Paris : Session of the examination of the government of the finance bill PLF
Claude Raynal (PS), président de la commission des finances du Sénat, et Jean-François Husson (LR), rapporteur général de la commission. Crédit : Jeanne Accorsini/SIPA

Budget : les tractations ont commencé pour tenter d’arracher un accord en commission mixte paritaire

Au moment où les sénateurs s’apprêtent à terminer l’examen du budget, les esprits sont déjà dans l’étape suivante, la commission mixte paritaire. Malgré de très grosses différences entre les députés et le texte du Sénat, l’idée d’un accord en CMP fait son chemin. Mais avant de voir une fumée blanche, beaucoup de chemin reste à faire. Pour préparer le terrain, les échanges informels ont déjà commencé.
François Vignal

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La question va devenir habituelle : y aura-t-il de la neige à Noël… et un budget sous le sapin ? Alors que les sénateurs s’approchent de la fin de l’examen du projet de loi de finances (PLF) 2026, avec un vote solennel prévu lundi, les esprits sont déjà tournés vers la commission mixte paritaire (CMP), ou sept députés et sept sénateurs tenteront de trouver une version commune. Elle est a priori prévue vendredi 19 et probablement samedi 20 décembre. « Avec le PLFSS d’adopté, on rentre dans le money time sur le PLF. Et ça ouvre une ambiance de discussion », résume un député socialiste.

« Un accord est possible, parce que l’esprit de compromis habite aussi les sénateurs »

Mais il y a encore du chemin. « Aujourd’hui, vous avez une forme de décalage horaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat », a résumé la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon. Sera-t-il possible de remettre les pendules à l’heure, et surtout la même ?

Après le passage du texte à l’Assemblée, le pessimisme était de mise il y a deux semaines. Mais aujourd’hui, la cote d’un éventuel accord en CMP remonte un peu. « Je crois qu’un accord est possible, parce que l’esprit de compromis habite aussi les sénateurs », affirmait mercredi 10 décembre, au micro de Public Sénat, Hervé Marseille, président du groupe Union centriste et allié des LR au Sénat. « En CMP, il y aura un travail pour essayer de trouver des convergences […] qu’il faudra ensuite, d’abord faire valider à l’Assemblée nationale, puis au Sénat », ajoutait le président de l’UDI.

« Même si ce n’est pas parfait, ça peut passer »

Dans quel état d’esprit seront les LR ? Leur président, Bruno Retailleau, maintient sa ligne dure, qu’il observe depuis son départ du gouvernement. « Le chantage au chaos et à l’instabilité, ça suffit. Le chaos, c’est ce budget socialiste qui précipite la France dans le mur », lance le sénateur dans Le Figaro, prévenant qu’il « ne pourra pas y avoir d’accord (en CMP) sur un budget qui augmenterait considérablement les impôts et ne réduirait pas significativement la dette ».

Mais les LR, y compris au Sénat, sont-ils tous sur la même ligne qui paraît jusqu’auboutisme ? « Il doit y avoir une volonté d’aboutir », tempère un acteur des discussions. « Je crois que ce que dit Bruno Retailleau, c’est qu’il n’est pas possible que ce soit à n’importe quel prix. On en a parlé en réunion de groupe. Quelque chose qui reste compatible avec notre ligne politique, d’hier et d’aujourd’hui, même si ce n’est pas parfait, ça peut passer. Mais si c’est plus de dépenses et plus d’impôts, ça ne peut pas aboutir », décrypte un sénateur LR. De son côté, le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, répète depuis le début qu’il veut donner un budget à la France pour 2026.

« Montrer une image d’élu qui trouve des points de chute »

Certains chez les LR sont moins va-t-on guerre que leur chef de parti et appellent à « ne pas trop se mêler de la politique politicienne ». Un membre du groupe LR préfère à l’inverse « montrer une image d’élu qui trouve des points de chute, plutôt que dire, non, on ne lâchera pas là-dessus ». Avec en tête l’exaspération des électeurs, le même ne veut pas être « candidat à la détestation ».

