A quelques heures de l’examen du budget de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale, le gouvernement s’engage à ce qu’il n’y ait pas de déremboursement des médicaments en 2025, accédant à une demande du Rassemblement national.
Budget : face à « un état d’urgence budgétaire », le Sénat cherche plusieurs milliards d’euros d’économies supplémentaires
Par François Vignal
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« On va essayer de faire les choses propres ». Dans son bureau de rapporteur de la commission des finances du Sénat, le sénateur LR de Meurthe-et-Moselle, Jean-François Husson, entretient l’image de la sagesse sénatoriale. Alors que le budget 2025 est toujours en cours d’examen par les députés, la Haute assemblée se prépare.
« A l’Assemblée, ça part un peu dans tous les sens, on va regarder en mettant un cadre »
« A l’Assemblée, ça part un peu dans tous les sens, on va regarder en mettant un cadre », prévient mardi soir le rapporteur, à la veille d’une première étape du marathon budgétaire pour la Haute assemblée. Entre deux missions thématiques, les sénateurs ont adopté ce mercredi matin en commission le tome I du projet de loi de finances (PLF), qui porte sur les grands équilibres macroéconomiques pour 2025, avant de passer, la semaine prochaine, à un morceau de choix : la partie recettes.
Des comptes qui sont comme on le sait dans le rouge. Jean-François Husson pointe leur « dérive » en 2023 et 2024. Après 5,5 % de déficit en 2023, un record sous la Ve République hors période de crise, la prévision est de 6,1 % en 2024. C’est pourquoi le Sénat a relancé sa mission d’information sur les causes de ce dérapage non contrôlé, comme publicsenat.fr l’avait révélé. C’est « la saison 2 », lance le rapporteur, qui entend « purger » le sujet. « C’est un septennat Macron-Le Maire, il faut que chacun assume », demande le sénateur LR, affirmant que « les Français ont besoin de connaître la vérité », ce qui pourrait, selon lui, « aider à accepter » l’effort demandé dans ce PLF. C’est peu dire que les réponses de l’ex-ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, auditionné ce jeudi matin, sont attendues, comme celles de l’ex-premier ministre, Gabriel Attal, auditionné vendredi matin.
Le « club des cinq » du Sénat plutôt que le « socle commun »
S’ils seront peut-être mis sur le grill des sénateurs, Jean-François Husson se retrouve pourtant aujourd’hui dans le même bateau et devra mener les travaux avec tact. Car le gouvernement Barnier est en effet soutenu par sa famille politique, les LR, comme par l’ex-majorité présidentielle (Renaissance, Modem, Horizons), un attelage souvent sous tension (lire notre article). Mais plutôt que « socle commun », le rapporteur du budget donne un autre nom. « Nous, ce n’est pas le socle commun. J’ai baptisé ça ici « le club des cinq ». Déjà, c’est plus sympa. On a une majorité nouvelle qui s’apprend, dans le soutien au gouvernement », dit-il. Une « ambiance sympa » donc, qu’il veut tout autre que celle observée à l’Assemblée. « Ils se prennent tous au sérieux, ils se foutent sur la gueule », lâche le sénateur. Ce breuvage au goût nouveau se fait avec « différent assemblages », qui doivent apprendre aussi à composer, y compris même pour le budget avec « les sociaux-démocrates », pourquoi pas sur le logement, espère le rapporteur.
Comme nous l’expliquions, Jean-François Husson a réuni tous les rapporteurs de la commission des finances membre du « club des cinq » et les rapporteurs pour avis des autres commissions, pour un premier temps d’échange, qui devrait se rééditer. Mais la grande nouveauté, c’est le calage en amont avec Matignon. Si le Sénat fera ses propres propositions, il cherche dans la mesure du possible à s’accorder avec le premier ministre, qui leur a dit que la copie du budget n’était pas à prendre ou à laisser. Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, suit aussi de près évidemment le sujet et échange avec Michel Barnier. « Il est très actif, il est à fond », glisse Jean-François Husson.
