Paris: Questions au gouvernement Senat
ISA HARSIN/SIPA

Budget de la Sécu : que retenir des modifications adoptées par le Sénat ?

A l’issue de l’examen du budget de la Sécurité sociale, c’est un texte profondément remanié qui ressort des mains de la majorité sénatoriale LR-centriste. Entre le rejet de la suspension de la réforme des retraites, le retour partiel du gel des minima sociaux et pensions, la suppression de la hausse de la CSG sur le capital ou la hausse du temps de travail, un accord avec les députés en commission mixte paritaire semble impossible, tant les copies divergent.
François Vignal

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Du sol au plafond. Entre le texte qui est arrivé sur le bureau du Sénat, et celui qui en ressort, il n’y a plus grand chose en commun. Les sénateurs de la majorité sénatoriale LR et centriste ont revu de fond en comble le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Après sept jours et nuits de débats, la Haute assemblée a conclu l’examen des articles dans la nuit de mardi à mercredi, avant un vote solennel sur l’ensemble du texte, ce mercredi, en fin d’après-midi.

C’était attendu. « La copie n’est pas acceptable », avait prévenu avant l’examen du texte, la centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale du budget de la Sécu au Sénat. « Nous allons entrer en résistance » « face à une droite réactionnaire », avait assuré une gauche unie, avec les groupes PS, PCF et Ecologistes. Mais en vain. Les sénateurs LR disposent de la majorité absolue, aux côtés de leurs alliés du groupe Union centriste, rendant l’issue des votes généralement prévisible, contrairement à l’Assemblée.

La commission mixte paritaire (CMP), où sept députés et sept sénateurs vont tenter de trouver un texte commun, est convoquée dès ce mercredi soir, à l’Assemblée. Mais son issue ne fait pas de doute : ce sera un échec. Impossible de rapprocher les parties, à commencer par la question très politique de la suspension de la réforme des retraites, concession faite par le gouvernement aux socialistes, sur laquelle la droite sénatoriale est revenue et n’entend pas transiger. Autre signe de l’échec très probable de la CMP : le fait qu’elle soit convoquée dans la foulée de l’examen au Sénat. Si un accord était envisageable, au moins une journée de négociations informelles, avant la CMP, aurait été prévue. Ce n’est pas le cas. Précision importante : il ne s’agit donc pas encore de la copie définitive. Les députés, qui ont le dernier mot, pourront encore revenir sur les votes du Sénat. A condition cependant d’adopter un texte…

Entre rejet de la suspension de la réforme des retraites, rétablissement du gel des pensions, refus de la hausse de la CSG sur le capital, rejet de l’Ondam ou allongement du temps de travail, on fait le point sur les nombreuses modifications adoptées par le Sénat, grâce aux (nombreux) articles de publicsenat.fr sur les débats du budget de la Sécu, que nous avons suivis en intégralité.

  • Un déficit de la Sécurité sociale ramené à 17,6 milliards d’euros

La copie sénatoriale revoit le niveau de déficit. Alors que les mesures adoptées par les députés portaient le déficit de la Sécurité sociale à 24 milliards d’euros, les sénateurs, attachés au contrôle des finances publiques, l’ont ramené à 17,6 milliards d’euros, soit quasiment le niveau fixé dans la version gouvernementale d’origine, avec 17,5 milliards d’euros.

  • Suppression de la suspension de la réforme des retraites

C’est le sujet le plus symbolique du budget de la Sécu. La suspension de la réforme des retraites, mesure concédée par le gouvernement aux socialistes pour tenter d’obtenir une non-censure de leur part, et ainsi permettre l’adoption d’un budget, n’a pas été du goût de la majorité sénatoriale. Elle est ainsi revenue sur ce vote des députés. Il faut dire que la réforme Borne a été en partie inspirée des travaux du Sénat. La majorité sénatoriale repoussait en effet depuis plusieurs années l’âge de départ à 64 ans, avec une accélération de la réforme Touraine.

  • Rétablissement du gel sur les minima sociaux et pensions, à l’exception des petites retraites et de l’AAH

C’est dans une ambiance tendue, sous les critiques des sénateurs de gauche, que la majorité sénatoriale a rétabli le gel des minima sociaux et des pensions de retraite, conformément à ce qu’elle avait défendu l’été dernier, en présentant alors ses propositions à François Bayrou. Ils ont cependant assoupli le gel, en apportant deux exceptions : pour les petites retraites, inférieures à 1400 euros, et pour les bénéficiaires de l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés.

  • Le Sénat rétablit le gel du barème de la CSG

À l’initiative de sa majorité de droite et du centre, le Sénat a figé le barème de calcul de la contribution sociale généralisée (CSG) pour l’année 2026. Cette mesure doit permettre d’économiser 300 millions d’euros. Très largement dénoncée par la gauche, elle participe de la réintroduction de « l’année blanche ».

