Dans ce climat de rigueur budgétaire, une fois n’est pas coutume, ce sont des crédits en hausse que le Sénat a voté jeudi matin lors de l’examen de la mission défense du budget. La loi de programmation militaire (LPM) pour 2024-2030 prévoyait 3,2 milliards supplémentaires cette année. En 2026, le gouvernement a aussi prévu une « surtaxe » de 3,5 milliards supplémentaires. Le budget des armées sera donc en hausse de 6,7 milliards d’euros par rapport à 2025, pour atteindre 57,1 milliards d’euros.
« Opacité budgétaire »
Comme à son habitude lorsqu’il s’agit d’examiner les crédits de la mission Défense, le rapporteur de la commission des finances, Dominique de Legge s’est, malgré ses efforts, montré sévère vis-à-vis de la copie du gouvernement en dénonçant une forme « d’opacité budgétaire », « une opacité sur la réalité de nos forces », et « les ambitions affichées insuffisamment financées ». « On ne peut à la fois, afficher des ambitions en loi de finances initiale, et bricoler une fin de gestion où systématiquement les surcoûts sont financés par des annulations de crédits sur d’autres programmes ou des reports de charges pour l’année suivante », a-t-il tancé après avoir chiffré à 8 milliards le report de charges à la fin de 2024, hors dépenses de personnels.
Quant au service militaire volontaire, annoncé le mois dernier par Emmanuel Macron, le rapporteur n’a pas trouvé sa traduction budgétaire. « Quel est concrètement sa traduction budgétaire en termes d’infrastructures, d’équipements et de frais de fonctionnement ? a interrogé Dominique de Legge.
C’est pourquoi, comme l’on fait ses collègues, le président de la commission des affaires étrangères et de la défense, Cédric Perrin a plaidé pour une réactualisation de la loi de programmation militaire notamment Cette réactualisation devra intervenir « dans les toutes premières semaines » de l’année prochaine, a confirmé la ministre des Armées et des Anciens combattants, Catherine Vautrin. Elle précise que le service militaire sera financé à hauteur de 100 millions d’euros en 2026, 10 millions pour les soldes, 50 millions pour l’équipement et 40 millions pour les infrastructures, le budget est porté à 2,3 milliards entre 2026 et 2030.
« Il s’agit aussi d’être cohérent avec le nouvel objectif fixé par l’OTAN de 3,5 % du PIB (consacrée aux dépenses militaires) à l’horizon 2035 », a-t-il rappelé prenant soin de mettre en perspective « cet effort considérable avec les dépenses militaires réalisées par la France durant la guerre froide. « Les crédits ont oscillé entre 3,5 % et 6 % du PIB », a-t-il indiqué.
« Aller plus loin en matière de fidélisation »
Alors que le chef d’état-major des armées, Fabien Mandon a récemment invité les élus à se préparer à « un choc » avec la Russie « d’ici trois, quatre ans », le programme 178 visant à créer de meilleures conditions d’entraînement et à entretenir les matériels en vue de combat de haute intensité a progressé de 11 % en 2026. De même que les dépenses de soutien aux armées sont en hausse de 3 %.
Car comme l’avait rappelé, Fabien Mandon, pour inciter les sous-officiers à rester dans l’armée, un effort doit être apporté aux conditions de vie des militaires et de leurs familles. 159 millions d’euros supplémentaires en 2026 sont fléchés pour améliorer les conditions de vie et de travail des militaires.
Catherine Vautrin a confirmé « qu’il fallait aller plus loin en matière de fidélisation ». Concernant, l’effort alloué à la mission défense, la ministre a rappelé « que l’effort de réarmement n’était pas une singularité française. Il est la norme en Europe. Tous les pays se réarment. Les Pays Baltes augmentent leur budget entre 33 et 28 % » pour faire face à la Russie qui consacre quant à elle 40 % de son budget à la défense.
A gauche, le parti socialiste par la voix du sénateur Rachid Temal a voté les crédits tout en appelant le gouvernement à plus de transparence et que le Parlement « soit mieux associé ». Un point sur lequel il s’accorde avec Dominique de Legge. « Plus le budget augmente, plus l’information du Parlement doit être sincère (..) Vous ne pouvez pas, au moment où vous sensibilisez les Français à l’état des menaces (..) cacher le degré de préparation aux combats », a-t-il souligné en expliquant avoir eu connaissance de certaines informations comme « un certain nombre de collègues »
Les communistes dénoncent « l’obsession guerrière » d’Emmanuel Macron
La sénatrice communiste, Michelle Gréaume a comparé l’effort pour la défense aux coupes dans l’éducation, la santé, ou encore dans les dotations des collectivités. « Pour faire avaler ce surarmement aux travailleurs, vous n’hésitez plus à créer un climat anxiogène pour notre jeunesse », a-t-elle fustigé dénonçant « l’obsession guerrière » d’Emmanuel Macron.
La sénatrice a plaidé pour une armée « qui ne serve que la défense stricte de notre territoire national, nos infrastructures et notre population » contre « un budget qui organise un surarmement et une logique de projection extérieure ».
Le sénateur centriste a lui défendu sans succès un amendement visant à réduire les crédits de la défense de 1,7 milliard afin de concilier la nécessité de maîtriser les finances publiques et une augmentation considérable des crédits par rapport aux prévisions.
Dans son avis défavorable, la ministre a rappelé qu’entre 2009 et 2015, « un régiment sur deux a été fermé, 50 000 postes ont disparu. Donc, en matière d’économies, le ministère a très largement contribué », a-t-elle fait valoir.