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Candidature du NFP à Matignon : Emmanuel Macron « botte en touche en disant qu’on va d’abord s’occuper des JO »

Mardi 23 juillet, Emmanuel Macron a donné sa première longue interview télévisée depuis la dissolution et les législatives. L’occasion pour le président de la République de livrer son analyse du scrutin, de temporiser et de refuser net la candidate du Nouveau Front populaire pour Matignon. Analyse de cette prestation avec l’expert en communication Philippe Moreau-Chevrolet.
Tâm Tran Huy

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Il est urgent d’attendre. Voilà le principal message que l’on peut retenir de l’interview donnée hier par Emmanuel Macron. C’était la première longue prise de parole présidentielle depuis la dissolution, elle a pris place sur un plateau somptueusement installé sur le toit du musée de l’Homme, dominant le Paris éternel et sa Tour Eiffel habillée aux couleurs des anneaux olympiques. Un cadre propice pour expliquer que la trêve olympique allait se confondre avec la trêve politique, que le président de la République souhaitait se mettre au-dessus de la mêlée et confier aux partis le soin de se mettre d’accord. L’exercice n’a pas convaincu tout le monde. Philippe Moreau-Chevrolet, président de MCBG Conseil, juge aujourd’hui le président de la République « politiquement condamné ». A moins d’un miracle.

Refuser de confier les rênes au Nouveau Front populaire, des « artifices, pas de vrais arguments, des éléments de langage »

C’est peu dire que la fumée blanche est apparue in extremis du côté de la gauche. Une heure à peine avant le début de l’interview du président de la République, Insoumis, socialistes écologistes et communistes se sont mis d’accord sur la candidature de la haute-fonctionnaire Lucie Castets pour occuper le poste de Premier ministre. Sans surprise, Emmanuel Macron n’a pas nommé l’ancienne conseillère d’Anne Hidalgo à Matignon. Il a même balayé du revers de la main l’hypothèse de confier le pouvoir au Nouveau Front populaire. « La question n’est pas un nom. La question, c’est quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée », a lancé le chef de l’Etat. A deux reprises, le même argument : le Front populaire avait un candidat au perchoir, le communiste André Chassaigne, qui n’a pas été élu, ce qui montre très clairement que la gauche n’a pas gagné l’élection. Autre argument d’Emmanuel Macron : le parti arrivé en tête, lors de cette élection, n’est pas la gauche, qui est déjà une coalition, mais le Rassemblement national.

« Une cascade de dénis qui renforcent la crise. » 

Une position très critiquée par Philippe Moreau-Chevrolet : « Ce sont des artifices, pas de vrais arguments, ce sont des éléments de langage, de la com ‘. Ce ne sont pas de vrais arguments politiques, mais des prétextes dont les intentions sont transparentes. » Pour le communicant, l’objectif est de discréditer le choix de la gauche au motif qu’elle a formé une coalition, qui est plus la règle que l’exception en l’absence de majorité absolue. Aujourd’hui, les dirigeants du Nouveau Front populaire dénoncent d’ailleurs un président mauvais joueur, Marine Tondelier décrivant « un enfant paniqué » et Manuel Bompard un « forcené retranché à l’Elysée ». Philippe Moreau-Chevrolet a vu dans l’interview de mardi « une prestation particulièrement décalée car on est en pleine crise politique inédite. Alors que la gauche lui demande d’arbitrer sur le nom du Premier ministre, il botte en touche en disant qu’on va d’abord s’occuper des JO. » Et de dénoncer, dans la séquence ouverte par les Européennes et la dissolution, une « cascade de dénis qui renforcent la crise. »

« On n’a pas l’impression qu’il y ait un pilote dans l’avion »

« La majorité sortante a perdu cette élection, mais personne n’a gagné », a aussi expliqué le Président de la République qui a remis plusieurs fois la balle dans le camp des partis, les exhortant au « compromis », leur « donnant la responsabilité de se mettre d’accord ». Lui est donc en position d’attente. Le maître des horloges fait son retour.

Pour le professeur à Sciences Po Paris, le chaos politique actuel montre surtout un président en train de subir la situation qu’il a provoquée. « On n’a pas l’impression qu’il y ait un pilote dans l’avion » estime-t-il. Trois calculs, selon lui, sous-tendent sa position : « Se donner du temps pour construire sa majorité à droite, espérer que la coalition de gauche explose et que les Français passent à autre chose, en misant sur une hausse de popularité due aux JO. Tout cela pour mettre le jeu à sa main. » Alors que beaucoup ont vu dans la dissolution un coup de poker, le président de la République continue-t-il à jouer aux cartes en voulant attendre la fin de la trêve olympique pour prendre des décisions politiques ? 

Parmi les scénarii pour sortir de l’ornière, la direction à droite s’est toutefois dessinée à certains moments de l’interview, lorsqu’Emmanuel Macron a dit clairement son opposition à l’abrogation de la réforme des retraites, qui pourrait être votée à l’Assemblée nationale si le RN joignait bien ses voix à celles de l’ensemble de la gauche. Lorsque parlant du pacte législatif présenté par la droite en ce début de semaine, il a salué une initiative qui « va dans la bonne direction à [s]es yeux », correspondant aux attentes des Français pour « plus de fermeté, plus de sécurité. »

« Une attitude politiquement suicidaire depuis la défaite des Européennes »  

Fustigé par la gauche, alors que la droite se refuse pour l’heure à une coalition, Emmanuel Macron fait aussi face à des troupes aujourd’hui divisées. Après la dissolution, le président de la République est apparu plus seul que jamais. Les députés de son camp se sont sentis lâchés, des textes en cours de discussion sont aujourd’hui en rase campagne. Pour Philippe Moreau Chevrolet, le « prix à payer politique a été absolument immense. La question est donc comment il justifie ce prix et quand lui-même va payer la facture. » Or, son affaiblissement a pour corollaire des appétits aiguisés pour incarner le leadership au centre, de Gabriel Attal à Gérald Darmanin, en passant par Edouard Philippe. En conséquence, Emmanuel Macron « risque de se retrouver marginalisé. »

Le résultat « d’une attitude politiquement suicidaire depuis la défaite des Européennes » analyse Philippe Moreau-Chevrolet. « A moins d’un miracle, il est politiquement condamné, sauf s’il trouve un chemin politique ». Emmanuel Macron a su, lors du quinquennat précédent, retourner les situations. Le pourrait-il encore aujourd’hui ? Le communicant pense au contraire qu’il pourrait faire les frais de la solution à venir. « Le risque que prend Emmanuel Macron, c’est que la solution se construise non pas avec, non pas sans, mais contre lui. »

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