Politique
Rachida Dati sera jugée, aux côtés de l’ex-patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn, pour corruption et trafic d’influence, du 16 au 28 septembre 2026, soit après sa campagne électorale à Paris dans le cadre des municipales de mars.
Le
Par François Vignal
Temps de lecture :
8 min
Publié le
Mis à jour le
Près de trois semaines après avoir été nommé, le premier ministre va de nouveau consulter. C’est grave docteur ? En effet, les semaines se suivent et se ressemblent pour Sébastien Lecornu. Il a de nouveau déjeuné avec les responsables du socle commun, ce lundi, à Matignon. Mardi, il rencontre les présidents de l’Assemblée et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, avant de faire face à une seconde journée de grève, jeudi, et de revoir les socialistes vendredi, pour une rencontre qui s’annonce déjà cruciale. Et petit « détail » à ne pas oublier : il pourrait nommer son gouvernement en fin de semaine, comme publicsenat.fr l’écrivait mercredi dernier.
« Toutes les semaines sont cruciales. Celle-là l’est plus, car il y a la nomination du gouvernement », reconnaît François Patriat, président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat. Mais il tempère l’attente. « Il y a un gouvernement démissionnaire depuis bientôt trois semaines, les Français ne s’en aperçoivent pas. Il vaut mieux prendre le temps et trouver un gouvernement en accord avec les décisions budgétaires qui seront prises », avance ce fidèle d’Emmanuel Macron.
Alors que l’horloge budgétaire tourne, est-ce déjà la semaine de la dernière chance pour Sébastien Lecornu ? « Oui », répond sans ambages le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, invité de BFMTV ce lundi matin. Comme tous les socialistes, avec lesquels le gouvernement espère trouver un accord de non-censure sur le budget, il a été particulièrement déçu de l’interview accordée par le premier ministre au Parisien. « Pour l’instant, on a bien compris ce qu’il ne voulait pas, on n’a pas très bien compris ce qu’il était prêt à faire », relève le numéro 1 du PS.
Olivier Faure ne ferme cependant pas la porte. Réunis à Bram, ce week-end, chez la présidente d’Occitanie, Carole Delga, les socialistes ont montré qu’ils étaient prêts à laisser encore sa chance au produit. Mais le temps presse. « La porte est restée ouverte, mais c’est une ouverture de plus en plus maigre », prévient ce lundi le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, qui souligne que « les plus modérés du PS n’ont pas compris cette interview ».
Dans cet entretien, Sébastien Lecornu refuse clairement la taxe Zucman, que demande le PS, et se dit prêt à réformer l’Aide médicale d’Etat et à réforme l’assurance chômage, soit des messages envoyés au RN, aux LR ou Renaissance, mais pas au PS. La gauche n’a quasiment rien à se mettre sous la dent. Il parle simplement « d’efforts » qui « ne seront compris que s’ils sont partagés et justes » et ajoute que « certains impôts augmenteront, mais d’autres diminueront », sans donner plus de détails.
Une tonalité qui s’expliquerait par la volonté de Sébastien Lecornu d’envoyer d’abord des messages en direction de ses alliés qui forment sa majorité relative. « Avant de vouloir chercher un accord avec le PS, il faut bien être d’accord entre nous, au sein du socle commun », confirme l’un de ses membres. Et encore, « il faut vraiment que tout le monde joue le jeu, et ne pas être dans des positionnements pré présidentielle », ajoute le même.
Du côté de Matignon, on assure qu’il ne faut pas s’arrêter au premier niveau de lecture. « L’interview de vendredi, c’est une base des négociations. Ce ne sera pas le budget Lecornu, ni celui du seul socle commun. Il faut que le Parlement s’en saisisse », fait-on valoir dans l’entourage de Sébastien Lecornu, où on oriente les projecteurs sur les quelques bougés possibles, histoire d’aider les socialistes. « Le PS ne peut pas faire semblant de ne pas voir qu’il n’y a des pistes nouvelles de négociations ouvertes par le premier ministre dans l’interview : fiscalité des plus riches, assurance chômage, pouvoir d’achat », ajoute-t-on dans l’entourage du locataire de Matignon.
