce n’est pas nouveau. Les idées révolutionnaires dans ce domaine sont rares. Sauf que là, il y a beaucoup de solutions du Sénat qui sont reprises et le tout est assez équilibré. C’est courageux, c’est difficile », ajoute Hervé Marseille. Mais il insiste sur le fait qu’il s’agit de « propositions qui sont sur la table. Et qui vont évoluer ».
« Si on ne veut pas parler des jours fériés, on peut parler d’heures équivalentes »
Pour ce qui est de la suppression de deux jours fériés, « le symbole est important. On reconnaît volontiers qu’il faut travailler plus. Le groupe centriste avait justement proposé l’an dernier 7 heures de travail en plus par an. Si on ne veut pas parler des jours, car on sait que ce sont des discussions sans fin, on peut parler d’heures équivalentes. On redéposera le cas échéant l’idée dans les mêmes termes. Ça peut être 14 heures de plus par an et la possibilité de laisser aux partenaires sociaux de déterminer par branche les conditions de mises en application ».
Quant au sujet de la contribution des hauts revenus, Hervé Marseille souligne que « la dimension est nécessaire dès lors qu’on veut chercher un point de compromis avec les socialistes. Tout le monde est persuadé qu’il faut une répartition équitable des efforts. La question de la justice fiscale est importante ».
« L’intérêt de l’opération, c’est qu’on a tout l’été pour en parler »
Reste à voir maintenant si les parlementaires, et surtout les députés, qui pourront censurer François Bayrou, seront prêts à suivre. « Ça passe si les parlementaires font preuve de courage et de lucidité », pense François Patriat, qui glisse que « l’intérêt de l’opération, c’est qu’on a tout l’été pour en parler ». Mais selon François Patriat, « maintenant, ce ne sont pas les parlementaires qu’il faut convaincre, c’est l’opinion publique déjà, pour voir comment les mesures sont acceptées ». Si le budget va au bout, on peut facilement parier que les choses vont encore bouger. Avec la menace de la censure, qui restera bien présente.