Invités à débattre du budget 2025 sur Parlement hebdo, le rapporteur LR de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, et le député PS Arthur Delaporte, s’opposent sur le sujet. « Il faudra bien faire des efforts », défend le sénateur LR, quand le socialiste dénonce « un effort incommensurable ».
Budget : la droite sénatoriale dénonce « une fausse fiscalité écologique »
Par Public Sénat
Publié le
C’est d’abord un « renoncement » d’Emmanuel Macron que Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat, a pointé ce matin en conférence de presse : « Celui de la réduction de la dette publique ». La mesure phare du projet de loi de finances 2020, la baisse de cinq milliards d’impôts sur le revenu pour les ménages, promesse du chef de l’État à l’issue du grand débat national, ne serait, pour la majorité sénatoriale, qu’un « trompe-l’œil ».
Données de l’Eurostat à l’appui, la commission des finances de la haute assemblée, rappelle que la France reste le pays le plus fiscalisé de l’OCDE. « Des baisses d’impôts, il y en a. Le problème, c’est qu’elles sont compensées par la hausse d’une foultitude de petites taxes qui vont toucher un certain nombre de secteurs économiques » note Albéric de Montgolfier, rapporteur LR du budget. Pire, observe-t-il, « ces baisses d’impôts sont à crédit. Ce budget est payé par de l’endettement. 205 milliards d’euros seront empruntés sur les marchés cette année. Si nous avions une remontée des taux d’intérêt, nous n’aurions aucune marge de manœuvre ». « Emmanuel Macron avait promis une révolution mais où est la révolution ? La France est toujours lanterne rouge en matière de dépenses publiques » complète Bruno Retailleau. En commission les sénateurs ont évalué 99,6% du PIB au deuxième trimestre 2019, l’endettement de la France.
« Une fausse fiscalité écologique »
À la lecture du budget, Bruno Retailleau relève qu’Emmanuel Macron « n’a pas retenu la leçon des gilets jaunes ». « Ce qui est terrible, c’est que la fiscalité écologique n’est pour l’État qu’un levier pour faire rentrer de l’argent supplémentaire. Une vraie fiscalité écologique, c’est surtout l’affectation de ces nouvelles recettes à la transition écologique » ajoute-il. Les sénateurs déplorent « l’absence de traçabilité » de ces hausses de taxes à visées écologiques avec la disparition de comptes d’affectation spéciaux : « Une fiscalité de rendement plutôt qu’une fiscalité d’accompagnement » regrettent-ils. « Le malus automobile va fortement augmenter mais pas le bonus. Ça restera difficile de changer sa voiture. La hausse des taxes sur le gazole non routier va toucher les entreprises. Les deux centimes de plus sur le gasoil routier vont toucher les transporteurs » détaille Alberic de Montgolfier avant de préciser qu’il est favorable, sur le principe, à la hausse des taxes sur les billets d’avion, « si elle était affectée à la transition écologique ». Alors « qu’elle ne vient que compenser les baisses de recettes des radars collecter par l’AFIT (Agence de financement des infrastructures de transport en France) » rappelle-t-il.
La suppression de la taxe d’habitation : « une réforme bâclée »
C’est un autre enjeu du projet de loi de finances, la suppression de la taxe d’habitation et la réforme du financement des collectivités locales, détaillées dans l’article 5. À l’unanimité des membres de la commission des finances, les sénateurs refusent « de voter à l’aveugle » « une réforme bâclée, faite sur un coin de table ». Le gouvernement a prévu de compenser la suppression totale de la taxe d'habitation par le transfert aux communes, en 2021, de la part de la taxe sur le foncier bâti qui revenait, jusque-là aux départements. Soit, 14,5 milliards d'euros annuels que l’État compensera avec une part de TVA. « La réforme n’est pas aboutie. Ce qu’on propose, c’est de proroger d’un an le dégrèvement par l’État, c’est-à-dire le fait que l’État se substitue aux contribuables. On va l’améliorer. On va la simuler et faire en sorte qu’elle ne rentre en vigueur que lorsqu’elle sera véritablement aboutie » explique le rapporteur LR du texte.
Le Sénat souhaite également transformer l’IFI (impôt sur la fiscalité immobilière), en IFI (impôt sur la fortune improductive). « Taper exclusivement sur l’immobilier me paraît extrêmement injuste. Alors que celui qui investit en bitcoin ou en obligations chinoises n’est pas taxé » insiste Alberic de Montgolfier.
Bruno Retailleau hostile « aux mesures de flicages numériques »
Au lendemain de l’adoption par les députés de l’article 57 du projet de loi de finances qui permet aux services fiscaux et douaniers de traquer la fraude fiscale par la collecte des données des Français sur les réseaux sociaux, Bruno Retailleau se dit, lui, « hostile aux mesures de flicages numériques ». « On ne va pas commencer à imiter la Chine. Je demande à l’État de renoncer. Dans le cas contraire, je demande à ce qu’il y ait une régulation et une transparence sur les algorithmes. Il en va de nos libertés publiques ».
Le projet de loi de finances sera examiné en séance publique au Sénat à partir du 21 novembre. Malgré ces nombreuses critiques, les sénateurs ne rejetteront pas en bloc le texte comme ils l’avaient fait il y a trois ans. « Pour 2017, le texte était totalement insincère notamment en ce qui concernait les hypothèses de croissance. Là, les hypothèses de croissance sont sincères » explique Alberic de Montgolfier.