Le gouvernement de Sébastien Lecornu tiendra-t-il au-delà de la déclaration de politique générale du Premier ministre, mardi devant l’Assemblée nationale ? Moins de deux heures après la nomination d’une quinzaine de ministres ce dimanche soir, avec douze personnalités reconduites aux mêmes portefeuilles, le coup le plus rude est venu des Républicains. « La composition du Gouvernement ne reflète pas la rupture promise. Devant la situation politique créée par cette annonce, je convoque demain matin le comité stratégique des Républicains », a annoncé sur X Bruno Retailleau, le président des LR, pourtant lui-même renommé au ministère de l’Intérieur. « Ce n’est pas seulement la question de la place de LR dans le gouvernement qui pose problème mais les équilibres entre les forces du socle commun. Le resserrement autour de Renaissance ne nous semble pas tout à fait correspondre à l’air du temps », précise-t-on dans l’entourage du locataire de la place Beauvau.
« Les grands ministères aux macronistes, et les sous-secrétariats d’Etat aux LR »
Depuis la semaine dernière, Bruno Retailleau n’a cessé de mettre la pression sur Sébastien Lecornu, alors que l’appui de son parti a permis jusqu’ici au bloc central de contrebalancer le poids des groupes de gauche et du Rassemblement national à l’Assemblée. Réunis ce dimanche après-midi, les parlementaires LR ont décidé dans leur grande majorité de participer au prochain gouvernement, malgré les réticences exprimées par Laurent Wauquiez, le chef de file de la Droite républicaine à l’Assemblée. Puis, Bruno Retailleau s’est longuement entretenu avec Sébastien Lecornu, quittant Matignon avant qu’Emmanuel Moulin, le secrétaire général de la présidence, n’apparaisse sur le perron de l’Elysée pour égrener devant les caméras le nom des membres de la nouvelle équipe gouvernementale, comme le veut l’usage.
« Depuis cette annonce, ça se déchaîne dans les boucles de messageries LR », rapporte un parlementaire. « Quatre LR sur 18 ministres, et un seul ministre d’Etat, cela n’est pas acceptable. L’équilibre ne peut pas se faire en distribuant les grands ministères aux macronistes, et les sous-secrétariats d’Etat aux LR », tempête le sénateur LR Max Brisson, qui évince de son calcul la ministre de la Culture Rachida Dati, fraîchement réintégrée chez les LR. Comprenez : même si les nominations de ministres délégués, annoncées pour la fin de semaine, font la part belle aux LR, cela ne suffira pas à calmer la colère.
Bruno Le Maire, bête noire de la droite
« Et puis le retour de Monsieur Le Maire est inacceptable ! », ajoute Max Brisson. « La nomination de Bruno Le Maire, qui incarne à lui seul l’augmentation colossale de la dette publique ne passe pas du tout », rapporte une sénatrice. Qui ajoute : « Mais le mécontentement vient de partout, y compris, et surtout, de nos militants ! » Une autre abonde : « Le retour de Bruno Le Maire est inacceptable. Et où est donc la rupture ? »
L’ancien ministre de l’Economie, nommé aux Armées après avoir quitté le gouvernement depuis la dissolution, est devenu la bête noire des LR, son ancienne famille politique. Tenu pour beaucoup comme le principal responsable du dérapage budgétaire historique de l’année 2023, Bruno le Maire entretient des relations tendues avec les LR du Sénat. La mission d’information sur la dégradation des finances publiques ouverte par la Chambre haute a donné lieu à des échanges tendus entre l’ancien locataire de Bercy et Jean-François Husson, le rapporteur général du budget. Contacté par Public Sénat, ce dernier se refuse à tout commentaire : « Ma non-réaction en dit assez long ».
Reste à savoir jusqu’où les LR, qui ont toujours défendu une ligne de stabilité, sont prêts à faire monter les enchères pour obtenir de nouvelles concessions. « Après le comité stratégique, il y aura sans doute un bureau politique, et nous verrons bien où cela pourra aller… », résume un parlementaire. De là à quitter le gouvernement dès lundi ? « Au point où on en est », lâche une sénatrice. L’une de ses collègues abonde : « Tout est envisageable à ce stade ».