Michel Barnier est sur la sellette. Ce lundi 2 décembre, le Premier ministre a décidé d’engager la responsabilité de son gouvernement en ayant recours à l’article 49.3 pour faire passer le budget de la Sécurité sociale. Deux motions de censure ont ensuite été déposées par les oppositions. Celle du Nouveau Front Populaire pourrait aussi être votée par le Rassemblement national et recueillir une majorité de voix. Ainsi, le gouvernement Barnier serait renversé. De leur côté, le projet de loi de finances (PLF) serait à l’arrêt et le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) serait balayé.
La chute du gouvernement devrait ensuite amener le Parlement à voter une « loi spéciale ». Elle se traduirait par la reconduction du budget 2024. D’un côté, les crédits alloués aux ministères seraient gelés. Ce qui permettrait 15 à 18 milliards d’euros d’économies. De l’autre, le barème de l’impôt sur le revenu ne serait pas indexé sur l’inflation. Il intégrerait 380 000 nouveaux ménages tandis que 17 millions en paieraient davantage. Des changements qui généreraient plus de 3 milliards de recettes. L’Etat enregistrerait aussi un manque à gagner d’environ 3 milliards d’euros avec la revalorisation des retraites au 1er janvier.
Les gagnants
Les retraités
Les retraités seraient bien les grands gagnants de la chute de Michel Barnier. Le Premier ministre tomberait après avoir refusé de céder à la dernière « ligne rouge » de Marine Le Pen sur la question de la sous-indexation partielle des retraites. Le budget de la Sécurité sociale prévoit une hausse de 0,8 % pour tous les retraités au 1er janvier 2025, soit la moitié de l’inflation. Une seconde vague de revalorisation de 0,8 % doit avoir lieu au 1er juillet pour les retraités sous le Smic. En l’absence de PLFSS, les 17 millions de retraités français verront donc leurs pensions revalorisées au rythme de l’inflation début 2025.
Les grandes entreprises
Les plus grandes entreprises échapperaient à la « contribution exceptionnelle ». Le gouvernement Barnier espère initialement récupérer 8 milliards d’euros en 2025 et 4 milliards en 2026 avec cette taxe. Elle cible les 450 entreprises réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. La mesure prend la forme d’une majoration de l’impôt sur les sociétés dont le taux serait réduit en 2026 avant de disparaître l’année suivante. Le budget de la Sécurité sociale prévoit aussi une baisse des exonérations sociales dont bénéficient les entreprises. Toutefois, si le gouvernement tombe, l’instabilité politique et économique qui en résulterait risque aussi de toucher les grandes entreprises.
Les compagnies aériennes
Un secteur qui ferait aussi partis des gagnants. La taxe de solidarité sur les billets d’avion qui doit s’appliquer au 1er janvier et rapporter 150 millions d’euros serait ainsi annulée. Tout comme la taxe du transport aérien de passagers pour 850 millions d’euros. Pascal de Izaguirre, le président de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM), n’a pas cessé de pester contre cette dernière mesure pour laquelle « le gouvernement n’a pas fait d’études d’impact » et qui « menace 11 500 emplois dans le secteur aérien ».
Les transporteurs maritimes
Le budget contient aussi une « contribution exceptionnelle » visant spécialement le géant français du fret maritime, CMA-CGM, propriété de Rodolphe Saadé. Elle doit s’élever à 500 millions d’euros en 2025 et à 300 millions en 2026. La taxation est assise sur la part du résultat d’exploitation correspondant aux opérations de fret maritime, avec un taux de 9 % pour le premier exercice et 5,5 % pour le second.
Les opérateurs de paris sportifs et de poker
Autre secteur qui était sous le feu des projecteurs. Le projet de loi de finances de la Sécurité sociale prévoit le renforcement de la taxation de certains jeux d’argent et de hasard. Les paris hippiques en font exception. Le PLFSS doit faire passer le prélèvement sur le produit brut des jeux (PBJ) de 10,6 % à 15 % pour les paris sportifs en ligne. L’association française du jeu en ligne indiquait « s’inquiéter du projet d’augmentation drastique des taxes sur le secteur légal des jeux en ligne ».
Les perdants
L’armée
Au contraire, l’armée et l’industrie de la défense font partie des grands perdants. Dans un message publié sur X, Sébastien Lecornu, ministre des armées, a pesté contre la probable censure de Michel Barnier : « Elle viendrait briser cet élan essentiel pour la protection de nos concitoyens, en empêchant la hausse proposée de 3,3 milliards d’euros pour le budget de notre défense. Elle aurait des conséquences très concrètes pour nos armées, mais aussi plus largement pour nos industriels français de défense : plus de 200 000 emplois dans plus de 4 000 entreprises partout sur nos territoires ». Avec 50,5 milliards d’euros pour le budget de la défense, le PLF respecte bien la hausse prévue par la loi de programmation militaire, allant de 2024 à 2030.
Les agriculteurs
Alors qu’ils manifestent à nouveau depuis quelques semaines, les agriculteurs s’inquiètent aussi d’une possible chute du gouvernement. Plusieurs mesures, déjà promises par l’ancien exécutif et reprises par l’actuel, sont inscrites dans le PLFSS et PLF. Comme la réforme du calcul de leur pension de retraite ou des avantages fiscaux et sociaux. Cependant, si une « loi spéciale » est bien adoptée, le budget de leur ministère sera plus généreux que prévu. Le PLF 2025 prévoit une dotation à l’Agriculture de 6,79 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 6,60 milliards en crédits de paiement, contre 7,6 et 7 milliards d’euros dans le PLF 2024.
Le secteur immobilier
Le budget a pour objectif de relancer le marché du logement. Les prêts à taux zéro, qui permettent aux primo-accédants de financer une partie de leur achat, doivent initialement être étendus à tout le territoire, après un resserrement en 2024. Les sénateurs avaient aussi approuvé une exonération de certains droits de succession. Notamment lorsque le don vise à acquérir, construire ou rénover une habitation. Ces mesures aussi pourraient s’envoler si le gouvernement de Michel Barnier est renversé ce mercredi 4 décembre.