Si tôt arrivé dans la cour de l’hôtel de Matignon, le pas pressé, Sébastien Lecornu a promis « des ruptures », « sur le fond » et « pas que sur la forme ». Le ton est donné. Ce compagnon de route d’Emmanuel Macron depuis 2017 sait que les chantiers qui l’attendent portent avec eux leur lot de difficultés. Et qu’urgence est là à se mettre au travail.
Un budget sous pression
C’est la première tâche, et pas des moindres, à laquelle va devoir s’atteler le nouveau Premier ministre : parvenir à doter la France d’un budget d’ici la fin de l’année. Une mission échouée par ces deux prédécesseurs. Le dernier en date, tombé le 8 septembre à l’issue d’un vote de confiance, a laissé sur la table une proposition budgétaire sur la base d’un effort de 44 milliards d’euros, qui a été transmis au Conseil d’Etat.
En vue de la formation de son gouvernement, Sébastien Lecornu a entamé ses discussions parlementaires, d’abord avec le bloc central, les oppositions devant être reçues dans les jours à venir. Avec en ligne de mire : le redressement des finances publiques dégradées, avec un déficit public estimé à 5,4 % du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2025, tout en ayant pour ambition d’éviter une nouvelle censure. Le nouveau gouvernement a jusqu’au 13 octobre pour transmettre à l’Assemblée nationale son projet. Un délai d’un mois qui s’annonce intense.
L’attente d’une programmation énergétique
Trois ans que le dossier attend d’arriver en « haut de la pile ». Ce à quoi s’est engagé le ministre démissionnaire de l’Énergie Marc Ferracci, qu’il soit « reconduit ou non ». Se heurtant à l’hostilité de la droite et de l’extrême-droite sur le développement de l’éolien, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est très attendue par les filières du secteur, qui appellent à plus de visibilité.
Feuille de route énergétique de la France sur les dix prochaines années, ce texte stratégique ambitionne de sortir des énergies fossiles pour tendre vers la neutralité carbone d’ici l’horizon 2050. Essentiellement grâce à l’essor des renouvelables et une relance massive du nucléaire.
L’avenir de la Nouvelle-Calédonie et de la Corse
La loi organique portant sur le décalage des élections provinciales néo-calédoniennes doit passer par le Parlement au mois de novembre. Un examen qui pourrait alimenter des tensions dans un contexte déjà inflammable, s’il venait à être retardé du fait d’un parcours législatif serré. L’île est toujours en proie à l’incertitude depuis les émeutes meurtrières de mai 2024, malgré la signature en juillet à Bougival (Yvelines) d’un accord entre indépendantistes, non-indépendantistes et le gouvernement, qui prévoit la création d’un « État de Nouvelle-Calédonie » et la possibilité de transfert de certaines compétences régaliennes. Cet accord a déjà du plomb dans l’aile, ayant été rejeté par le FLNKS.
Son ancien poste de ministre des Outre-mer entre 2020 et 2022 pourrait lui donner du fil à retordre. Sébastien Lecornu demeure associé à la tenue du troisième référendum d’autodétermination de décembre 2021, en dépit des oppositions émanant des indépendantistes du FLNKS, qui s’étaient abstenus.
La Corse aussi regarde du côté du Parlement, qui est censé examiner le projet de révision constitutionnelle visant à octroyer à l’Île de Beauté un « statut d’autonomie au sein de la République ». Toutefois, sans François Bayrou au gouvernement, le dessein de cette réforme n’est pas certain.
Tout aussi épineux : le dossier agricole
C’est un texte qui n’a pas fini de faire parler de lui. La loi Duplomb, adoptée au début de l’été et partiellement censurée sur le volet des pesticides au mois d’août, continue de diviser. La pétition citoyenne lancée le 10 juillet a déjà rassemblé plus de 2,1 millions de signatures, poussant l’Assemblée nationale à se prononcer sur la réouverture ou le classement du dossier. Un débat sans vote pourrait être décidé, ce qui ne manquerait pas de raviver des divisions toujours vives.
Le très décrié accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie), a été validé début septembre par la Commission. Dans le sillon d’une crise agricole profonde, accentuée par le changement climatique et la récente hausse des droits de douane avec les Etats-Unis, les agriculteurs exigent de l’Etat une clarification de la position de Paris sur cet accord.
Des textes de loi qui attendent leur examen depuis longtemps
La fin de vie, l’organisation des Jeux Olympiques de 2030, le statut d’élu local ou encore la simplification de la vie économique… L’agenda parlementaire s’annonce déjà très chargé cet automne.
En tête, le projet de réforme de l’audiovisuel public. Porté par la ministre de la Culture sortante, Rachida Dati, ce texte préconise la création d’une holding, France Médias, qui chapeauterait Radio France, France Télévisions et l’Institut National de l’Audiovisuel (INA). Adopté en juillet par les sénateurs, après des débuts chaotiques, il doit revenir sur la table de l’Assemblée nationale à la rentrée.