Budget : l’unité entre le PS et Les Ecologistes mise à mal par les discussions avec Sébastien Lecornu ?

Au moment où vont s’engager les discussions avec le premier ministre, Marine Tondelier, patronne des Ecologistes, marque sa différence avec le PS, se prononçant déjà pour le départ de Sébastien Lecornu. « On a notre stratégie et le PS a la sienne », assume le sénateur écolo Thomas Dossus. Elle veut « être au centre de la gauche », entre LFI et le PS, mais « il ne faut pas faire de grand écart qui fasse mal aux adducteurs », met-on en garde au PS…
François Vignal

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La Fête de l’Huma aura eu beau rassembler des centaines de milliers de personnes ce week-end, l’unité reste un éternel combat à gauche. Le torchon brûle depuis des mois entre le PS et La France Insoumise – le député insoumis Adrien Clouet dénonçant encore ce week-end les « contre-budgets capitulards » pour viser le PS. Mais la semaine de discussion qui s’ouvre entre le premier ministre Sébastien Lecornu et le PS, Les Ecologistes et le PCF, qu’il reçoit mercredi, va-t-elle mettre également à mal l’unité qu’avait réussi à afficher cette gauche, depuis l’Université du PS, à Blois ? S’il est plus facile de se serrer les coudes quand il s’agit de demander Matignon, l’attitude à adopter face au troisième gouvernement du socle commun en un an complique la donne.

« Je pense que le PS est un peu emprisonné dans ce truc : avoir l’air crédible à tout prix » pointe Marine Tondelier

Invitée dimanche du Grand Jury RTL-Public Sénat-Le Figaro-M6, la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, a ostensiblement marqué sa différence avec les socialistes. « Je pense que le PS est un peu emprisonné dans ce truc : avoir l’air crédible à tout prix. Ils sont tétanisés par le fait que des macronistes disent que les socialistes sont trop proches des insoumis, qu’ils ne sont pas crédibles », a estimé la secrétaire nationale des Ecologistes (voir la vidéo).

« Les socialistes et les écologistes ont des styles différents. On a beaucoup de points communs mais pas la même manière de faire de la politique. Moi, je ne me suis pas remise du fait qu’ils ne censurent pas le gouvernement en début d’année alors que Monsieur Retailleau était à l’Intérieur », illustre Marine Tondelier, « je ne leur en veux pas, mais ce n’est pas notre direction ».

Si elle ira mercredi rencontrer le premier ministre, elle y va sans aucun espoir. « Il n’y aura pas de rupture sur le fond, ou quelques petits arrangements cosmétiques pour montrer qu’il a tout fait pour changer, mais que c’est tellement compliqué qu’il ne peut pas aller plus loin », craint la responsable écologiste, qui annonce la couleur : « Nous ne souhaitons pas, nous, écologistes, que Monsieur Lecornu reste premier ministre ».

« Est-ce qu’en allant discuter et obtenir des micro-gains, on réoriente la politique économique de ce pays ? »

Alors, début de désaccord ? Rien d’exceptionnel, rétorque le sénateur Les Ecologistes du Rhône, Thomas Dossus, sans nier les différences. « On a notre stratégie et le PS a la sienne », reconnaît le délégué aux relations aux partenaires politiques des Ecologistes, mais « on a moins d’écart avec le PS qu’en janvier dernier, quand ils avaient la volonté d’aboutir à une non-censure ». « Aujourd’hui, même le député PS Philippe Brun est très dubitatif sur les discussions. Quand on voit que Lecornu est allé directement se rattacher aux LR et les a embarqués tout de suite dans son socle commun, on ne voit pas bien quelle est l’ouverture », soutient le sénateur du Rhône, qui ajoute :

 Dans les propos de Marine Tondelier, il y a une forme d’appel à la fin de l’hypocrisie sur le fait de discuter avec le gouvernement. Ce ne sera pas possible, pas possible d’attendre quoi que ce soit avec les LR aux manettes. 

Thomas Dossus, sénateur Les Ecologistes du Rhône.

Si les socialistes espèrent aller arracher des choses « utiles » pour les Français modestes et de classe moyenne, les écolos craignent de n’avoir que des miettes. « Est-ce qu’en allant discuter et obtenir des micro-gains, on réoriente la politique économique de ce pays ? Je ne pense pas. On peut organiser des réunions jusqu’au budget et comprendre qu’on s’est fait avoir au moment du budget », soutient Thomas Dossus.

« Imaginons que Lecornu dise Ok pour la taxe Zucman. Marine Tondelier, comme le PS, devront se poser la question de savoir si on apporte un peu de stabilité »

Au PS, on tend à minimiser ces divergences, au moment où les discussions vont s’ouvrir. « Tout ça, ce sont des spéculations » mais « la question, c’est ce que Lecornu met sur la table », balaie le député PS Laurent Baumel. Le secrétaire national aux relations extérieures du PS assure que les deux formations sont alignées : « On a fait un travail ensemble, il n’y a pas de différence de stratégie. On a dit qu’on voulait la taxe Zucman, etc ».

