Un gazole à 1,65 euro et un SP98 à 1,79 euro en moyenne le litre. La poursuite en janvier de l’envolée des prix dans les stations-service, conséquence de la hausse des cours du pétrole, a conduit le gouvernement à réagir une fois de plus. « Les prix observés sont tels que nous devons apporter une réponse aux citoyens qui roulent beaucoup », a expliqué Jean Castex ce mardi, lors des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale. En réponse à une question du député (LREM) Loïc Dombreval, le Premier ministre a annoncé que le barème kilométrique sera relevé « dès cette semaine » de 10 %. Un arrêté du ministère de l’Economie va officialiser l’arbitrage. Ce barème qui permet d’établir le montant des frais de déplacement déductibles du revenu imposable, sera donc actualisé de façon beaucoup plus forte cette année que les précédentes.
Près de 2,5 millions de foyers bénéficieront de cet allègement fiscal à partir du printemps, après la saisie des frais réels sur leur déclaration d’impôt sur les revenus 2021. Le relèvement du barème kilométrique se manifestera aussi sur la fiche de paie, puisqu’il sert de référence au calcul des indemnités kilométriques versées par une entreprise à un salarié, en cas d’utilisation de son véhicule personnel. Selon le ministère de l’Economie, le gain moyen annuel par foyer fiscal ayant opté pour le régime des frais réels serait de l’ordre de 150 euros, soit un coût pour le budget de l’Etat pouvant se chiffrer « jusqu’à 400 millions d’euros ».
Dans l’entourage de Bruno Le Maire, on évoque une mesure « ciblée », s’adressant principalement à la classe moyenne. Bercy affirme que ce geste pourrait neutraliser la hausse des carburants jusqu'à une distance parcourue de 7 000 kilomètres. Ce nouveau coup de pouce est vu comme « complémentaire » à l’indemnité inflation de 100 euros, versée aux 38 millions de Français qui gagnent jusqu’à 2000 euros net.
Interrogé par Public Sénat, le rapporteur général de la commission des finances au Sénat, Jean-François Husson, constate qu’il n’y a « pas de cohérence ». « Comme le gouvernement ne veut pas renouveler l’indemnité inflation de 100 euros – il voit bien qu’avec son arrosoir qui arrosait trop large, ça n’a pas suffi – il choisit de restreindre le nombre des bénéficiaires. » En novembre, lors de l’examen du budget rectificatif, la droite sénatoriale avait défendu une indemnité plus élevée, mais se concentrant sur les plus modestes.
« L’objectif c’est de tenir, pour permettre la réélection du président de la République », considère le sénateur Jean-François Husson
Le parlementaire sait à quel point le prix de l’essence peut être inflammable en France. Il avait mis en garde le gouvernement contre un mouvement de contestation du renchérissement de la fiscalité énergétique, un an avant l’irruption des Gilets Jaunes. Même si la solution du barème kilométrique a été suggérée dès octobre par Valérie Pécresse, Jean-François Husson se montre sceptique en l’état sur le choix du gouvernement. « Je ne suis pas satisfait. On ne peut être satisfait que si on a un niveau de réponse qui couvre convenablement l’ensemble des personnes concernées par le rencaissement du prix des carburants », réplique le sénateur.
Le gouvernement pourrait faire valoir que l’effort budgétaire, en réponse à la forte inflation des prix de l’énergie, s’élève à 15 milliards d’euros depuis l’automne, selon Bercy. En plus de l’indemnité inflation de 100 euros ou du relèvement du barème kilométrique, le gouvernement a fait voter un « bouclier tarifaire » sur les prix du gaz, il a instauré un blocage des prix de l’énergie début 2022. Sans compter l’émission d’un chèque énergie supplémentaire exceptionnel de 100 euros pour les 5,8 millions de foyers éligibles.
Mais plus que la cible des aides, le sénateur Jean-François Husson s’inquiète de la politique énergétique prise dans son ensemble, citant par exemple les retards pris dans la filière de l’hydrogène ou encore la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. « Il n’y a pas de cap en matière énergétique. C’est le grand écart, les renoncements, les pertes de souveraineté. On fait tout et son contraire. On brûle des chèques sans provision. Avec ça, on ne fait pas une politique. »
A dix semaines de l’élection présidentielle, le rapporteur général ne voit qu’une motivation à l’annonce du jour. « L’objectif c’est de tenir, de tout faire, quel qu’en soit le prix, pour permettre la réélection du président de la République, manifestement en campagne avec l’aide de son Premier ministre. »