C’est une mesure symbolique. La CDHR, la contribution différentielle sur les hauts revenus, mesure imaginée l’an dernier, est prolongée d’un an dans le projet de loi de finances (PLF) 2026. Le Sénat, qui entame ce vendredi matin l’examen des articles du budget, a adopté cet impôt qui vise les très riches.
Le Sénat, bien que de majorité de droite et du centre, a pourtant adopté l’article 2, qui porte la CDHR. L’idée de faire contribuer les ultra riches, mesures à l’origine défendue par la gauche, est depuis l’an dernier acceptée par le gouvernement et les LR. Une petite révolution en réalité, tant la droite s’est opposée, jusqu’ici, à ce type de mesures. Mais la gauche a réussi à mettre dans le débat public cet enjeu, une petite victoire pour elle. L’état des finances publiques a aussi, sûrement, contribué à faire accepter l’idée plus largement.
« Ciblée et temporaire »
« La commission des finances a recommandé l’adoption sans modification de cet article. La situation de nos finances publiques impose de préserver les recettes, pourvu que la mesure soit à la fois ciblée et temporaire », a expliqué le rapporteur général, le sénateur LR Jean-François Husson. Pointant cependant une disposition « particulièrement complexe », « la CDHR doit s’interpréter comme une mesure exceptionnelle de rendement », ajoute le rapporteur général de la commission des finances.
La gauche, mais aussi le sénateur centriste, Bernard Delcros, ont tenté en vain de maintenir la mesure jusqu’au retour sous les 3 % de déficit public, sujet débattu déjà à l’Assemblée. La gauche a aussi défendu des amendements pour rendre la CDHR pérenne. Ils ont tous été rejetés.
« On n’est pas dans le confiscatoire, mais le maintien de la progressivité de l’impôt sur le revenu »
La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a rappelé la philosophie de la CDHR : compenser le « taux moyen d’imposition sur les revenus » sur « les derniers centimes et millièmes », c’est-à-dire les ultra-riches, qui descend « jusqu’à 18 % », grâce aux « mécanismes de réduction d’impôt », alors qu’il atteint « 25 % » autour du 95e centile. Elle y voit « une mesure ballet, pour nous assurer d’avoir un taux in fine effectif de 20 %. Ce n’est pas absurde ». « On n’est pas dans le confiscatoire, mais le maintien de la progressivité de l’impôt sur le revenu », soutient la ministre. Le rendement attendu est de 1,5 milliard d’euros.
A noter qu’Amélie de Montchalin a exprimé un « avis de sagesse » sur l’amendement de Bernard Delcros visant un maintien jusqu’au retour au 3 % de déficit. « Soit on aura un débat dans les années qui viennent, soit vous considérez que l’impôt peut perdurer », avance la ministre.
« La mesure ne doit pas cacher la forêt des injustices fiscales »
Mais le sénateur PS Thierry Cozic a pointé une mesure qu’il juge insuffisante. « Elle ne doit pas cacher la forêt des injustices fiscales », pointe-t-il. « Avec ce budget, les plus riches peuvent dormir sur leurs deux oreilles », ajoute Thierry Cozic, qui rappelle la « sidérante envolée des revenus des très très riches ».
A l’inverse, le sénateur Horizons, Emmanuel Capus, a défendu la suppression de l’impôt, « une usine à gaz ». « On a dit que c’était temporaire, ciblé, provisoire. Et ça revient cette année. Quelle est la crédibilité de la parole publique ? » demande le sénateur, « hostile à toute hausse d’impôt ». « On ne peut pas opposer des catégories de Français à d’autres », a ajouté le sénateur Olivier Rietmann, président de la délégation aux entreprises. « Il ne faut pas opposer les vilains riches ou mauvais riches, aux gentils pauvres, car on n’y arrivera jamais » complète le centriste Daniel Fargeot.
« On n’essaie pas d’opposer les classes les unes aux autres, mais de rendre de la justice fiscale », a rétorqué Thierry Cozic, qui ajoute qu’il s’agit de « savoir si les très riches doivent payer moitié moins que les classes moyennes ». « Quand on prend un peu à ceux qui ont beaucoup, il leur en reste encore pas mal », a ajouté le sénateur PCF Pierre Barros.
Les sénateurs ont en revanche adopté des amendements identiques de Dominique de Legge (LR), du président du groupe PS, Patrick Kanner (PS) et de Jean-Baptiste Lemoyne (RDPI) pour « sortir de l’assiette du calcul les sommes versées au titre du mécénat », a expliqué le sénateur LR, voulant « valoriser le mécénat à travers cet amendement ».