L'Assemblée a rejeté jeudi la proposition de loi de La France insoumise pour la reconnaissance comme maladies professionnelles de pathologies psychiques liées au burn out, via une motion préalable adoptée par 86 voix contre 34 et coupant court au débat sur les articles et amendements.
Premier texte de la journée réservée au groupe LFI, la proposition de loi portée par François Ruffin visait à inscrire plusieurs pathologies psychiques "relevant de l'épuisement professionnel", la dépression, l'anxiété généralisée, le stress post-traumatique, au tableau des maladies professionnelles à compter de 2019.
"Qui supporterait que dans notre pays des gens viennent à mourir de l'épuisement professionnel", soient "cramés par le boulot", a notamment demandé le chef de file Jean-Luc Mélenchon, tandis que le rapporteur de la proposition de loi François Ruffin a évoqué des exemples chez Lidl ou à la Caisse d'Epargne, parlant de "silicosés du cerveau".
Jean-Luc Mélenchon, chef de file des députés du groupe La France insoumise, à l'Assemblée nationale, le 30 janvier 2018
AFP/Archives
Alors que la reconnaissance de l'épuisement comme maladie est "un parcours du combattant" pour les victimes et concerne "seuls 200 à 300 cas" par an, ce serait aux employeurs de prouver que ces pathologies ne résultent pas de l'organisation du travail, ont plaidé François Ruffin et Adrien Quatennens.
Avec le texte LFI, les salariés concernés bénéficieraient notamment d'une prise en charge totale des soins et d'une rente proportionnelle au dommage. Cela pourrait concerner plus de 400.000 personnes chaque année, selon les auteurs.
L'objectif est d'arrêter de "faire payer à la collectivité" certaines pratiques managériales, et que les entreprises s'en chargent via la branche Accident du travail-maladie professionnelle de la Sécurité sociale, financée à 97% par les cotisations patronales, avec le principe "pollueur-payeur".
Jusqu'à présent, a lancé François Ruffin, "le management mortifère n'est pas sanctionné" et "jouit d'une complicité des pouvoirs publics au moins par inaction".
En l'absence de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, ce que les Insoumis notamment ont déploré, le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement Christophe Castaner a jugé "essentiel de travailler sur la qualité de vie au travail, préoccupation croissante de nos concitoyens", et insisté sur la mission de "réflexion globale sur la santé au travail" devant déboucher sur un rapport fin avril.
Comme plusieurs orateurs LREM, il a jugé sur le "phénomène grave et complexe" du burn out difficile d'imputer précisément les troubles psychiques aux conditions de travail, rappelant notamment la possibilité de faire reconnaître le burn out comme maladie professionnelle hors tableau, et vantant la mobilisation des partenaires sociaux ainsi que la "vigilance de l'inspection du travail".
S'il a concédé un "coup de projecteur sur un sujet important", Guillaume Chiche (LREM) a reproché aux Insoumis de vouloir "légiférer au mépris du dialogue social".
Notant que l'inscription dans le tableau est "toujours une lutte avec le patronat", comme dans le passé pour la silicose ou l'amiante, François Ruffin s'est cependant dit "déçu" que la majorité LREM-MoDem ne propose aucune contre-proposition, comme l'ont fait LR et PS par exemple pour baisser le seuil pour la reconnaissance d'incapacité. "Lorsqu'il s'agit de câliner la finance (...) vous le faites avec empressement", a renchéri Sébastien Jumel (PCF).
De LR au PS en passant par les communistes, plusieurs groupes d'opposition ont aussi déploré, comme les Insoumis, le rejet sans débat des articles. "Vous demandez +circulez, il n'y a rien à voir+", a lâché Boris Vallaud, critiquant "le parlementarisme frugalisé", rappelant comme son collègue Régis Juanico les travaux passés des socialistes, dont Benoît Hamon, sur le burn out.
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