Budget rectificatif : le Sénat vote 2,5 milliards d’euros d’aides exceptionnelles face à l’inflation

Budget rectificatif : le Sénat vote 2,5 milliards d’euros d’aides exceptionnelles face à l’inflation

Le Sénat, à majorité de droite et du centre, a adopté le second projet de loi finances rectificative de l’année, qui porte la ristourne carburant et le chèque énergie. Les sénateurs ont aussi prévu 60 millions d’euros de plus pour l’entretien des ponts en mauvais état, et 100 millions d’euros pour mieux entretenir les réseaux de distribution d’eau, en proie aux fuites.
François Vignal

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Un tour de chauffe avant le marathon budgétaire. Les sénateurs ont adopté mercredi soir, par 251 voix contre 28 (et 65 abstentions), le projet de loi finances rectificative (PLFR) de fin de gestion, avant d’entamer ce jeudi le plat de résistance avec le projet de loi de finances 2023. Les groupes LR, centristes, RDPI (Renaissance), RDSE et Les Indépendants ont voté pour. Le groupe PS s’est abstenu. Les groupes CRCE (communiste) et écologistes ont voté contre.

8 milliards d’euros en 2022 pour la ristourne carburant, soit « 30 millions d’euros par jour »

Ce PLFR de fin de gestion ne prévoit pas, comme d’habitude, simplement des mesures pour ajuster les dépenses du budget en cours d’exercice, adopté un an plus tôt. On y trouve les dernières mesures du gouvernement pour faire face à la hausse des prix de l’énergie : le chèque énergie exceptionnel, qui concernera 12 millions de foyers, avec 200 euros ou 100 euros à la clef pour les ménages les moins favorisés. Et bien sûr la prolongation de la remise carburant de 30 centimes jusqu’au 15 novembre, pour un coût de 440 millions d’euros. En vigueur depuis le 1er septembre, la ristourne est ramenée à 10 centimes depuis mercredi et prendra fin le 31 décembre. Sur l’année 2022, cette aide sur le prix du litre de carburant représente au total « 8 milliards d’euros », a précisé le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, soit « 30 millions d’euros par jour ».

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Autres mesures, toujours sur l’énergie : un fonds de 275 millions pour aider les universités, les centres de recherche et les Crous, ou encore 200 millions d’euros supplémentaires pour les achats de carburant des armées pour les opérations extérieures. Au total, ce budget rectificatif prévoit 2,5 milliards d’euros d’aides exceptionnelles pour faire face à la hausse des prix de l’énergie.

« Nous continuerons à mener l’année prochaine le combat contre la vie chère »

« Le texte intensifie notre combat contre la vie chère et permet donc à l’économie française de mieux tenir le choc », avance le ministre, qui souligne que la prévision de croissance pour 2022 est de 2,7 %. Le déficit est prévu pour l’heure à 5 %, contre 4,9 % avant l’adoption de certaines mesures à l’Assemblée. Un amendement du gouvernement est venu corriger cette prévision.

Au-delà de l’année 2022, l’exécutif entend prolonger ses actions contre les effets de l’inflation, mais avec des mesures « plus ciblées ». C’est « un combat que nous continuerons à mener l’année prochaine car l’inflation continuera d’être à un niveau important », prévient Gabriel Attal. Si le budget 2023 n’est pas encore adopté par le Parlement, le gouvernement a en réalité déjà dans ses cartons un nouveau PLFR pour le début d’année prochaine, a appris publicsenat.fr de source parlementaire. Il pourrait porter de nouvelles mesures d’aide face au coût de l’énergie.

1,1 milliard d’euros pour financer le soutien militaire à l’Ukraine

Concernant les mesures plus classiques de fin de gestion, le texte prévoit au total l’ouverture de 5 milliards d’euros de crédits (qui sont compensés), dont 2 milliards pour le développement de la formation professionnelle pour France compétence, des aides suite aux crises agricoles. Par ailleurs, « 1,1 milliard d’euros sont ouverts pour la mission défense pour financer le soutien militaire que nous apportons à l’Ukraine », précise le ministre de Bercy.

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Si le Sénat s’est de nouveau montré constructif avec le gouvernement en votant le texte, et en ne le modifiant qu’à la marge, le rapporteur général de la commission des finances, le sénateur LR Jean-François Husson, pointe cependant le niveau des dépenses publiques. « On est sur un plateau de déficit, pour ne pas dire un abîme, […] dont il me paraît difficile de sortir », alerte le sénateur de la Meurthe-et-Moselle.

