Ça consulte. Le ministre de l’Economie, Eric Lombard, continue ses consultations des groupes parlementaires en vue de la préparation du budget 2026. Pour les décisions, rendez-vous la semaine prochaine, le 15 juillet, avec le premier ministre, François Bayrou. Et encore, le locataire de Matignon pourrait aussi dessiner à grands traits impressionnistes ses objectifs pour le projet de loi de finances, repoussant les mesures précises à l’automne. Stratégiquement, il aurait tort de fermer tout de suite toutes les portes.
Aujourd’hui, après le président du groupe Union centriste du Sénat et président de l’UDI, Hervé Marseille, Eric Lombard a consulté les socialistes à l’heure du thé, avant de voir les parlementaires communistes ce soir.
« On a insisté sur la question de la justice fiscale, des recettes fiscales »
Pour s’attaquer à la forteresse de Bercy, ils s’y sont mis à quatre : Boris Vallaud, président du groupe PS de l’Assemblée, Patrick Kanner, son homologue du Sénat, ainsi que Claude Raynal, président de la commission des finances de la Haute assemblée et le député Laurent Baumel, en représentant d’Olivier Faure. Mais au terme de la rencontre, les socialistes sont ressortis avec plus de questions que de réponses.
« On a insisté sur la question de la justice fiscale, des recettes fiscales, envers les plus aisés de nos concitoyens », raconte Patrick Kanner, qui n’arrive pas dans le même état d’esprit que cet hiver. « Aujourd’hui, ils n’ont plus le bénéfice du doute. Car en janvier, quand on les rencontre ils viennent d’arriver, ils héritent d’un budget imaginé par Gabriel Attal, élaboré par Michel Barnier et mis en œuvre par eux. Maintenant, c’est fini. Ils sont responsables à 100 % de la situation », souligne à la sortie Patrick Kanner, « ils nous disaient « on récupère le bébé, aidez-nous ». Là, ils ont le bébé, donc notre regard est plus exigeant, plus sévère ».
Beaucoup de sujets « encore à l’arbitrage, et pas que de François Bayrou, mais du socle commun »
L’effort nécessaire pour tenir les objectifs de réduction du déficit est énorme. Car la douloureuse ne se limitera pas à l’année prochaine. « Ce n’est pas 40 milliards d’ailleurs, c’est trois fois 40 milliards qu’il faut, en 2026, 2027 et 2028. L’objectif, c’est 120 milliards en trois ans. Ça signifie quand même que c’est soit 120 milliards de baisse de dépenses publiques uniquement, ou un équilibre avec des recettes mais dans ce cas, lesquelles ? On n’est pas rentrés dans les détails », constate le président du groupe PS du Sénat.
Et la contribution sur les hauts revenus ? Joker. « On ne sait pas si elle est prolongée. Elle devait être remplacée par une autre contribution, sur le modèle de la taxe Zucman, mais on ne sait pas non plus ». En réalité, beaucoup de sujets « sont encore à l’arbitrage, et pas que de François Bayrou, mais du socle commun », pense l’ancien ministre. Et l’année blanche, dont on parle beaucoup ? « Il ne l’écarte pas mais ne la confirme pas ». Il ajoute : « Ils attendent tous la fumée blanche du 15 juillet par l’intervention de François Bayrou. Il y a encore une poutre qui bouge, manifestement ».
Faute de pouvoir leur donner les pistes du gouvernement, Eric Lombard a transmis aux socialistes « une lettre de deux pages sur le bilan des engagements pris par François Bayrou » pour obtenir auprès du PS la non-censure, annonce Patrick Kanner, « on va l’analyser pour savoir si les engagements sont vraiment tenus ».
« On sera prêt à revenir à la table des négociations début septembre si on sent que François Bayrou ne ferme pas tout le 15 juillet »
Pour avoir une chance de faire adopter son budget, ou plutôt de ne pas être censuré, François Bayrou n’aura à nouveau pas d’autre choix que de tenter de composer avec les socialistes. Mais pour le Premier ministre, le jeu est complexe, quelque part entre un château de cartes et une boutique de porcelaine : au moindre mouvement de travers, tout tombe.
« Il y a les négociations avec nous, mais aussi d’abord les négociations avec le socle commun. Ils ne peuvent pas avancer avec nous s’ils n’obtiennent pas un minimum de souplesse du socle commun et pour l’instant, je n’ai pas l’impression que ce soit très souple, notamment chez LR. Ils ne se sont pas encore rencontrés… » note le président de groupe. Mais Patrick Kanner, qui n’est pas le plus rouge des roses socialistes – il a soutenu Nicolas Mayer-Rossignol face à Olivier Faure – assure que lui et ses camarades députés sont prêts à miser à nouveau pour voir au prochain tour. « Nous, on sera prêt à revenir à la table des négociations début septembre – ce qui est annoncé – si on sent que François Bayrou ne ferme pas tout le 15 juillet et si on sent qu’il y a des choses à négocier. On ne va pas faire semblant », lance Patrick Kanner.
« Si l’effort demandé aux plus aisés, c’est une petite taxe à 1 ou 1,5 milliard d’euros, ce ne sera pas possible »
« On est conscient que les Français vont faire des efforts, par la baisse de dépenses publiques et par une contribution à déterminer. Tout ça est sur la table », continue le sénateur du Nord, qui met la pression : « Mais pour nous, si l’effort demandé aux plus aisés, c’est une petite taxe à 1 ou 1,5 milliard d’euros, ce ne sera pas possible ». Et si on ne parle pas encore de censure, elle est dans toutes les têtes, y compris socialistes. « La censure n’est pas un mode de gouvernement, c’est une conclusion d’un échec politique », avance Patrick Kanner. François Bayrou n’est certainement pas pressé de conclure, de ce point de vue-là.