Budget : si vous n’avez rien suivi des débats au Sénat et voulez tout savoir
Suppression totale de l’ISF, quotient familial relevé, annulation de la suppression de la taxe d’habitation ou revenus issus d’Airbnb taxés : les sénateurs ont adopté de nombreuses modifications au budget 2018. Retour sur les principaux apports du Sénat.

Budget : si vous n’avez rien suivi des débats au Sénat et voulez tout savoir

Suppression totale de l’ISF, quotient familial relevé, annulation de la suppression de la taxe d’habitation ou revenus issus d’Airbnb taxés : les sénateurs ont adopté de nombreuses modifications au budget 2018. Retour sur les principaux apports du Sénat.
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Véritable marathon parlementaire, les sénateurs ont terminé l’examen du budget 2018, après presque trois semaines de débats en séance. La Haute assemblée a voté sur l’ensemble du texte ce mardi.

La majorité LR-UDI a adopté de nombreuses modifications à ce projet de loi de finances (PLF) (voir ci-dessus le sujet de Clément Perrouault). Députés et sénateurs ne devraient pas trouver de terrain d’entente lors de la commission mixte paritaire. Le gouvernement, qui dispose d’une large majorité à l’Assemblée nationale, pourra revenir sur les modifications du Sénat, lors du retour du texte devant les députés, qui ont le dernier mot.

Contrairement à l’an dernier, avec un budget que les sénateurs jugeaient insincère, le Sénat est allé au bout de l’examen du texte pour rendre sa copie aux députés. Mais cette fois, le gouvernement s’est montré moins consciencieux. A trois reprises, certains ministres ont brillé par leur absence, au point qu’un soir, à minuit, les sénateurs se sentent « abandonnés »… (voir la vidéo ci-dessous) Après sa nomination polémique au gouvernement, l’ex-député PS Olivier Dussopt a fait pour sa part son baptême du feu sur les bancs du Sénat, en défendant le budget contre lequel il avait voté, peu de temps avant, à l’Assemblée.

Budget : quand les sénateurs attendent en pleine nuit la ministre pour parler de la dette
03:19

Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a dû lui répondre, dès l’ouverture des débats, aux critiques de la Commission européenne qui a pointé le « risque de non-conformité » des prévisions de la France pour la réduction du déficit.

Suppression de l’ISF…

En remplaçant l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI),  Emmanuel Macron s’est fait taxer par la gauche d’être le « Président des riches ». Selon les chiffres obtenus par le président PS de la commission des finances du Sénat, Vincent Eblé, l’exécutif a fait un cadeau de 1,5 million d’euros pour chacun des 100 contribuables les plus riches, quand on ajoute les gains issus de la « flat tax » (voir ci-dessous). Pour le gouvernement, c’est un pari. Il s’agit d’encourager ceux qui ont les moyens d’investir dans l’économie.

Mais pour la droite sénatoriale, ce n’est pas assez. Elle a décidé dans le cadre du budget de supprimer totalement l’ISF. « Le gouvernement avait fait les trois quarts du chemin, nous l’avons aidé à aller au bout de la route », a défendu le rapporteur général du Budget au Sénat, le sénateur LR Albéric de Montgolfier.

Le Sénat supprime la totalité de l'impôt sur la fortune
02:31

A l’inverse, en bas de l’échelle fiscale, les sénateurs ont rétabli la tranche de l'impôt sur le revenu à 5,5 %, supprimée en 2014. Selon l’amendement du groupe RDSE, adopté par les sénateurs, « il importe que cet impôt soit acquitté par le plus grand nombre, ne serait-ce qu'à titre symbolique » pour « redonner tout son sens à la citoyenneté » et « retisser les liens entre l'Etat et les citoyens ».

… mais pas de la « flat tax » sur les revenus du capital

La majorité sénatoriale n’a en revanche rien trouvé à redire à la « flat tax », ce prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus du capital, institué par le gouvernement. La commission des finances a cependant ajouté une clause anti-abus pour que les dirigeants d’entreprise ne convertissent pas massivement leur rémunération de salaires en dividendes pour bénéficier d’un taux d’imposition plus favorable.

