Adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie à l’UE : « On prendrait des risques immenses à accélérer ou précipiter le processus », prévient Clément Beaune

Adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie à l’UE : « On prendrait des risques immenses à accélérer ou précipiter le processus », prévient Clément Beaune

Quelques jours après le dernier Conseil européen sous la présidence française, le Sénat a auditionné ce mercredi 29 juin, le ministre chargé de l’Europe, Clément Beaune. Le ministre a défendu le projet de communauté politique européen esquissé par Emmanuel Macron le 9 mai, « un sas » pour les pays attendant leur adhésion et un nouveau cadre de coopération notamment avec la Turquie et le Royaume-Uni.
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Par Louis Dubar

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La présidence française touche à sa fin. Le 30 juin, la République tchèque prendra le relais de la présidence tournante de six mois du Conseil de l’Union européenne (UE). Auditionné au Sénat, le ministre chargé de l’Europe, Clément Beaune est revenu sur les ambitions portées par la France et les candidatures de Kiev et de Chisinau à l’UE.

L’Ukraine et la Moldavie officiellement candidats, « un signal et un symbole forts »

A l’issue du Conseil européen le 23 juin, les vingt-sept ont accordé à l’Ukraine et à la Moldavie, le statut de candidat à l’UE, une décision attendue, accélérée par l’agression russe. « Cette mesure était nécessaire », souligne Clément Beaune. La Moldavie est un pays qui vit « sous la menace et une pression russe » depuis le 24 février. Pour le ministre, « il est dans notre intérêt géopolitique de soutenir ce pays », confronté par « des risques de déstabilisation » du fait de l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés fuyant le conflit sur son sol.

L’octroi du statut de candidat à l’Ukraine est « un signal et un symbole » forts envers Moscou. « Nous aurions sans doute cassé un espoir et une résistance au sein du peuple ukrainien » en cas de refus, du statut de candidat. « Si l’Europe avait tourné le dos […], nous aurions sans doute renforcé les signaux encourageant la Russie, son agression. » Devant les sénateurs, le ministre chargé de l’Europe prévient l’arrimage à la « famille européenne » sera « long et exigeant. » Il assume un discours de vérité envers les Ukrainiens et les Moldaves, « on préparerait des lendemains qui déchantent si on ne dit pas la vérité. » « L’adhésion à l’UE n’est pas facile, on voit bien les difficultés à fonctionner à vingt-sept. On prendrait des risques immenses à accélérer ou précipiter un processus » d’élargissement.

« Il ne faut pas répéter les erreurs que nous avons faites avec les Balkans Occidentaux. Nous avons donné des perspectives d’intégration à ces pays en 2002, sous présidence française et aucun des six pays de la région n’a intégré l’Union », alerte Clément Beaune qui promeut la communauté politique européenne esquissée par le président français, une étape pour les pays candidats.

La communauté politique européenne voulue par Macron : « une salle d’attente ou partenariat renforcé » avec l’UE ?

Afin de répondre aux aspirations ukrainiennes de rejoindre « la famille européenne », Emmanuel Macron avait proposé au cours de son discours du 9 mai devant les eurodéputés, « une communauté politique européenne ». Interrogé sur les modalités de ce projet par les sénateurs, Clément Beaune a levé une partie du voile sur cette nouvelle organisation. « S’agit-il d’une salle d’attente ou d’un partenariat renforcé » avec l’UE, demande le sénateur Didier Marie. « Les deux, mon général », lui rétorque le ministre.

> > Lire notre article. Quels sont les pays engagés dans un processus d’adhésion à l’UE ?

Pour Clément Beaune, cette communauté politique représentait une étape pour les pays candidats à l’UE, une structure intermédiaire, « un continuum entre l’adhésion complète également et rien de tout. » « C’est également pour éviter l’opposition entre l'élargissement et l'approfondissement que nous plaidons pour cette communauté supplémentaire », explique également le ministre. Ce projet dont l’ambition est de « structurer le continent » permettrait de redonner un cap avec des pays éloignés du projet européen comme le Royaume-Uni ou la Turquie.

Le Conseil européen des 23 et 24 juin s’est penché sur cette proposition politique portée par Emmanuel Macron. Le projet a fait « l’objet d’un accord unanime sur l’idée de travailler sous présidence tchèque à la mise en place de cadre de coopération, distinct de l’Union. » Une première réunion de travail entre les Etats membres est prévue à Prague « avant la fin de l’année », selon le Ministre.

L’inscription du droit à l’avortement dans la charte des droits fondamentaux de l’UE ne peut se faire qu’à « l’unanimité »

La décision de la Cour suprême d’invalider l’arrêt Roe v. Wade a provoqué une onde de choc en France et sur le vieux continent. En janvier 2022, quelques jours après avoir reçu la présidence du conseil de l’UE, Emmanuel Macron avait proposé lors de son discours fixant les priorités de la présidence française au Parlement européen, l’inscription du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union.

« Il y a deux pays européens, où il n'y a de droit ou de fait, plus d’interruption volontaire de grossesse reconnue. C’est le cas pour Malte et […] pour la Pologne », indique le Clément Beaune. L’inscription du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux ne peut se faire qu’à « l’unanimité » des Etats membres. « Ce n’est pas acquis », reconnaît le ministre. « Nous devons engager ce combat […]. Si nous n’ouvrons pas ce débat, nous ne le gagnerons pas », martèle Clément Beaune qui rappelle que l’adoption définitive de la Charte a été le fruit d’un long combat « d’une dizaine d’années. »

> > Lire notre article. Macron au Parlement européen : « Il revient, d’une certaine manière, à l’esprit d’origine du projet européen »

En Pologne, la loi avait « réduit » les possibilités pour les femmes polonaises de recourir à l’IVG. L’avortement est légal uniquement si la vie de la mère est en danger ou si la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste. Cette limitation du recours à l’avortement est perçue comme une contrainte pour les femmes réfugiées ukrainiennes dans le pays. « Elles ont vécu des actes de violence sexuelle, parfois des viols. Ces dernières sont empêchées de recourir à un droit qui existait dans leur pays », reconnaît le ministre délégué chargé de l’Europe. Clément Beaune promet d’agir avec la ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome : « Nous prendrons dans les prochains jours des actes de soutien. »

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