« C’est l’ancien monde mais en pire » : quand Éric Woerth tirait à boulets rouges sur Emmanuel Macron et le gouvernement

« C’est l’ancien monde mais en pire » : quand Éric Woerth tirait à boulets rouges sur Emmanuel Macron et le gouvernement

Désormais soutien d’Emmanuel Macron, le LR Éric Woerth ne s’est pourtant pas privé au cours des cinq années écoulées de critiquer l’action du gouvernement. Des attaques parfois lancées sur notre antenne. Florilège.
Romain David

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« Qui a trahi trahira, et bien du courage à celui qui le prendra ». La formule est de la sénatrice LR Valérie Boyer, invitée mercredi par Public Sénat à commenter le ralliement d’Éric Woerth, ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, à Emmanuel Macron. Un avertissement adressé à l’exécutif, alors que quelques minutes plus tôt, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qu’elle avait interpellé dans l’hémicycle sur le bilan sécuritaire du quinquennat, avait botté en touche en citant le même Éric Woerth sur les « dérives » du parti Les Républicains. Une jolie prise de guerre pour la majorité, à soixante jours de la présidentielle. Car même si le patron de la fédération des Républicains de l’Oise était resté à l’écart de la campagne de Valérie Pécresse, il n’a pas toujours fait montre d’un enthousiasme débordant à l’égard d’Emmanuel Macron. Tant s’en faut.

« Oui, j’ai parfois dénoncé », reconnaît Éric Woerth dans une interview accordée au Parisien. « J’assume l’ensemble de mes propos passés », ajoute-t-il, se disant prêt à « prendre le pari qu’Emmanuel Macron est sincèrement réformateur et qu’il saura utiliser la liberté de ce second mandat. ». L’occasion pour Public Sénat de se plonger dans les archives du quinquennat, et de revenir sur les (nombreuses) critiques émises sur notre antenne par le député de l’Oise à l’encontre de l’exécutif et du locataire de l’Elysée.

Sur la politique économique du gouvernement…

En tant que président de la commission des finances à l’Assemblée nationale – poste que certains de ses anciens camarades LR lui demandent désormais de quitter – Éric Woerth a souvent dénoncé la politique économique d’Emmanuel Macron. Chaque année, le projet de loi de finances (PLF) est l’occasion de fustiger le manque de rigueur de la macronie. « C’est exactement le budget qu’on n’aurait pas voulu faire. Il y a deux ans, on aurait proposé à Bercy de faire un budget comme ça, ils auraient dit ‘jamais’ », s’agace-t-il en octobre 2019 à propos d’un PLF 2020 axé sur le pouvoir d’achat des Français, avec une baisse des impôts sur le revenu, le déblocage de primes exceptionnelles, ou encore la suppression de la taxe d’habitation. « C’est un budget du moindre effort, où on laisse rouler la pierre. On nous dit plus de taxe d’habitation, qu’elle va être compensée par le foncier bâti, et puis on nous dit que la TVA va régler tout ça. Ce n’est pas très clair », analyse alors l’ancien argentier de Nicolas Sarkozy.

Un an plus tard, la crise du covid-19 est passée par là, et pourtant, rebelote : « Aujourd’hui ce budget est bourré de déficit, […] il n’y a aucun financement qui ne soit indiqué », dénonce l’élu le 1er octobre 2020. Éric Woerth cible notamment les dérives du quoi qu’il en coûte : « On a l’impression que chaque fois qu’un ministre demande des milliards il les obtient. Dans le domaine de la Culture, quand vous dites on va augmenter les crédits du patrimoine, on se dit ça n’a aucun lien avec la crise ».

La réforme des retraites, interrompue par la crise du covid-19, est l’autre cible favorite d’Éric Woerth. Il plaide pour un relèvement de l’âge de départ à 65 ans, à l’époque où Emmanuel Macron avait promis de ne pas y toucher. Depuis, le chef de l’Etat a nuancé sa position. À la veille de l’examen parlementaire, en janvier 2020, Éric Woerth estime que le texte n’est pas financé. Son groupe menace alors de ne pas voter la réforme : « Ça devient d’une complexité inouïe et je ne crois pas aux réformes qu’on n’arrive pas à expliquer », argue-t-il.