Mais au sein du groupe LR du Sénat, certains préviennent : « Un compromis, ce n’est pas une défaite ». On pointe au passage les concessions faites au PS. « L’exécutif est affaibli, il n’a plus la main. Et la minorité PS a un peu fait une clef de bras et se dit, on va pousser davantage », craint un sénateur LR, qui a échangé avec un socialiste, lui disant, « tu dois être content, vous avez obtenu plus qu’espéré ». « Sur le PLFSS, on a sans doute obtenu davantage dans l’opposition, que si on était au gouvernement », confirme un député PS.

Les parlementaires n’ont pas envie de reprendre en janvier, alors « qu’on sera déjà tête baissée dans les municipales »

La volonté de ne pas faire durer davantage le plaisir pourra aussi être l’une des motivations pour trouver un « deal », alors que les Français, mais aussi les parlementaires eux-mêmes, en ont tout simplement marre de la situation. Pour rappel, si le budget n’est pas adopté, le gouvernement devra recourir à une loi spéciale, qui reconduira le budget de l’année en cours. Il faudra toujours discuter à nouveau du budget 2026 en janvier/février.

« Avec une loi spéciale, on sait bien qu’il faudra revenir discuter budget en janvier et février. Il y a peut-être autre chose à faire sur le terrain. Il y a les vœux, c’est le début des municipales quelque part. Il faut bien mettre un terme à tout ça », glisse un ponte de la majorité de la Haute assemblée. Un sentiment partagé par Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. « Rouvrir le débat budgétaire, alors qu’on sera déjà tête baissée dans les municipales, je m’en passerais bien », reconnaît l’ancien ministre de François Hollande. « Recommencer le psychodrame en janvier, c’est donner l’image d’une classe politique incapable de s’entendre pour l’intérêt général », s’inquiète un député de gauche.

« Trouver une espèce de point d’atterrissage »

Comme pour toute CMP qui se respecte, des échanges informels se font, des réunions préparatoires s’organisent. Du moins pour les CMP où la volonté est là d’essayer de travailler aux rapprochements. C’est le cas ici, un premier signe positif. Le député PS Philippe Brun, chef de file sur le budget, a ainsi déjà échangé avec Jean-François Husson. Côté Sénat, le président de la commission des finances, Claude Raynal, et Thierry Cozic, chef de file du groupe sur le PLF, se chargent de tâter le terrain.

Autre signal faible à repérer : la date de la CMP. « Le petit espoir que j’ai, c’est que la CMP n’est pas convoquée le jour même. Elle est convoquée a priori le 19. Donc manifestement, il y a un consensus pour qu’on essaie de trouver une espèce de point d’atterrissage, entre les uns et les autres », souligne Patrick Kanner, qui pourrait être présent en CMP, comme l’an dernier.

« Espoir très mince d’une CMP conclusive »

A une semaine du conclave, le sénateur PS du Nord fait preuve d’un optimisme modéré. « J’ai un espoir très mince d’une CMP conclusive, au regard du positionnement très marqué à droite du Sénat », pointe Patrick Kanner, qui souligne que « la droite sénatoriale n’a pas contribué à la recherche du compromis sur le PLFSS, ni sur le PLF. Nos gains sont ridicules. La droite sénatoriale n’a fait quasiment aucun geste à l’égard de l’opposition ».

Patrick Kanner se méfie aussi des conséquences d’une droite divisée pour cause de bataille de leadership pour 2027. « Les deux rapporteurs généraux sont LR. D’un côté, un LR Retailleau, de l’autre, un LR Wauquiez. Je regarde cela avec une forme de gourmandise politique. Mais je n’ai pas envie que l’avenir du budget de la France soit lié à une course à l’échalote entre les deux », met en garde le sénateur PS du Nord.

