« Les mesures d’âge que nous prônons sont celles qui permettent de ramener le système à l’équilibre d’ici 2030 ». Le texte de la réforme des retraites, - qui prendra la forme d’un projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale – a été présenté ce lundi 23 janvier en Conseil des ministres. Lors d’un point presse, le ministre du Travail Olivier Dussopt a réaffirmé la volonté du gouvernement de porter l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans à l’horizon 2030. « Revenir sur ce point serait renoncer au retour à l’équilibre et manquer de responsabilité vis-à-vis des générations futures », a-t-il averti, alors qu’Emmanuel Macron a souhaité ce week-end que le Parlement puisse « aménager le texte ». « À chaque fois qu’un amendement nous permettra de l’améliorer, sans renoncer au retour à l’équilibre financier en 2030 ni aux fondamentaux de la réforme, nous y serons ouverts », a précisé Olivier Dussopt. Le ministre a détaillé les mesures prévues par le projet de loi pour accompagner cet allongement de la durée de travail, notamment pour une meilleure prise en compte des carrières longues et du facteur d’usure de certaines carrières.
Sur la prise en compte de la pénibilité
Les conditions de départ anticipé sont maintenues à 50 ans pour les travailleurs exposés à l’amiante, à 55 ans pour les travailleurs en situation de handicap, et à 62 ans à taux plein pour les travailleurs inaptes ou déclarés en incapacité. Le gouvernement veut faciliter les départs en retraite pour les travailleurs qui se voient reconnaître un taux d’incapacité supérieur à 20 % en raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail : l’exécutif vise 100 000 départs anticipés par an pour raison médicale, soit 15 % des salariés qui soldent leur retraite chaque année.
Le compte professionnel de prévention sera « modernisé », a indiqué Olivier Dussopt, avec la baisse d’un certain nombre de critères. « Nous allons mieux tenir compte des poly-exposés et nous allons créer une quatrième utilisation avec un congé de reconversion professionnelle ». Le suivi médical des salariés sera également renforcé, avec la mise en place d’une nouvelle visite médicale obligatoire à 61 ans.
Pour les carrières longues
Le dispositif carrières longues, qui permet à ceux ayant cotisé un certain nombre de trimestres avant 16 et 20 ans de partir plus tôt à la retraite, est maintenu. Il se verra intégrer « un troisième niveau pour ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans, en cohérence avec le développement de l’apprentissage que nous accompagnons », a annoncé Olivier Dussopt. « Un certain nombre des mesures concernant les départs anticipés pour carrière longue ne figure pas dans le texte, car elles relèvent du champ règlementaire », a toutefois précisé le ministre.
Sur l’employabilité des séniors
Sur ce point, le gouvernement a présenté deux dispositifs ce mercredi. D’une part, un « index senior ». « Il permettra de mesurer l’application des entreprises de plus 300 salariés tant pour le maintien dans l’emploi, la formation que le recrutement de salariés considérés comme seniors, avec une obligation de publicité », a expliqué le ministre. Cet « index senior » s’inspire de ce qui a été fait avec l’index égalité professionnelle femmes-hommes sous le premier quinquennat. Le non-respect du devoir de publicité s’accompagnera d’une sanction financière, a annoncé le ministre, avec une obligation de négociation d’un accord sur l’emploi des seniors dans les entreprises concernées.
Second dispositif : la retraite progressive, dont le gouvernement veut faciliter l’accès deux ans avant l’ouverture des droits.
Sur les petites retraites
« Nous portons le niveau de pension minimum pour un salarié ayant une carrière complète à 85 % du smic, ce qui correspond à un peu mois de 1 200 euros brut », a rappelé Olivier Dussopt. 200 000 nouveaux retraités devraient en bénéficier chaque année. Le gouvernement a tenu à répondre aux exigences de certains groupes de la majorité présidentielle mais aussi des Républicains, en élargissant la mesure à l’ensemble des pensionnés actuels, soit 1,8 million de retraités. Le coût de cette revalorisation est estimé à un peu plus d’un milliard par l’exécutif.
L’ensemble des mesures ainsi détaillé s’appliquera « de façon symétrique » à la fonction publique. Olivier Dussopt a également confirmé la fermeture des régimes spéciaux pour les nouveaux embauchés des secteurs suivant : la RATP, les industries électriques et gazières, le régime des clercs et employés de notaire, la Banque de France et le Conseil économique et social.
50 000 salariés impactés par la réforme dès 2023
Avec sa réforme, le gouvernement vise une économie de 18 milliards à l’horizon 2030, ce qui doit permettre à la fois d’équilibrer le système et de financer les mesures complémentaires. En marge de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, l’exécutif a également réalisé une étude d’impact de sa réforme, dont les principaux enseignements ont été éventés ce lundi matin par Le Monde et Les Echos.
Cette étude prévoit une hausse « relativement contenue » de l’âge moyen de départ à la retraite, du fait du recul progressif de l’âge de départ déjà mis en place par la réforme « Touraine ». Dans les faits, il se situe plutôt à 62,9 ans aujourd’hui. Pour les Français nés en 1962, le décalage induit par la réforme devrait être d’un mois seulement, de six mois pour ceux de 1966, de sept mois pour la génération de 1972. Ceux nés en 1980 partiront six mois plus tard que ce que prévoit le système actuel.
Si la reforme entre en application au cours de l’été, ainsi que l’envisage le gouvernement, l’âge légal de départ passera au 1er septembre à 62 ans et 3 mois. Sur les 700 000 salariés qui doivent prendre leur retraite cette année, 50 000 personnes pourraient ainsi être amenées à partir plus tard que prévu, indique le Haut conseil des finances publiques, dans un avis également publié ce lundi.
Les femmes davantage concernées par l’allongement des carrières
Un élément de taille vient battre en brèche l’argument régulièrement avancé par l’exécutif d’une réforme plus juste vis-à-vis des femmes, dont le niveau de pension est déjà pénalisé par les inégalités salariales et des carrières souvent hachées par les congés maternités : avec la réforme, elles subiront un report moyen de leur âge de départ à la retraite de sept mois contre cinq mois pour les hommes, souligne l’étude d’impact. Cet écart à tendance à se creuser à mesure que l’on descend la pyramide des âges : un décalage moyen de huit mois pour les femmes de la génération 1980, contre quatre mois seulement pour les hommes. Ce creusement s’expliquerait du fait d’un allongement de la durée de travail qui contrebalance les avantages qu’elles peuvent tirer du dispositif « carrière longue » qui permet d’intégrer les congés maternités dans la durée de cotisation et, avec la réforme, les congés parentaux.
En revanche, elles représentent plus de la moitié (60 %) des bénéficiaires de la revalorisation de la pension minimum. Cette hausse sera également plus marquée pour les femmes que pour les hommes, entre 1 et 2,2 % de hausse selon les générations, contre 0,2 à 0,9 % chez les hommes, ce qui devrait permettre de réduire l’écart du niveau de pension homme-femme.
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Une réforme plus redistributive pour les pensionnés les plus modestes
Globalement, la réforme devrait s’accompagner d’une légère revalorisation des pensions, entre 0,3 et 1,5 % selon les générations. Mais la décote sera plus marquée pour les assurés qui partent à la retraite sans avoir effectué une carrière complète car, du fait du report de l’âge légal de départ, la durée de référence en fonction de laquelle est calculé le niveau d’abattement sera plus importante.