Les sénateurs passeront au vote sur le budget ce jeudi après-midi. Malgré plusieurs concessions faites par le gouvernement aux socialistes, le groupe PS au Sénat s’opposera au texte. « À un moment, il faut être responsable : (...) notre pays a besoin d'un budget », regrette le nouveau président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, Paul Christophe. Invité ce jeudi de la matinale de Public Sénat, le député du Nord estime qu’« énormément d’avancées » ont déjà été apportées à la gauche sur le budget.
Budget : le Sénat de droite devrait « corriger la copie » des députés
Par Public Sénat
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Alors que le budget 2018 arrive en commission devant les députés ce mardi, la majorité sénatoriale a encore un peu de temps pour se préparer. La commission des finances commence à examiner les premières missions à partir de la semaine prochaine et fera ensuite ses premières auditions. Le rapport sur l’ensemble du projet de loi de finances (PLF) viendra début novembre pour un examen en séance prévu du 23 novembre au 12 décembre.
Bruno Retailleau ne votera « sans doute » pas le budget du gouvernement
Mais les sénateurs n’attendent pas le mois de novembre pour s’exprimer. Le président du groupe LR, Bruno Retailleau, a prévenu, ce matin, sur France Inter : il ne votera « sans doute » pas le budget qu’il juge « décevant » sur la question des déficits et de la compétitivité des entreprises.
Fidèle à lui-même, Gérard Larcher est un peu plus mesuré. Des variations au sein de la droite qui n’ont pas échappé du côté de la majorité présidentielle : « Selon le parlementaire, vous n’avez pas les mêmes référents et la même droite » constate avec un brin de malice une source ministérielle.
Avant de dire s’il voterait ou non le texte, Gérard Larcher veut « dialoguer avec (ses) collèges de la commission des finances ». « Avant de mettre une note, il faut examiner la copie totalement. Il y a beaucoup de zones de flou : collectivités territoriales, baisse d’impôts » a-t-il affirmé ce matin, invité de Territoires d’Infos, sur Public Sénat. Il pointe l’effet de la hausse de la CSG « sur les retraités » et « les injustices » qu’elle peut engendrer. Quant à l’ISF, dont la réforme gouvernementale fait polémique, il « pense que c’est un mauvais impôt ».
Albéric de Montgolfier : « Il faudra sans doute qu’on corrige pas mal la copie »
Alors comment ses collègues de la commission des finances perçoivent-ils le PLF ? Le rapporteur général du budget, le sénateur LR Albéric de Montgolfier, qui doit justement s’entretenir avec Gérard Larcher du sujet, distribue les bons et les mauvais points. « C’est un budget contrasté. Il y a des très bonnes choses, avec des économies proposées et un changement dans la méthode pour les faire. On s’attaque à des économies structurelles. (…) Mais il y a également des aspects très critiquables : la CSG sur les retraités, la réforme imparfaite de la fiscalité immobilière, des augmentations d’impôts, je pense en particulier à la fiscalité environnementale, et des économies au final très insuffisantes car on crée pas mal de postes dans la fonction publique » affirme à Public Sénat le rapporteur du PLF (voir la première vidéo. Images : Fabien Recker).
Sur la réforme de l’ISF, il critique le texte, mais parce qu’il ne va pas aller plus loin. Il juge « la position un peu maladroite. Si le gouvernement avait complètement supprimé la fiscalité sur le patrimoine, ça aurait été plus lisible ». Quant à la baisse de 5 euros des APL, « accepter de s’y attaquer, c’est courageux, c’est peut-être maladroit, mais ça mérite qu’on s’y penche » reconnaît le sénateur d’Eure-et-Loir, pour qui « la question est de savoir si les APL sont parfois inflationnistes ».
Au Sénat, la majorité LR/UDI est en mesure de modifier le budget pour adopter sa propre version. Y aura-t-il pour autant un contre budget au Sénat ? Si les sénateurs ne peuvent pas, sur le plan légal, tout changer et partir d’une feuille blanche, ni adopter des amendements qui créent de nouvelles dépenses ou en suppriment – c’est le fameux article 40 de la Constitution, épée de Damoclès sur tout amendement déposé par un député ou sénateur – ils ne restent pas les mains liées. « Comme toujours, on fera des propositions. (…) A ce stade, ça mérite une analyse et de regarder quelle est la position de la majorité. Mais ce n’est pas exclu. Il faudra sans doute qu’on corrige pas mal la copie… » prévient Albéric de Montgolfier.
Sa collègue de la commission des finances, la sénatrice LR du Bas-Rhin Fabienne Keller, est moins critique sur la question des économies que Bruno Retailleau. « Sur la question de la rigueur budgétaire, ça va dans le bon sens » affirme la sénatrice, sur une ligne constructive à l’égard de l’exécutif. « La maîtrise des dépenses publiques a été souhaitée par tous les candidats de la primaire de la droite et du centre » rappelle Fabienne Keller. « Mais sur les territoires, il y a un point de vigilance sur le plan financier » tempère-t-elle.
« On tape sur les plus modestes et de l’autre, on baisse l’ISF »
Le nouveau président PS de la commission des finances, Vincent Eblé, qui n’aura pas les mains libres face à la majorité de droite au Sénat, rejoint cependant l’inquiétude des sénateurs sur « les finances des collectivités territoriales ». Mais ce socialiste met en garde sur les économies qui ne devront pas « mettre à mal les services publics ». Xavier Iacovelli, nouveau sénateur PS des Hauts-de-Seine, a des mots plus durs. Il dénonce « un budget d’injustice sociale fait par quatre ultralibéraux, Emmanuel Macron, Edouard Philippe, Bruno Le Maire et Gerald Darmanin. On tape sur les plus modestes (…) et de l’autre, on baisse l’ISF. C’est un budget qui cherche des coupables : les fonctionnaires, les « fainéants », les « assistés » ».
Si les débats ne font que commencer à l’Assemblée et se préparent au Sénat, le premier ministre Edouard Philippe reste confiant. « Je crois au débat parlementaire et il n’y a aucune raison que ça ne se passe pas bien » a-t-il affirmé à Public Sénat à la sortie de la réunion de groupe des sénateurs LREM, ce mardi. Si la majorité sénatoriale revoit la copie gouvernementale, il est vrai que l’Assemblée, où l’exécutif dispose d’une écrasante majorité, aura le dernier mot. Mais les sénateurs pourront profiter du budget pour faire entendre leur propre musique.