  • Suppression de la hausse de la CSG sur le capital, fruit du compromis avec les députés PS

Comme annoncé, la majorité sénatoriale LR et centriste a supprimé la hausse de la CSG sur le capital votée par les députés, censée rapporter 2,66 milliards d’euros. Le PS a reproché à la droite de « défendre le capital, le profit, de manière entêtée ». Elisabeth Doineau a voulu là encore en rester aux « mesures que la majorité sénatoriale avait défendues en juillet auprès de François Bayrou ».

  • Suppression de l’Ondam, le budget des hôpitaux, pour protester contre son niveau trop faible

Pour certains, c’est le point le plus important de ce PLFSS : le niveau de l’Ondam, soit le budget de l’hôpital. Avec une augmentation de seulement 1,6 % par rapport à 2025, l’objectif de dépenses de l’assurance maladie, l’Ondam donc, a carrément été supprimé par les sénateurs, en protestation. Beaucoup de parlementaires l’ont jugé « insincère » et « intenable ». La rallonge d’un milliard d’euros, dont 850 millions pour les hôpitaux et cliniques, promise par le gouvernement à l’Assemblée, n’a pas suffi à convaincre le Sénat.

  • La majorité sénatoriale allonge la durée légale du temps de travail de 12 heures sur une année

C’est une mesure qui a fait du bruit. Les sénateurs ont adopté un amendement du centriste Olivier Henno, qui augmente le temps de travail. La majorité sénatoriale a ainsi décidé de porter la durée annuelle de temps de travail de 1607 heures à 1619 heures, soit 12 heures de plus par an. Ce qui revient à allonger d’environ 15 minutes la durée légale hebdomadaire du temps de travail. Ce dispositif, censé rapporter quelques milliards d’euros, selon son auteur, a fait bondir les oppositions de gauche. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, y est aussi opposée.

  • Création d’un nouveau congé supplémentaire de naissance, remanié par les sénateurs

C’est l’une des nouveautés de ce PLFSS. C’est aussi un nouveau droit, alors que l’époque est davantage à supprimer des dispositifs. Ce congé vient en plus des congés maternité et congé paternité. Il permettra aux femmes, comme aux hommes, de prendre un à deux mois de congé supplémentaires, après la naissance d’un enfant. Le coût de la mesure est de 600 millions d’euros.

Mais les sénateurs ont apporté quelques modifications : un amendement supprime l’obligation qui était faite aux parents de prendre de façon non simultanée au moins un mois de congé supplémentaire. Un autre revient sur la possibilité de diviser la prise du congé en deux périodes d’un mois. Enfin, sur la date d’entrée en vigueur, ramenée de juillet 2027 au 1er janvier 2026 par les députés, les sénateurs ont préféré la fixer au 1er janvier 2027.

  • Allocations familiales : le Sénat maintient les majorations à partir de 14 ans

La mesure est censée financer le nouveau congé supplémentaire de naissance. Mais les sénateurs de droite et du centre ont refusé le décalage de la majorité des allocations familiales, de 14 à 18 ans. Ils maintiennent le dispositif en place.

  • Biologie médicale, radiologie, dialyse, radiothérapie : le Sénat refuse d’attribuer à l’Assurance maladie un pouvoir de baisse des tarifs

C’est une mesure qui paraît technique et qui n’est, au premier abord, pas grand public. Elle a pourtant été remarquée. Le Sénat a refusé d’attribuer à l’Assurance maladie un pouvoir de baisse unilatérale des tarifs. Ce dispositif vise à lutter contre les situations de rentabilité excessive dans certaines spécialités de la santé. On parle ici de biologie médicale, de radiologie, de dialyse, ou encore de radiothérapie. Alors que le gouvernement veut donner la possibilité au directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie de pouvoir procéder à des baisses de tarifs, la majorité sénatoriale refuse, préférant s’en remettre à la négociation conventionnelle.

  • Adoption de mesures pour freiner la fuite des médecins vers la médecine esthétique

Au cours des débats, les sénateurs ont adopté un amendement pour permettre d’encadrer davantage ce secteur, en matière de qualification et d’expérience. Il permettra aussi d’en réguler le nombre de pratiquants.

  • Suppression du réseau France Santé, mesure défendue par Sébastien Lecornu

C’était la première mesure annoncée par Sébastien Lecornu, à peine nommé premier ministre, en septembre : le réseau France Santé. Le Sénat lui a jeté un sort. Avec un objectif d’offrir une solution de santé à moins de 30 minutes et un rendez-vous médical sous 48 heures, quand nécessaire, les sénateurs ont pointé une idée insuffisamment concertée et préparée, y voyant une mesure d’« affichage ». Ils ont tout simplement décidé de la supprimer.

  • Grippe : les sénateurs rétablissent l’obligation vaccinale pour les soignants, pas pour les résidents d’Ehpad

Cet article 20 a fait couler beaucoup d’encre. Portant sur l’obligation de vaccination contre la grippe pour les professionnels de santé libéraux, il avait été supprimé à l’Assemblée. Le gouvernement l’avait tout de même maintenu dans le texte. Les sénateurs ont adopté l’article, mais ont en revanche exclu de l’obligation vaccinale les résidents d’Ehpad. La chambre haute a par ailleurs adopté l’obligation vaccinale contre la rougeole pour les soignants, les étudiants en santé et les professionnels de la petite enfance.

