Interministerial council of cities meeting at the Matignon Hotel in Paris,

« Ça devient insupportable » : les élus en colère après le report du Comité interministériel des villes

Prévu pour fixer les orientations de la politique de la ville, le Comité interministériel des villes devait avoir lieu le 9 octobre, après un Conseil national de la refondation au sujet des émeutes urbaines. Le report de ce comité en dernière minute agace profondément les élus, qui critiquent vivement la politique de la ville menée par le gouvernement.
Rose Amélie Becel

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« C’est de la grande improvisation, c’est à n’y rien comprendre, ça devient insupportable », se désole Catherine Arenou, maire divers droite de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) et vice-présidente de l’association « Ville et Banlieue ». Le 2 octobre au soir, l’élue a appris l’annulation du Comité interministériel des villes (CIV) prévu pour le lundi 9 octobre. « C’est la quatrième fois que cette rencontre est annulée, cette fois-ci elle n’est même pas reprogrammée », souffle-t-elle.

Début septembre, la Première ministre avait dévoilé la date de cette réunion chargée de poser les bases d’une nouvelle politique de la ville. Une rencontre attendue, après les émeutes qui ont secoué la France suite à la mort de Nahel, tué par un tir de policier à Nanterre au début de l’été. À l’automne, même si la tension est retombée, la situation n’en reste pas moins urgente, rendant inadmissible cette nouvelle annulation pour Catherine Arenou : « Le sujet est de plus en plus grave. Nous avons interpellé plusieurs fois par courrier le président de la République et la Première ministre sur l’urgence dans nos quartiers, nous n’avons jamais reçu de réponse, pas même un accusé de réception. »

L’association « Ville et Banlieue », associé à l’élaboration du contenu de la rencontre du 9 octobre, espérait à l’occasion du CIV « un mot fort de la Première ministre et des actes forts des ministres concernés ». « Dans le cadre des émeutes, il est question de politiques d’urgence pour la ville. Mais nous ne demandons pas seulement des mesures exceptionnelles, ce qu’il faut c’est un geste dans le droit commun, davantage d’enseignants et de policiers », détaille Catherine Arenou.

Un CNR qui passe mal

Mais l’heure des mesures concrètes ne semble pas avoir sonné. En guise de lot de consolation pour le comité interministériel annulé, une nouvelle édition du Conseil national de la refondation (CNR) se tient ce 5 octobre autour de la Première ministre, afin de « partager le diagnostic et les pistes de réflexion » au sujet des émeutes a annoncé Matignon. Un rendez-vous qui semble organisé à la va-vite, auquel « Ville et Banlieue » n’a été conviée que deux jours avant, sans indications précises sur l’ordre du jour.

Au Sénat, on se montre très critique à propos du CNR. « Un machin sans existence institutionnelle et qui n’accouche de rien du tout », pour Marc-Philippe Daubresse, sénateur LR du Nord et ministre chargé du Logement et de la Ville entre 2004 et 2005. Le sénateur communiste des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias partage ce constat : « Je crains que les conclusions de ce CNR connaissent le même sort que le plan Borloo, abandonné en rase campagne alors qu’il faisait parfaitement consensus. »

« S’il n’y a pas de plan d’ensemble, on court à la catastrophe »

Face à la multiplication de ces instances de concertation, les sénateurs de gauche comme de droite appellent d’urgence à un passage à l’action. « Les problèmes croissent de façon exponentielle dans les quartiers, notamment en raison du trafic de drogue, mais l’action est retardée par un empilement de bureaucratie qui ajoute des étages inutiles entre l’Etat et les acteurs de terrain », dénonce Marc-Philippe Daubresse. « Nous n’avons plus besoin de synodes, de conclaves, de grandes messes… Le bilan est connu, les remèdes sont connus », déplore de son côté Pierre Ouzoulias.

Confronté à la réalité des quartiers populaires dans sa circonscription des Hauts-de-Seine, l’élu communiste tire la sonnette d’alarme : « Les causes sociales des émeutes n’ont pas disparu, j’entends des choses terribles dans ma circonscription, des gens qui disent “la République, c’est un truc de riches”. S’il n’y a pas de plan d’ensemble, on court à la catastrophe. » Un constat qui renforce la déception face au report du comité interministériel, car la politique de la ville concerne aussi bien les thématiques de logement que de santé, d’éducation, de sécurité ou encore d’emploi et nécessite donc l’action coordonnée de tous les ministères.

« Les quartiers populaires ne veulent plus d’un plan de rattrapage tous les 15 ans »

À ce titre, la sénatrice socialiste des Hautes-Pyrénées Viviane Artigalas, auteure il y a un an avec Dominique Estrosi Sassone (LR) et Valérie Létard (UC) d’un rapport d’information sur la politique de la ville, déplore que l’action du gouvernement en faveur des quartiers populaires se centre sur les questions de sécurité. Signe pour l’élue de cette approche tournée vers la répression, depuis le dernier remaniement de juillet 2023, la secrétaire d’Etat chargée de la Ville – Sabrina Agresti-Roubache – est rattachée au ministère de l’Intérieur. « Tous les ministres sont concernés par la question du bien être dans les quartiers, ce changement suite au remaniement et maintenant ce report du comité interministériel, ce sont de mauvais signes », s’inquiète-t-elle.

Pour que les problématiques qui touchent les quartiers populaires soient prises en compte dans leur globalité, les élus appellent à la fin des mesures exceptionnelles. « Les quartiers populaires, au même titre que les territoires ruraux ou ultra-marins, ne veulent plus d’un plan de rattrapage tous les 15 ans. Nous demandons un égal accès à la République », martelle Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis. Pour l’élu, la question de l’accès aux services publics est primordiale, alors – rappelle-t-il en guise d’exemple – que dans sa circonscription les enfants perdent en moyenne un an de scolarité dans leur vie en raison du manque de professeurs.

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