Arrêt maladie : 3 jours de carence pour les fonctionnaires

Il vaut mieux regarder les films jusqu’au bout. Et suivre le PLF jusqu’à la fin, histoire de ne rien manquer. Car c’est en toute fin d’examen du budget, lundi après-midi, que les sénateurs ont adopté un amendement du rapporteur LR Albéric de Montgolfier instaurant 3 jours de carence pour les fonctionnaires. Une mesure défendue au nom de l’alignement sur les salariés du privé, qui ont 3 jours de carences. Mais souvent, l’employeur ou les mutuelles complémentaires compensent la perte de rémunération dans le secteur privé.

Le Sénat instaure 3 jours de carence pour les fonctionnaires en cas d'arrêt maladie
00:50

Le gouvernement veut, lui, rétablir un jour unique de carence. Pour le gouvernement d’Edouard Philippe, c’est un moyen de lutter contre l’absentéisme. Déjà instauré par Nicolas Sarkozy, il avait été supprimé par François Hollande. La mesure était alors jugée « injuste, inutile et inefficace ».

Concrètement, en cas d’arrêt maladie, les fonctionnaires ne seront pas payés le premier jour en raison du jour de carence, mais uniquement à partir du second. Si la version sénatoriale était retenue, les agents publics ne percevraient pas leur rémunération pendant les trois premiers jours de leur arrêt maladie. Mais le gouvernement pourra revenir dessus à l’Assemblée.

Les sénateurs ont par ailleurs supprimé une partie de la compensation de la hausse de la CSG pour les agents publics.

Les sénateurs reviennent sur la suppression de la taxe d’habitation

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, les sénateurs sont revenus sur la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Ils proposent de la reporter d’un an le temps de remettre les choses à plat et avoir une réflexion de fond sur l’ensemble de la fiscalité locale. La taxe d’habitation est l’une des principales ressources des communes. Malgré la promesse d’Emmanuel Macron de la remplacer à l’euro près, beaucoup de maires sont inquiets sur le long terme. Devant le congrès des maires, le chef de l’Etat a maintenu la suppression de la taxe d’habitation tout en lançant justement une réflexion sur la fiscalité locale.

Le sénateur LR Albéric de Montgolfier défend l'annulation de la suppression de la taxe d'habitation
03:02

Plafond du quotient familial relevé de 200 euros

Attachée à la politique familiale, la droite sénatoriale a décidé de relever le plafond du quotient familial de 1.527 euros à 1.750 euros par demi-part pour l'impôt sur le revenu 2018. Pour les sénateurs LR, les familles sont « un peu les oubliées » du budget.

Baisse des APL et loyers HLM : les sénateurs proposent une autre solution

Sur les APL, les sénateurs ont tenté de trouver une solution pour répondre aux conséquences de la baisse des loyers du logement social, mesure prise par le gouvernement, et conséquence de la baisse des APL décidée cet été par l’exécutif. Les recettes des organismes HLM se retrouvent ainsi diminuées de 1,5 milliard d’euros.

Première mesure de substitution à la réduction des loyers, les sénateurs ont décidé de porter de 5,5 à 10 % le taux de TVA applicable à la construction et la rénovation d'immeubles dans le secteur du logement social, pour un montant de 700 millions d'euros. Les sénateurs ont aussi choisi d'affecter au Fonds national d'aide au logement une fraction des cotisations versées par les bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du Logement locatif pour un montant de 850 millions d’euros. Le taux de la cotisation dite « principale » est porté à 7%.

Rejet du budget immigration

Le budget immigration, asile et intégration a été rejeté par la majorité sénatoriale. Pour elle, la lutte contre l’immigration clandestine ne va pas assez loin. Les sénateurs LR ont aussi adopté un amendement qui diminue l’Aide médicale d’Etat (AME) de 300 millions d’euros. Elle permet un accès aux soins aux étrangers en situation irrégulière.

