Elections après élections, le Rassemblement national (RN) affiche des scores qui font pâlir les formations concurrentes. Mais les municipales de mars 2020 restent une élection plus compliquée à aborder pour la formation de Marine Le Pen. La rentrée du parti, ce samedi 14 et dimanche 15 septembre à Fréjus, pour l’Université d’été du RN, se fera avec ce scrutin local en ligne de mire.
« Stratégie de l’inondation »
La ville du Var avait été l’une des 14 villes conquises lors de l’élection de 2014. L’ancien sénateur David Rachline est toujours à sa tête. Le RN ne fixe pas d’objectif chiffré pour les élections de mars, mais affiche ses ambitions. « Nous entamons cette rentrée politique avec les municipales, avec des objectifs très ambitieux sur les municipales » affirme à publicsenat.fr Jean-Lin Lacapelle, délégué national du Rassemblement national. Ce proche de Marine Le Pen précise :
« Reconduire les municipalités gagnées en 2014. On va le faire car tous les scrutins ont renforcé notre électorat ; conquérir de nouvelles municipalités grâce à la bonne gestion de nos maires, c’est une vitrine magnifique ; le troisième axe, c’est d’avoir le maximum d’élus locaux, car ce sont les grands électeurs de demain, les candidats aux départementales de demain ».
C’est ce que Jean-Lin Lacapelle nomme « la stratégie de l’inondation. Exemple avec Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais. Vous gagnez la mairie, puis les cantons autour, puis les circonscriptions avec Marine Le Pen, Ludovic Pajot, Bruno Bilde. Et ensuite la région et le département. C’est ce que nous voulons faire, poursuivre notre ascension ».
En réalité, ce plan qui semble bien huilé n’est pas si évident pour le parti d’extrême droite. « Le mot d’ordre de la rentrée, c’est travail. Les municipales sont une élection un peu difficile pour nous » reconnaît Wallerand de Saint-Just, trésorier du RN et membre du bureau exécutif, « car c’est l’élection la moins politique et en raison du mode de scrutin, avec l’obligation de faire 10% au premier tour pour se maintenir au second ». « Mais nous voulons présenter dans le maximum de villes, le maximum de listes, avoir le maximum d’élus et de maires. Ça nécessite pour nous un travail matériel, opérationnel et politique extrêmement important. Au siège du RN, tout le monde est maintenant focalisé sur ce but et dans les fédérations, tous les cadres locaux sont mobilisés » assure Wallerand de Saint-Just.
« L’élection municipale, c’est l’élection la plus complexe »
Reste que dans certains départements où l’implantation du parti est plus faible, il peut être difficile de trouver assez de candidats crédibles. En 2014, le parti avait déjà eu du mal à remplir sa feuille de match. « Mais aucun parti n’aura des candidats partout » répond Gilles Pennelle, directeur de campagne du RN pour les municipales et membre de la commission nationale d’investiture. « Après, dans le Cantal ou l’Aveyron, il est évident qu’il y a des petites villes où l’étiquette n’est pas forcément mise en avant », admet-il. « L’élection municipale, c’est l’élection la plus complexe. Car c’est une élection locale et tout dépend des scénarios du second tour » souligne de son côté Jean-Lin Lacapelle. « On peut gagner dans une quadrangulaire avec 35%, comme perdre dans un duel à 48%. On pourra gagner là où on ne l’attend pas, comme à Mantes-la-Ville, en 2014, avec une quadrangulaire » ajoute Gilles Penelle.
Les possibilités de victoire se situent sans surprise là où le parti d’extrême droite réalise ses plus hauts scores. « PACA reste pour nous une terre de force, que ce soit le Var, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse. Nous avons aussi de gros espoirs en Occitanie, en Hérault et dans le Gard. Et bien sûr le Pas-de-Calais, le Nord et les trois départements picards, Aisne, Somme, Oise, ainsi que le grand Est » énumère Gilles Penelle. Parmi les villes dans le viseur, le responsable cite Perpignan, avec Louis Aliot, ainsi qu’Avignon, « où on peut gagner. Et même pourquoi pas Marseille, avec Stéphane Ravier (sénateur RN des Bouches-du-Rhône, ndlr). Le jeu y est assez ouvert ». La division s’y installe chez les LR.
« Il ne faut pas seulement compter combien il y aura de listes du RN mais aussi voir les listes que nous soutenons »
Le responsable du RN, membre du bureau national, ajoute que le parti « sera présent dans toutes les villes de plus de 100.000 habitants, dans toutes les sous-préfectures ». Le parti va aussi investir des candidats qui n’ont pas leur carte, mais soutenu par le RN, comme « à Carpentras, dans le Vaucluse, où nous sommes très forts. Nous soutenons un candidat qui n’est pas du RN, le général de la Chesnais. Il rassemble au-delà du RN. C’était la terre d’élection de Marion Maréchal Le Pen » rappelle Gilles Pennelle. L’idée de listes d’ouverture avait été lancée après les européennes. Marine Le Pen s’était dite prête à « discuter » avec des membres des LR en vue des municipales. Mais le directeur de campagne du RN ne va pas jusqu’à reprendre la stratégie formulée par Marion Maréchal Le Pen. « Ce n’est pas forcément sous l’appellation de l’union des droites » que ces listes se placeront. Louis Aliot, à Perpignan, ville sur laquelle le parti porte ses espoirs, mènera aussi une liste sans étiquette mais soutenu par le RN.
Le parti se garde bien pour l’heure de donner le nombre de candidats investis jusqu’ici. Le travail est encore en cours. « Il ne faut pas seulement compter combien il y aura de listes du RN mais aussi voir les listes que nous soutenons » souligne Gilles Penelle. De quoi gonfler un peu les chiffres des listes estampillées RN, contourner le problème pour trouver des candidats et miser sur des personnalités implantées localement.
Difficulté pour les candidats d’obtenir un prêt : « Pour les municipales, ça va recommencer »
Une autre difficulté s’annonce pour le RN : l’argent. Aux questions de « ressources humaines, ressources opérationnelles », Wallerand de Saint-Just ajoute « les ressources financières, car ça va être à nouveau un problème » lâche le trésorier du Rassemblement national. « Que ce soit à la présidentielle ou aux européennes, tous les autres candidats ont eu droit à des prêts par des banques françaises. Marine Le Pen et Jordan Bardella n’ont pas pu en avoir. Pour les municipales, ça va recommencer. Les sommes ne sont pas très importantes. Par exemple, pour une ville de 30.000 habitants, les dépenses remboursables sont entre 10.000 et 15.000 euros. Mais comme on aura beaucoup de listes, on va multiplier les difficultés » craint le trésorier du RN. De quoi peut-être freiner les volontés, au moment où les instances du parti cherchent ses candidats.