S’il faut lire entre les lignes, voire être dans l’esprit de Sébastien Lecornu pour savoir où il veut aller, les socialistes attendent surtout du concret. « Nous, on veut de la clarté, pas des suppositions. Et la clarté ne va pas dans notre sens, ni dans celui de la justice fiscale », pointe Patrick Kanner. « On a été interloqués par le contenu de l’interview », souligne le sénateur du Nord et les « explications de textes » reçues ne suffisent pas. S’étonnant de ces « drôles de négociations » qui patinent, alors que la date couperet pour adopter le budget dans les temps approche, il ajoute :
C’est un peu lunaire, je ne vous le cache pas, comme approche de la formation politique qui est censée être celle qui a la clef de la censure ou pas.
L’ancien ministre rappelle le cœur des revendications socialistes : « Un équilibre dans les efforts à répartir », « le pouvoir d’achat, la question des retraites et la justice fiscale. On a besoin d’être rassurés sur ces trois priorités. J’ajoute la relance par l’investissement et des grandes mesures écologistes ».
Bref, on comprend que le compte n’y est absolument pas. Le premier ministre devra faire de sérieux efforts vendredi, en revoyant les socialistes. « Au moment où je vous parle, on est plutôt sur la dynamique de la censure », prévient Patrick Kanner, qui veut malgré tout encore y croire : « Si rien ne change, on censure. Donc ça veut dire qu’il y a encore une chance que ça change », lance le patron des sénateurs socialistes. Nuance.
Dans l’après-midi, rien de précis n’a filtré du déjeuner des cadres de la majorité, autour du premier ministre. « On a parlé méthode mais pas des mesures, sauf ce qu’on fait déjà sur l’ISF, la taxe Zucman et les retraites. Les discussions sont en cours », résume laconiquement l’un des convives.
On comprend pourquoi beaucoup se jouera lors de la rencontre entre les dirigeants PS et Sébastien Lecornu, à la fin de la semaine. « Vendredi, ce sera l’aboutissement des propositions qu’il faut faire et après, ça passe ou ça casse ! » lance François Patriat. Mais le patron des sénateurs macronistes veut croire que les socialistes auront du grain à moudre. « C’est acquis dans l’opinion publique et politiquement, qu’il y aura un impôt supérieur sur les hauts revenus. Mais pas de taxe Zucman. Mais comme a dit Gérard Larcher, ça dépendra de la base et du taux », souligne le patron des sénateurs Renaissance, qui se dit « favorable » à « une taxe sur les rachats d’actions, sur les plus-values ».
Et si le salut de Lecornu venait du côté du Modem ? Le président du groupe à l’Assemblée, Marc Fesneau, y est allé la semaine dernière de sa proposition d’un impôt sur la fortune improductive, déjà adoptée plusieurs fois au Sénat ces dernières années, mais rejeté dans la version finale du budget. Dans Le Monde, il prévient que des députés déposeront des amendements en ce sens, lors du budget, alors que Sébastien Lecornu écarte tout retour de l’ISF. « Ce serait une erreur de ne pas comprendre le besoin de prendre une telle mesure juste et symbolique qui réponde au sentiment d’injustice fiscale », soutient Marc Fesneau.
L’idée d’une hausse de la flat tax est aussi évoquée. Mais pour François Patriat, « ce n’est pas un bon signe donné aux entreprises ». Pour le président du groupe RDPI, « il faudra bien, à un moment ou un autre, faire porter l’effort sur la consommation ». Autrement dit, soit via une hausse de la TVA, soit de la CSG, soit un peu des deux. Mais difficile à assumer politiquement. Le sénateur n’est pas suivi dans son camp sur cette idée.
A Matignon, on espère que les socialistes seront prêts à mettre un peu d’eau dans leur rosé. « Le compromis n’est pas la compromission, on ne demande à personne de renier ses convictions, et on ne renie pas les nôtres. Aux oppositions de montrer qu’ils sont prêts eux aussi à travailler à un compromis », avance-t-on dans l’entourage du premier ministre, où on souligne qu’il faudra faire des efforts y compris dans le camp du socle commun : « Nous devons chacun être prêts à accepter que la copie ne pourra correspondre à 100 % de nos propositions. C’est vrai pour le gouvernement, pour le socle commun, mais c’est aussi vrai pour les oppositions ». Mais à trop mettre d’eau dans son breuvage ou à mélanger les cuvées, attention à ne pas rendre la potion amère, voire imbuvable.
Pour aller plus loin
Best of - Syndicats des étudiants de santé (1er cycle)