« Pansements sur une jambe de bois »

Pour le groupe PS, Thierry Cozic a pointé les ristournes et chèques, des « pansements sur une jambe de bois », qui « ne cachent que trop mal votre absence de vision », a lancé le socialiste au gouvernement. « Les boucliers tarifaires sont utiles pour panser les plaies, mais sont inefficaces, coûteux et même inéquitables face à la bifurcation écologique urgente et nécessaire », ajoute dans le même esprit le sénateur EELV Daniel Breuiller.

La présidente du groupe communiste, Eliane Assassi, a pour sa part pointé du doigt les 2 milliards d’euros de plus alloués à France compétence. « Je crois que c’est France patronat », a-t-elle raillé. Elle y voit « une subvention pour les apprentis, considérés comme une main-d’œuvre bon marché », « une aubaine pour le patronat ». Et un avantage pour le gouvernement car « faisant baisser artificiellement les chiffres de l’emploi ».

60 millions d’euros pour les ponts, 12,5 millions pour les Maisons France services

Durant les débats, les sénateurs ont adopté plusieurs amendements du rapporteur, qui prévoient 60 millions d’euros de plus pour la réfection des ponts, afin d’aider notamment « les petites communes », ou encore 100 millions d’euros de crédits supplémentaires pour renforcer l’entretien des réseaux d’eau, après un été de sécheresse et alors que les fuites font perdre 20 % du volume d’eau distribué chaque année. Le ministre a lui rappelé qu’Elisabeth Borne a annoncé il y a quelques jours une mesure similaire, à hauteur de 100 millions d’euros aussi.

Les sénateurs ont adopté également un amendement du sénateur centriste du Cantal, Bernard Delcros, qui prévoit un coup de pouce de 12,5 millions d’euros pour les Maisons France services, soit en moyenne 5.000 euros supplémentaires par maison.

Le centriste Michel Canevet a pointé lui la création de 53 postes auprès des services de la première ministre, souhaitant limiter cette augmentation à 20 postes. On sait qu’il s’agit notamment de quelques postes suite à la création du Conseil national de la refondation, ou pour les JO de Paris 2024. Gabriel Attal a donné quelques détails de plus : le secrétariat à la Mer, ainsi que celui à l’Economie sociale et solidaire, ont été rattachés à Matignon. « Il y a besoin d’une petite équipe, un cabinet », a fait valoir le ministre. Convaincu, Michel Canevet a finalement retiré son amendement.

Les sénateurs montent au créneau pour défendre les collectivités

Côté collectivités, les sénateurs ont adopté deux amendements du rapporteur et du sénateur LR Arnaud Bazin, qui suppriment un article qui prévoit de modifier la répartition d’un impôt relatif aux centrales photovoltaïques (l’Ifer) entre les départements et le bloc communal. Actuellement réparti à parts égales, le texte prévoit de transférer 20 % du produit de cet impôt aux communes. Pour le rapporteur, le sujet doit être traité plutôt dans le projet de loi de finances 2023.

Les sénateurs, y compris ceux du groupe macroniste (RDPI), ont été nombreux à monter au créneau pour tenter d’assouplir le seuil d’entrée pour être éligible au « filet de sécurité », créé pour aider les collectivités à faire face à la hausse du coût de l’énergie. « On avait dit dans cet hémicycle que 22.000 communes seraient concernées », a rappelé le sénateur LR du Gard, Laurent Burgoa. Or « le nombre de communes éligibles en fin d’année sera très éloigné de celui qui était fixé au départ », a ajouté Bernard Delcros. « A l’époque (cet été, ndlr), si on nous avait dit qu’il n’y aurait que 3000 communes, le Sénat n’aurait sans doute pas voté ce dispositif », a regretté Sylvie Vermeillet, sénatrice Union centriste du Jura. Une vision des choses rejetée par le ministre, tout comme par le rapporteur de la commission des finances, qui craint de créer un nouveau « effet de seuil ». Les amendements ont été rejetés. A l’occasion du PLF qui débute ce jeudi, les sénateurs auront d’autres occasions de se montrer au chevet des collectivités, en proie à la hausse des coûts de l’énergie. Et qui plus est à moins d’un an des sénatoriales.

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