« Plusieurs milliards d’euros » d’économies supplémentaires
En soutien aujourd’hui au gouvernement, Jean-François Husson « partage l’ambition des 60 milliards d’euros d’économies » globales. La majorité sénatoriale entend même aller plus loin dans le niveau des économies. Les sénateurs regardent, mission par mission, avec plusieurs dizaines de pistes d’économies à la clef. « Ce sera de toute façon plusieurs milliards d’euros » en plus, avance le rapporteur, mais sans trop préciser lesquelles pour l’heure. Un renforcement des économies qui doit permettre, dans l’objectif des sénateurs, d’alléger les hausses d’impôts prévues. De quoi aussi peut-être revenir, en le compensant, sur le gel des pensions des retraites pendant 6 mois, qui passe mal à droite.
« On est dans un état d’urgence budgétaire », alerte Jean-François Husson, « il faut marquer un temps d’arrêt ». Mais les sénateurs avancent sur une ligne de crête. « Il faut être ambitieux et réaliste », résume le rapporteur LR.
« On va probablement resserrer l’Aide médicale d’Etat »
Il faudra cependant attendre pour avoir plus de détails. Jean-François Husson évoque simplement quelques pistes d’économies nouvelles : le Service national universel, dont la commission des finances a déjà voté pour le principe d’une baisse de 100 millions d’euros de ses crédits.
Le budget de formation du personnel enseignant, doté de 2,1 milliards d’euros, qui « est toujours sous consommé depuis 10 ans », pourra être raboté. Il évoque encore les 169 millions des crédits de la mission plan de relance, la mission France 2030, ou encore le sujet sensible de l’Aide médicale d’Etat (AME). « On va probablement la resserrer », avance le sénateur LR.
Une « team collectivités » s’est rendue à Matignon
Pour les collectivités en revanche, le Sénat, qui les représente selon la Constitution, devrait finalement alléger l’effort demandé. « On partage l’objectif des 5 milliards d’euros d’économies demandés aux collectivités. J’ai le même objectif. Mais je ne sais pas si je vais l’atteindre. Vous voulez 5 milliards mais vous avez le feu ? Ou 4,3 milliards et ça passe ? » interroge Jean-François Husson. Lors d’une visite auprès du département de l’Aisne, en difficulté, le 16 octobre, il défendait pourtant seulement un rééquilibrage de l’effort, sans évoquer un allègement sur les 5 milliards d’euros d’économies.
Preuve que les « col’ ter’ » seront un sujet « incontournable » au Sénat : une « team collectivités », composée de Jean-François Husson, de la sénatrice LR des Hauts-de-Seine, Christine Lavarde et de Stéphane Sautarel, sénateur LR du Cantal et rapporteur spécial de la commission des finances sur les collectivités, s’est rendue mardi matin à Matignon pour travailler le sujet. « On réfléchit à proposer des dispositions alternatives qui vont mieux passer », explique Jean-François Husson. Le rapporteur pointe notamment du doigt l’objectif du gouvernement d’une économie de 800 millions d’euros sur le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), dont bénéficient les départements. Sur le prélèvement annoncé sur les 450 plus grandes collectivités, il veut aussi « faire les choses avec d’autres solutions ».
« On ne joue pas là, les Français vont nous regarder »
Les débats débuteront en séance le 21 novembre prochain et dureront jusqu’au 10 décembre. Si le texte avait assurément la marque du Sénat, il faudra tenir les troupes et les sénateurs devront limiter leurs ardeurs. Autant dans une logique de coconstruction avec le gouvernement, que pour des raisons plus politiques et d’image. « On veut aller chercher des choses raisonnables et se mettre dans la perspective d’une commission mixte paritaire qui puisse atterrir », cadre Jean-François Husson, qui entend aussi « montrer que bicamérisme est plus utile qu’on ne le pense ». Et de prévenir : « On ne joue pas là, les Français vont nous regarder au Sénat ».
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