  • L’amendement pour dérembourser les soins de psychanalyse finalement retiré

Le dépôt de cet amendement avait déclenché une grosse polémique. Il a finalement été retiré. L’amendement de la sénatrice centriste Jocelyne Guidez proposait de sortir la psychanalyse des prestations donnant lieu à un remboursement par l’assurance maladie. La sénatrice a assuré vouloir « ouvrir le débat » et « alerter sur le danger que peut représenter la psychanalyse dans le champ des troubles du neurodéveloppement », notamment les troubles du spectre de l’autisme.

  • Le Sénat s’oppose à la taxation des titres-restaurant et accepte d’alourdir celle sur les indemnités de rupture conventionnelle

Comme les députés, les sénateurs disent non à une taxation des titres-restaurant et des chèques vacances au niveau des entreprises. Ils maintiennent aussi l’alourdissement de la cotisation patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite, voté par l’Assemblée nationale.

  • Le Sénat rétablit la taxe d’un milliard d’euros sur les mutuelles

La majorité sénatoriale a réintroduit la contribution exceptionnelle demandée aux complémentaires santé, avec le soutien du gouvernement. Elle avait été supprimée du projet de loi par les députés. La gauche dénonce un « nouvel impôt caché ».

  • Maintien de la suppression de l’extension du champ des franchises médicales

Supprimée par les députés à une très large majorité, la mesure proposait d’étendre le champ des franchises médicales. Le gouvernement veut ainsi soumettre également les consultations chez les chirurgiens-dentistes, étendre la franchise annuelle aux dispositifs médicaux (comme les pansements ou les prothèses) et créer un nouveau plafond spécifique aux transports sanitaires. Une mesure permettant à la Sécurité sociale d’économiser 600 millions d’euros à partir de 2027. Mais la majorité sénatoriale n’a pas voulu rétablir l’article.

Autre mesure sensible : le gouvernement veut doubler les franchises médicales et les participations forfaitaires. Mais ici, pas besoin de passer par la loi. Le gouvernement prendra un décret.

  • Après des débats tendus, le Sénat a supprimé l’exonération de cotisations sociales des apprentis

Portée par la majorité sénatoriale et le gouvernement, cette suppression doit permettre, à terme, une économie de 1,2 milliard d’euros. Elle a soulevé de vives protestations au sein des oppositions de gauche, celles-ci reprochant à la droite et à l’exécutif de faire peser les efforts sur les plus fragiles, sans vouloir toucher aux allégements de charges patronales.

  • Compléments de salaires : le Sénat fait un pas vers la gauche en limitant les exonérations pour les plus hauts salaires

Le Sénat a adopté un amendement des socialistes pour abaisser à 6000 euros le plafond en dessous duquel les compléments de salaires, comme l’intéressement, ne sont pas soumis à cotisation sociale. La mesure ne concerne que les salariés payés plus de 5400 euros brut.

  • Allègements de cotisations : les sénateurs s’insurgent contre « le hold-up » de l’Etat sur les caisses de la Sécu

C’était l’un des rares moments d’unité. Les élus de la majorité sénatoriale de droite et du centre, mais aussi ceux des oppositions de gauche, ont reproché à l’Etat de vouloir ponctionner 3 milliards d’euros dans les caisses de la Sécurité sociale, malgré l’ampleur des déficits. Cette somme est issue des économies réalisées grâce à la réforme des allégements de cotisations patronales.

  • Le Sénat étend le champ de la taxe sur les boissons alcoolisées « premix »

Taxer les premix sans modération. En séance, les sénateurs ont étendu le nombre de produits concernés par la taxe sur les mélanges d’alcools forts et de boissons énergisantes, plus connus sous le nom de « premix », boissons dont raffolent les jeunes, proies idéales pour les alcooliers. Les sénateurs ont ajouté les boissons les plus fortement alcoolisées, qui n’y figuraient pas.

La rapporteure générale du budget de la Sécu, la centriste Élisabeth Doineau, a évoqué notamment le « Vody ». « Sous les apparences inoffensives d’un soda, le Vody contient 22 % d’alcool dans des conditionnements de 25 centilitres, soit l’équivalent de 4 shots de vodka », dénonce la sénatrice.

  • Le Sénat s’oppose à l’affichage obligatoire du Nutri-score

Les sénateurs ont supprimé du projet de budget de la Sécurité sociale une taxe, insérée à l’Assemblée nationale, visant les entreprises qui n’apposent pas le Nutri-score sur leurs denrées alimentaires.

Deux amendements ont d’abord été adoptés pour exclure expressément de cette obligation les appellations d’origine protégée (AOP), appellation d’origine contrôlée (AOC), indications géographiques protégées (IGP), les produits Label Rouge ou encore les « produits fermiers ». Malgré ces tentatives de border le dispositif, une majorité s’est dessinée pour rejeter l’obligation de l’affichage.

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