Contrairement à l’objectif de 4,7 % de déficit avancé à l’origine par le gouvernement, l’exécutif table à présent sur 5,3 %. De quoi agacer la majorité sénatoriale de la droite et du centre, qui a largement revu la copie du projet de loi de finances (PLF), pour limiter la hausse des dépenses. « Il faut surtout que le gouvernement assume », dénonce le rapporteur de la commission des Finances Jean-François Husson (LR), « le budget, tel qu’il sort du Sénat, si la copie n’est pas vérolée par le gouvernement, c’est 4,9 % de déficit ». Alors qu’une commission mixte paritaire (CMP) se tiendra en fin de semaine, la marge de manœuvre en termes de négociations semble bien fine.
« Je suis très inquiet du positionnement du PS qui essaye d’obtenir des trophées »
Les concessions actées entre l’exécutif et la gauche à l’Assemblée nationale, sur le budget de la Sécurité sociale (PLFSS) font grincer des dents au palais du Luxembourg : « Au bout d’un certain temps, le mistigri de l’instabilité, il ne s’agit pas qu’il se propage, la maladie est contagieuse. […] Ce que je dis est grave, parce que l’accord qui a été passé, nous sommes des démocrates, on en prend acte, mais l’accord passé avec le dispositif de la Sécu et les amendements du gouvernement ont un impact qui fait passer le déficit initial de 4,7 % à 5,1 % », critique le sénateur de Meurthe-et-Moselle. Et d’ajouter : « C’est l’impact des décisions du gouvernement, […] qui interviennent pendant que la seule assemblée qui aura fait tout l’examen, dans un délai de 20 jours conformes à la Constitution, avec 5155 amendements, s’appelle le Sénat. Alors, on n’est pas forcément d’accord sur tout, mais je voudrais que, dans une démocratie où il y a deux chambres, on respecte le travail des deux chambres. On ne vient pas en cours de route modifier les choses ». « Vous avez le sentiment d’être pris en otage par la conséquence d’un accord du gouvernement avec l’Assemblée nationale. […] Cet accord se fait à ciel ouvert, mais pendant que nous travaillons, et on subit les conséquences en direct », poursuit-il.
A quelques heures du vote solennel, les esprits se tendent déjà en anticipant l’ouverture de la CMP, qui réunira sept députés et sept sénateurs, vendredi. « Je suis très inquiet du positionnement du PS qui essaye d’obtenir des trophées, il en a obtenu deux sur le PLFSS. Je ne vois pas quelles concessions il fait », confie le sénateur Horizons Emmanuel Capus, « je ne vois pas du tout quelle pourrait être une solution pour obtenir la non-abstention du PS », condition pourtant indispensable à l’atterrissage du texte.
« Il faut que le Premier ministre définisse ses deux ou trois priorités »
« On n’a toujours pas de cap, […] le budget a été proposé comme si la balle était passée entre François Bayrou et Sébastien Lecornu. […] Mais entre les deux, il y a un gouvernement, un chef de gouvernement, qui aurait dû poser quelques priorités », renchérit le sénateur LR. « A l’issue de l’examen à l’Assemblée nationale, […] il a proposé qu’il y ait cinq priorités nouvelles, et puis la ministre des Comptes Publics a expliqué qu’il devait y avoir neuf objectifs nouveaux. Les sénateurs sont comme les Français, ils sont déboussolés, désorientés, exaspérés ». Il réclame davantage de clarté : « Je pense qu’il faut que le Premier ministre définisse ses deux ou trois priorités. A partir du moment où il a accepté d’être nommé et renommé, je conçois que sa tâche ne soit pas simple, mais on ne peut pas avancer à l’aveugle et négocier avec une partie de l’Assemblée qui ne fait pas partie de la majorité relative, dans laquelle il y a du soutien sans participation pour enjamber ensuite [le texte] ». Et met la pression sur le socle commun, de plus en plus désuni : « Ça devient difficile de faire des coalitions quand le dispositif se délite par le noyau dur ».
La suspension de la réforme des retraites, totem des compromis actés entre le parti à la rose et Sébastien Lecornu adopté par les députés, ne passe toujours pas chez les Républicains : « C’est abandonner le système des retraites tel qu’il a vécu jusqu’à maintenant en France, on ne sait pas où on va. […] Je ne veux pas noircir le tableau, mais la responsabilité est grande, jamais aucun gouvernement n’est revenu sur une loi votée par le Parlement », déplore Jean-François Husson. Même son de cloche chez les Indépendants : « C’est aberrant de revenir sur les réformes antérieures, et ce compromis, […] est en réalité une compromission du PLFSS sur le dos des générations futures », tacle Emmanuel Capus (LIRT), dont le groupe s’est abstenu sur la première partie du PLF. Une décision qu’il justifie appelant à « moins d’impôts, moins de dépenses, plus de travail ».