… et sécurité…

Même tarif pour le budget sécurité. Le sénateur ont estimé qu’il n’était « pas à la hauteur des enjeux ». S’ils saluent l’augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, la plupart des sénateurs déplore l’insuffisance des moyens consacrés au renouvellement de leurs équipements.

Dominati : « Le présent budget n'est pas à la hauteur des enjeux »
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… mais le budget de la défense adopté (à contrecœur)

Grâce à l’abstention des LR, socialistes, centristes et des Indépendants, le budget de la défense, en hausse de 1,8 milliard d’euros, a pu être adopté. Mais la commission des affaires étrangères et de la défense pointe les dépenses non financées, les reports et la suppression et les 700 millions d’euros de gel de crédits en 2017.

Airbnb : le Sénat taxe les revenus supérieurs à 3.000 euros par an

C’est un sujet sur lequel insistent depuis longtemps les sénateurs, de gauche comme de droite. Dans le cadre du PLF, ils ont adopté à la quasi-unanimité une mesure pour fiscaliser les revenus supérieurs à 3.000 euros par an issus des plateformes collaboratives, autrement dit Airbnb, Drivy et autres sites de ce type. Le gouvernement s’y est opposé tout en se disant « ouvert au dialogue ».

Fiscaliser les revenus sur Airbnb ? Explications du sénateur LR Albéric de Montgolfier
00:43

Création d’une nouvelle réserve parlementaire pour les petites communes

Supprimée par le gouvernement, les sénateurs ont rétabli la réserve parlementaire mais en la concentrant sur les petites communes, qui en étaient déjà les principales bénéficiaires. D’un montant de 86 millions d’euros, comme l’ancien dispositif, le système voté par les sénateurs profite aux communes de moins de 2.000 habitants mais en exclut les associations.

Toujours du côté des collectivités, le Sénat a donné un coup de pouce aux collectivités territoriales pour les aider à financer la transition écologiste.

Les sénateurs de gauche et de droite défendent les emplois aidés

Les sénateurs, en défenseurs des territoires, ont pu rappeler tout le mal qu’ils pensaient de la baisse des emplois aidés, décidée par le gouvernement, et son impact sur les collectivités locales.

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs préservé

Alors qu’Irma est encore dans les têtes, deux amendements, portés par LR et RDSE, visant à préserver les ressources du fonds de prévention des risques naturels majeurs, ont été adoptés.

Le salaire des maires des grandes villes et des présidents de collectivités augmenté de 40 %

En toute fin d’examen du PLF, les sénateurs ont adopté, contre l’avis du gouvernement, un amendement portant le niveau de rémunération des maires des villes de plus de 500.000 habitants et des présidents de conseils régionaux ou départementaux au niveau de celui des hauts fonctionnaires, avec qui ils travaillent. Soit 40% d’augmentation, justifiée aussi par les nouvelles compétences des régions, qui porte la rémunération de 5.512 à 7.716 euros brut mensuels.

Le Sénat augmente de 40% la rémunération des maires de grandes villes, des présidents de région et de département
02:29

Rejet du budget de l’agriculture

Malgré la hausse de 2% du budget de l’agriculture, les sénateurs ont rejeté le budget du ministère, l’estimant insuffisant compte tenu de la fragilité du secteur.

Le budget de la lutte contre la prostitution rétabli

Les sénateurs ont rejeté la baisse d’1,8 million d’euros du budget de la lutte contre la prostitution. Ils ont rétabli les crédits au niveau de 2017. Le gouvernement compte, lui, sur une montée en charge de ces crédits.

Le Sénat rejette la baisse du budget de lutte contre la prostitution
00:47

Budget des sports en hausse

Adoptée par les députés, les sénateurs sont revenus sur la baisse des recettes du Centre national pour le développement du sport. Au total, le Sénat a décidé une hausse de 64 millions d’euros du budget de la mission sport.

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