Comme ses autres camarades socialistes, il met la pression sur le locataire de Matignon. « La balle est dans le camp du premier ministre. Ou bien il fait des concessions réelles et tout le monde sera en responsabilité pour savoir si ça change nos perspectives de censure. Imaginons que Lecornu dise Ok pour la taxe Zucman. Marine Tondelier, comme le PS, devront se poser la question de savoir si on apporte un peu de stabilité au pays. Mais s’il ne fait pas la taxe Zucman, s’il ruse, je ne vois pas pourquoi le PS ne censurerait pas », prévient Laurent Baumel. Mais il craint que « le plus probable, c’est que Lecornu soit une énième ruse de Macron pour ne pas toucher à son programme ».

« J’espère que les Verts et le PCF ne sont pas dans une logique de protestation infertile »

Craignant qu’« ils soient encore dans une tentative de mettre les socialistes dans une seringue pour les faire porter la responsabilité de l’absence de compromis », Laurent Baumel assure que son parti est prêt à tout :

 A l’heure où je vous parle, le gouvernement est censuré. On s’en fout des jours fériés, c’est un leurre, même Bayrou aurait fini par les retirer. Sur le reste, il se dit ouvert. Mais il ne veut pas le faire, ils vont ruser. 

Laurent Baumel, député PS d'Indre-et-Loire.

Pour espérer une éventuelle non-censure du PS, le premier ministre devra aller loin. Il faut que les socialistes aient intérêt à toper. « Nous voulons être dans une position utile pour les Français, si d’autres, à gauche, sont dans une logique de protestation infertile. Et j’espère que les Verts et le PCF ne sont pas dans une logique de protestation infertile », glisse un responsable socialiste. Mais le même envisage toutes les hypothèses. « Je suis prudent. Peut-être que mercredi matin, on sera tellement déçus qu’on constatera qu’il n’y aura rien à faire », n’exclut pas ce socialiste.

Mais la volonté de Sébastien Lecornu de durer un minimum pourrait peut-être faciliter les discussions. « Je constate qu’il n’a aucune envie d’être censuré à 39 ans au bout de 15 jours, dès le début de la cession », pense l’un des acteurs de la séquence.

« Olivier Faure pense que ça sert à exister encore dans le débat à gauche »

Quant aux déclarations de Marine Tondelier, un sénateur socialiste a son explication. « Voulant être au centre de la gauche, elle se dit qu’il faut faire un geste en direction de LFI et un geste en direction du PS. C’est une tactique bien compréhensible. Mais il ne faut pas faire de grand écart qui fasse mal aux adducteurs… Elle essaie d’être un point d’équilibre acceptable », analyse ce sénateur PS, qui pense qu’« il y a de fortes chances que les Verts censurent par principe. Ce n’est pas notre position ».

La posture, c’est les autres. Car chez les écolos, on voit davantage la ligne défendue par le numéro 1 PS comme une attitude, plutôt qu’une conviction sincère et profonde. « Olivier Faure pense que ça sert à exister encore dans le débat à gauche. Ils continuent ainsi à exister dans les médias. S’ils ne font pas ça, ils ressortent du tableau. Il faut qu’ils jouent l’histoire jusqu’au bout », glisse un cadre des Ecologistes, qui y voit avant tout « un désaccord sur la forme de tactique » à suivre, mais rien d’insurmontable.

« Si Marine Tondelier n’est pas candidate à Hénin Beaumont, c’est pour être candidate à autre chose »

Au PS, on renvoie la balle et on estime que les écologistes sont tout autant dans les calculs. « Marine Tondelier défend la biodiversité à gauche et dès qu’elle peut montrer en quoi il y a une petite distinction avec le PS, elle aime bien le faire. Ce n’est pas fondamental », minimise un socialiste. Un autre voit en réalité dans cette volonté de se distinguer un lien avec les prochains scrutins : la présidentielle, avec une éventuelle candidature prochaine de Marine Tondelier – « si elle n’est pas candidate à Hénin Beaumont, c’est pour être candidate à autre chose » – et, plus proches, les municipales de mars 2026.

« C’est la prochaine étape. Est-ce qu’ils sont dans la logique d’avancer avec nous ou de nous faire la peau ? Mais ils ne pourront pas en même temps nous demander de les soutenir dans les grandes villes, où ils sont sortants, et ne pas nous soutenir là où on est sortants », pense ce socialiste d’expérience, qui prévient : « Il est hors de question qu’ils essaient de nous faire la peau à Lille, Montpellier ou ailleurs et nous demandent de les soutenir à Bordeaux ou Strasbourg ».

« En cas de dissolution, le PS a besoin des Ecologistes, s’il n’y a pas d’accord avec LFI »

Dans ce petit jeu où tout le monde pense se tenir les uns les autres, les partenaires de gauche n’excluent pas, en cas de nouvelle censure, qu’Emmanuel Macron prononce à nouveau la dissolution de l’Assemblée. Et au PS, qui a bénéficié de l’accord du NFP en 2024, on l’assure : « On n’a pas peur d’une dissolution. Même pas peur ! » Chez les écolos, on tempère l’assurance des socialistes. « En cas de dissolution, le PS a besoin de nous, s’il n’y a pas d’accord avec LFI », fait-on remarquer. La raison, et les élections, devrait ramener chacun vers l’union. Ou pas.

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