« Que ce ne soit pas en CMP un compromis LR/LR »

Dans l’idéal, l’objectif des députés socialistes est d’avoir en amont un accord politique, et que la CMP valide cet accord, avec la nécessité « que ce ne soit pas en CMP un compromis LR/LR, mais que la CMP garantisse ensuite un vote positif de l’Assemblée ». Les députés PS Philippe Brun et Estelle Mercier rencontrent les différents groupes pour essayer de rendre ce scenario crédible.

Du côté du Palais du Luxembourg, les réunions vont aussi s’enchaîner. D’abord en cercle restreint du noyau dur de la majorité LR-UC, puis élargi à ce que Jean-François Husson appelle le « club des 5 », soit le socle commun, et enfin des échanges avec l’opposition. Une « tambouille » qui se fait à l’abri des regards et sans fuite dans la presse. « Discret et si possible efficace », résume l’un des acteurs.

« Gérard Larcher est facilitateur »

Dans ces discussions qui s’engagent, « Gérard Larcher est facilitateur », assure un membre de la majorité sénatoriale. Ce n’est pas pour rien si le président du Sénat a été reçu jeudi à l’Elysée par Emmanuel Macron, avec la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, en présence du premier ministre Sébastien Lecornu.

« Il faut, au terme du budget au Sénat, qu’on fasse le bilan, les plus et les moins. Il y a quatre jours entre le vote du budget et la CMP. Donc on a le temps de voir un peu les choses et ce qui est faisable. Nos collaborateurs sont en train de faire la synthèse et on arbitrera », explique un pilier de la majorité, qui ajoute : « Il faut voir quels sont les points sur lesquels on insiste et ce qu’on est prêt à concéder, et qui veut quoi à l’Assemblée ».

« Le point de blocage, c’est la fiscalité des plus aisés »

Les questions sont nombreuses. « Le point de blocage, c’est la fiscalité des plus aisés, depuis le début », souligne Patrick Kanner. Mais à l’Assemblée, on remarque que certains points ne sont pas si éloignés des positions du PS. Sur l’abattement de 10 % pour les retraités, où la droite sénatoriale le plafonne à 3.000 euros, « c’était aussi un amendement PS », remarque un député, qui voit aussi d’un bon œil d’autres votes des sénateurs, comme la hausse de la taxe sur les petits colis, le maintien des avantages sur les biocarburants, la modification du pacte Dutreil.

« Sur l’IFI, la taxe sur les holdings, il y a des sujets de discussion, ou encore sur le statut de bailleur privé » ajoute un responsable de la majorité au Sénat. Il y aura aussi un gros morceau, à savoir la hausse de l’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, supprimée par la majorité sénatoriale, pour un coût de 4 milliards d’euros. « Ça va être malheureusement de l’endettement supplémentaire », reconnaît un sénateur de la majorité.

« Nous serons constructifs, si en face de nous, nous avons des gens ouverts au compromis »

Mais plutôt que « venir avec une liste de courses », c’est l’ensemble qu’il faudra regarder, souligne un membre des LR. « C’est une discussion globale », ajoute un centriste. Tout dépendra de la volonté de chacun à faire un pas vers l’autre. « Une CMP conclusive, qui n’entraîne d’ailleurs pas automatiquement un vote de l’Assemblée, paraît un horizon lointain à ce stade. Mais nous, nous serons constructifs, si en face de nous, nous avons des gens ouverts au compromis », avance Patrick Kanner. Et en cas de blocage persistant, la question du recours au 49.3, pour lequel milite Hervé Marseille, pourrait arranger tout le monde. Mais Sébastien Lecornu s’est engagé jusqu’ici à le laisser au placard. Reste que si l’échec est une possibilité sérieuse, il n’est pas exclu que l’histoire se termine aussi en joli conte de Noël, avec happy end où tout le monde s’embrasse à la fin. Il n’est pas interdit de croire au Père Noël.

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