Sous pression, le gouvernement de Michel Barnier a présenté, cet automne, un projet de loi de finances prévoyant un effort budgétaire de 60 milliards d’euros. Réparties entre 40 milliards de coupes budgétaires et 20 milliards de recettes nouvelles, ces économies doivent permettre à la France de revenir à un déficit public de 5 % du PIB pour 2025. Un enjeu majeur après le dérapage des prévisions du déficit pour l’année 2024, désormais estimé à 6,1 % du PIB.
Dans son avis sur les budgets des Etats membres, la Commission européenne valide la trajectoire proposée par le gouvernement français qui doit lui permettre, à terme, de respecter les règles du Pacte de stabilité et de croissance. Pour rappel, les règles européennes imposent aux Etats membres de respecter un endettement inférieur à 60 % du PIB et un déficit public inférieur à 3 % par an. Dans les faits, huit Etats dont la France ont été placés dans la procédure de déficit excessif par la Commission européenne en juillet dernier. « Je suis satisfait de constater que la Commission européenne fait une évaluation positive du plan structurel et budgétaire à moyen terme de la France », s’est réjoui le ministre de l’économie, Antoine Armand.
« Généralement la Commission européenne valide ce type de trajectoire sur le temps long »
Suite à la réforme du pacte de stabilité et de croissance, entrée en vigueur au printemps 2024, les Etats doivent fournir une trajectoire de désendettement pour respecter leurs engagements européens. Dans le cas de la France, la Commission européenne a jugé que le plan à moyen terme proposait une « trajectoire budgétaire crédible ». Le plan présenté par le gouvernement français prévoit un retour progressif sous le seuil des 3 %, avec un déficit estimé à 4,6 % en 2026, 4 % en 2027, 3,3 % en 2028 et 2,8 % en 2029.
« Généralement la Commission européenne valide ce type de trajectoire sur le temps long et apprécie la progressivité de la diminution du déficit. Une réduction trop brutale peut aussi être perçue comme une menace pour la croissance », explique Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste de BDO et professeure d’économie à la Sorbonne.
Une trajectoire optimiste
Le risque est également de ne pas réussir à tenir ces trajectoires alors même que « la France est jugée optimiste sur ses trajectoires de croissance », continue Anne-Sophie Alsif. Hier, sur Public Sénat, le ministre des comptes publics, Laurent Saint-Martin, reconnaissait que le déficit pourrait être « un petit peu au-delà » des 5 %. « L’approche du gouvernement est de faire l’année prochaine un effort budgétaire plus fort même que ce qui est attendu par la Commission », explique pourtant à l’AFP Andreas Eisl, expert de l’Institut Jacques-Delors. Un choix risqué alors même que le dérapage des prévisions pour l’année 2024 a « porté un coup à la crédibilité de la France sur les hypothèses de croissance, la manière de modéliser les recettes et la présentation du budget », pointe Anne-Sophie Alsif. Le Haut conseil des finances publiques avait également jugé « fragiles » les prévisions du gouvernement français contenues dans le projet de loi de finances 2025.
Un avis contraint par une situation politique incertaine
Malgré ces incertitudes sur les prévisions économiques du gouvernement, la situation politique de la France pousse la Commission européenne à une certaine indulgence. « Le plan est aussi accepté parce que la situation politique est assez compliquée, il aurait été malvenu de demander plus d’efforts sur la baisse des dépenses », avance Anne-Sophie Alsif. « La situation de fragilité politique de la France inquiète évidemment la Commission », abonde Andreas Eisl.
Après avoir rencontré le Premier ministre hier, Marine Le Pen maintient sa menace de voter une motion de censure si le texte n’évolue pas et que le gouvernement utilise le 49.3. Michel Barnier recevra demain les représentants du Parti socialiste dans le cadre de ses consultations. En cas de chute du gouvernement, le projet de loi de finances serait considéré comme rejeté. De fait, la trajectoire de réduction du déficit défendue par le gouvernement serait caduque. « C’est une situation inédite. La Commission pourrait revoir son avis si la baisse des dépenses n’est pas aussi importante que prévu » conclut Anne-Sophie Alsif.