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Budget de la Sécurité sociale : la majorité sénatoriale veut rétablir la réforme des retraites, ainsi qu’un gel partiel des pensions

La commission des affaires sociales du Sénat a examiné ce 15 novembre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, transmis mercredi. Les rapporteurs veulent faire table rase de nombreuses modifications faites par les députés, qui ont aggravé le déficit de 17,5 à 24 milliards d’euros.
Guillaume Jacquot

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La majorité sénatoriale de droite et du centre avait promis de « nettoyer » le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) revenu de l’Assemblée nationale mercredi, après expiration du délai d’examen. Une large partie de la commission des affaires sociales, qui examinait le texte ce 15 novembre dans la matinée, est bien décidée à suivre cette ligne, comme le montre la position défendue par les rapporteurs.

Contrairement à l’Assemblée nationale, où tous les amendements sont examinés en commission, ce premier tour au Sénat consiste à prendre connaissance des amendements qui seront défendus par les rapporteurs LR et Union centriste, au cœur des débats en séance à partir du 19 novembre. Leur ligne de conduite sera de revenir sur les nombreuses modifications opérées par les députés, qui ont alourdi le déficit prévu en 2026 de la Sécurité sociale à près de 24 milliards d’euros, soit 7,5 milliards d’euros par rapport au texte initial présenté par le gouvernement.

« C’est une inflexion, pour rassurer les marchés financiers et nos partenaires européens. On est sous procédure de déficit excessif ! » explique à Public Sénat Élisabeth Doineau, rapporteure générale (Union centriste) de la commission des affaires sociales. Les amendements portés par la majorité sénatoriale auront pour objectif de revenir a minima au niveau de déficit sur lequel s’est engagé le gouvernement, de 17,5 milliards d’euros. Comme l’an dernier, la copie sénatoriale devrait même aller au-delà du quantum d’économies proposé par le gouvernement. Elle pourrait ramener le déficit à 15 milliards d’euros, de quoi assurer des marges de manœuvre en vue de la commission mixte paritaire. « On s’est complètement rapproché de ce qu’on avait présenté à François Bayrou cet été », résume Élisabeth Doineau.

Opposition à la suspension de la retraite et retour du gel des pensions, en excluant les plus modestes

Deux amendements notables résument la ligne LR-centriste au Sénat. Le premier, annoncé depuis des semaines, consiste à retirer la suspension de la montée de l’âge légal de départ à la retraite. « La majorité sénatoriale ne veut pas revenir sur la réforme des retraites », maintient la sénatrice Élisabeth Doineau.

Autre amendement qui devrait marquer les débats la semaine prochaine : la majorité sénatoriale veut rétablir le gel des pensions et des prestations sociales, inscrit dans le texte initial, mais en l’assouplissant. Les rapporteurs préserveront les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ainsi que les retraités qui touchent une pension inférieure à 1 400 euros brut.

Pour rappel, le gel total des prestations et des pensions de retraite est censé économiser à la Sécurité sociale près de 2,7 milliards d’euros en 2026. Dans un rapport pour avis publié le 14 novembre, la commission des finances du Sénat a elle aussi rappelé son attachement à cette année blanche. « Il serait regrettable de renoncer totalement à cette économie », a souligné le rapporteur Vincent Delahaye (Union centriste).

Selon les dernières données publiées par la Drees (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), 45,5 % des retraités touchaient une pension inférieure à 1 400 euros brut à la fin de l’année 2020, concernant le régime de base. Cette part est cependant plus basse aujourd’hui en raison des revalorisations des pensions intervenues au cours des quatre années qui ont suivi.

La droite et le centre s’opposeront au relèvement de la CSG sur les revenus du capital

« Nous reviendrons sur les différentes taxes, et les suppressions coûteuses de niches », poursuit Élisabeth Doineau. La majorité sénatoriale entend par exemple revenir sur le relèvement de la CSG sur les placements financiers, une mesure introduite à l’Assemblée nationale qui aurait pour effet d’accroître les prélèvements de 2,8 milliards d’euros.

La majorité sénatoriale devrait aussi rétablir la contribution exceptionnelle d’un milliard d’euros prévue sur les organismes de complémentaire santé.

De leur côté, les socialistes ne se montrent pas surpris par le retrait annoncé de la réforme des retraites, ni par la volonté de la droite et du centre de rétablir le gel des prestations et pensions, même dans une version limitée. « Je pense que la discussion va être ferme de notre côté, elle sera très dure », anticipe Annie Le Houérou, cheffe de file du groupe socialiste sur le projet de loi. « Exclure seulement l’allocation adulte handicapée et les pensions de moins de 1 400 euros nous semble largement insuffisant. Il ne doit pas être question de geler les prestations sociales très faibles pour les gens qui en bénéficient », réagit-elle.

Fidèle à l’effort budgétaire proposé par le gouvernement, la majorité sénatoriale ne cautionnera pas pour autant tous les articles inscrits dans le texte. C’est par exemple le cas de la récupération par l’État des économies liées aux réformes 2025 et 2026 des allègements généraux de cotisations. Les transferts de TVA affectés à la Sécurité sociale, en guise de compensation, seront réduits d’autant, selon le projet de loi. « Sur les trois milliards d’euros que voudrait reprendre l’Etat, là, on n’est pas d’accord », fait savoir Élisabeth Doineau.

La majorité sénatoriale devrait également rejeter l’Ondam, l’objectif de dépenses d’assurance maladie, qui a pourtant été relevé à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du gouvernement. La progression des dépenses de santé, d’abord fixée à 1,6 % dans le texte initial, a été corrigée à 2 %, en particulier pour tenir compte de la situation budgétaire dégradée des hôpitaux et des cliniques. Le niveau, même révisé, apparaît toutefois comme insincère aux yeux de plusieurs sénateurs.

« On juge cet Ondam insoutenable. Même si un milliard d’euros a été rajouté par amendement à l’Assemblée nationale, cela ne nous paraît pas tenable. Cette année, quand le comité d’alerte a rempli son rôle, des mesures d’arbitrage ont été décidées unilatéralement par le gouvernement », épingle Corinne Imbert, rapporteure (LR) de la branche maladie. Le Sénat avait déjà supprimé l’article fixant l’Ondam il y a deux ans.

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