L’ombre du 49.3 plane depuis cet été sur le budget 2023. Cet outil, qui permet d’adopter un texte sans passer par le vote des parlementaires, est très impopulaire dans l’opinion publique. Mais le gouvernement pourrait être contraint de l’utiliser pour faire passer son budget pour l’année 2023, débattu à l’Assemblée à partir du 10 octobre. En effet, les oppositions se sont prononcées en défaveur du texte dès la fin de l’été. C’est le cas des Républicains, du RN et de la France Insoumise.
Pour contourner cette difficulté, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a proposé, ce dimanche 4 septembre, d’inviter tous les parlementaires des commissions des Finances du Sénat et de l’Assemblée nationale à discuter dans ce qu’il appelle les « Dialogues de Bercy ». Le but est de présenter les « arbitrages en cours », en amont du conseil des ministres et des débats au Parlement.
Une proposition qui n’enchante pas les oppositions
Les Républicains ont d’ores et déjà refusé de participer à ces rencontres. Aux journées de rentrée des jeunes LR ce week-end, le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau a en effet affirmé qu’il était « hors de question de rentrer dans un petit jeu de négociations ». Le RN a également décliné très rapidement l’invitation. Si la France Insoumise n’a pas totalement fermé la porte, Mathilde Panot, présidente du groupe France Insoumise à l’Assemblée nationale, affirme qu’elle « pense » qu’ils ne voteront pas le budget. Les socialistes se sont montrés plus mesurés, la proposition de Gabriel Attal sera débattue demain soir lors de leur bureau national.
« Au pire, ça ne sert à rien »
Au Sénat, la proposition ne dupe personne. « C’est une astuce de communication. Discuter du projet de loi de finances avec les parlementaires en amont du conseil des ministres, au pire, ça ne sert à rien », affirme Rémi Féraud, sénateur socialiste de Paris et membre de la commission des Finances. La réaction est plus indulgente du côté de Claude Raynal, sénateur socialiste de la Haute-Garonne, qui préside cette commission : « C’est une tactique, une manœuvre, mais c’est également une volonté d’ouverture et d’information. Ça ne mange pas de pain, c’est un exercice qui n’est jamais inutile ».
De l’autre côté de l’hémicycle, l’analyse est encore plus critique. Jean-François Husson, sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle et rapporteur général de la commission des finances regrette la méthode utilisée par le gouvernement : « pour moi, c’est un sujet institutionnel. La situation est trop sérieuse pour faire une proposition de ce type ». « Si c’est une magouille, ça n’amuse pas les Français », analyse-t-il. Il déplore un « geste de com’ », une « une énième tentative de nouvelle méthode » citant le Grenelle de l’environnement, le Beauvau de la sécurité, le Grenelle de la Santé, ainsi que les cahiers de doléances et la convention citoyenne pour le climat. Le sénateur aurait préféré que le gouvernement reste dans les clous et utilise les leviers institutionnels à sa disposition pour concerter, en impliquant les services de la Première ministre, et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
La participation n’est pas exclue a priori
Pour autant, aucun d’entre eux n’exclut a priori sa participation. « On ne va pas refuser une main tendue », affirme Rémi Féraud, paraphrasant le premier secrétaire du Parti Socialiste Olivier Faure. Jean-François Husson y participera « s’il est décidé collégialement, au Sénat et à l’Assemblée nationale que nous participerons ». Sa position tranche nettement avec celui de son président de groupe, Bruno Retailleau, sénateur LR de la Vendée et candidat depuis peu à la présidence de son parti.
Une « main tendue destinée d’abord à la droite »
Malgré tout, Rémi Féraud regrette une « main tendue destinée d’abord à la droite ». « On se demande si le gouvernement est prêt à accepter des revendications de l’ensemble de la gauche, comme la taxe sur les superprofits, et la réponse est non », explique-t-il. Il se dit prêt à pousser certains sujets transpartisans, comme l’amélioration de la situation des collectivités locales. Mais d’après lui, « La gauche ne votera jamais le budget, sauf changement radical de politique ».
Les sénateurs s’accordent donc sur une chose : la méthode ne convainc pas, les sujets sont trop importants pour négliger de parler du fond. Seront-ils entendus ? Si ce n’est pas le cas, l’exécutif laisse planer la menace du 49.3.