Sur la sécurité… et Gérald Darmanin

Il ne s’est pas privé de critiquer les déclarations ou prises de position de plusieurs ministres. Notamment l’ex-LR Gérald Darmanin. La loi contre le séparatisme - devenue depuis la loi confortant le respect des principes de la République -, l’un des principaux textes portés par le ministre de l’Intérieur, soulève chez lui un certain scepticisme. Ainsi, il s’interroge en octobre 2020 sur l’utilité de cette « énième loi, un nouveau texte qui sera appliqué à moitié… » Et d’ajouter : « C’est fou ce que la France se répète, la France bégaye tout le temps. »

Éric Woerth se dit également « un peu surpris » d’avoir vu apparaître l’ancien maire de Tourcoing à une manifestation de policiers devant l’Assemblée nationale le 19 mai 2021. « Gérald Darmanin aime la police. Mais ce n’est pas sa place, ça n’a pas beaucoup de sens, c’est une forme d’aveu d’impuissance », tacle-t-il. « Un ministre de l’Intérieur, ça ne court pas derrière les manifestations, ça agit ».

Emmanuel Macron, le « Président qui se plaint de son peuple »

Éric Woerth n’a pas épargné non plus le président de la République. En septembre 2017, il lui reproche de commettre « une erreur fondamentale » avec la baisse des APL et « d’opposer les Français les uns aux autres ».

Loyers : Woerth reproche à Macron « d’opposer les Français »
02:20

Un an plus tard, en septembre 2018, les plaies laissées par la défaite de François Fillon à la présidentielle et les déchirements de la droite ne sont toujours pas cicatrisés. Dans le même temps, la cote de confiance d’Emmanuel Macron s’érode à la veille du déclenchement du mouvement des Gilets Jaunes. L’occasion d’une attaque en règle contre le fondateur d’en Marche ! : « Il y a un gouffre qui est apparu aux Français entre l’image d’Emmanuel Macron pendant la campagne et puis d’un coup la réalité […] Toutes les phrases qui auraient pu être considérées comme anecdotiques à un moment donné ne l’étaient pas en réalité. Le premier de cordée mais aussi les Gaulois réfractaires. Un Président qui se plaint de son peuple cela pose quand même un certain nombre de questions », explique-t-il dans l’émission « Territoire d’Infos » sur notre antenne.

Il reproche encore au locataire de l’Elysée d’avoir été élu sur un programme cosmétique, et de ne pas suffisamment réformer le pays. « Je pense qu’on était en mode séduction au moment de l’élection et on passe au mode de la vie réelle. Emmanuel Macron a été élu sur l’idée de transformer le pays et il ne le fait pas. Il construit des réformes, mais ce sont des réformes que tout gouvernement aurait faites et a fait. Il n’y a pas de rupture et les vieilles recettes continuent à être employées de façon encore plus cynique. C’est l’ancien monde mais en pire. »

Macron : « Il y a un gouffre qui est apparu aux Français » selon Eric Woerth
02:10

Contre le ralliement de Jean-Pierre Raffarin

Mais le plus savoureux reste cet avertissement adressé en mars 2019 à Jean-Pierre Raffarin, sur le point d’annoncer son soutien à la liste d’Emmanuel Macron pour les élections européennes. « Je ne connais pas le projet du Président et Jean-Pierre Raffarin ne connaît pas non plus le projet des Républicains, car ces projets ne sont pas sur la table. Il faut qu’il regarde ce qu’Emmanuel Macron disait sur l’Europe, et qui est assez éloigné de ce que disait Jean-Pierre Raffarin à un moment donné », pointe-t-il. Avant un appel à la prudence : « Si Jean-Pierre Raffarin soutenait une autre liste que LR, il ne serait plus dans LR. J’appelle Jean-Pierre Raffarin à attendre avant de prendre sa décision. Je lui propose d’être très prudent sur son soutien, si soutien il y avait. ».

Raffarin apporte son soutien à Emmanuel Macron aux européennes : « Je lui propose d’être très prudent sur son soutien » déclare Éric Woerth
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Trois ans plus tard, Éric Woerth a fini par imiter l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, en ralliant un président qui n’est pas encore officiellement candidat… et qui n’a pas encore de programme.

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