Censure du gouvernement Barnier : « Si Emmanuel Macron n’arrive pas à trouver un Premier ministre très rapidement, se posera la question de sa pérennité à l’Elysée »

Après la chute du gouvernement de Michel Barnier, le chef de l’Etat dispose d’une marge de manœuvre aussi réduite qu’au lendemain des législatives anticipées pour trouver un nouveau Premier ministre, dans la mesure où les équilibres politiques restent les mêmes à l’Assemblée nationale, observe le sondeur Stéphane Zumsteeg, invité de Public Sénat ce mercredi 4 décembre. Toutefois, l’échéance budgétaire de la fin d’année devrait pousser Emmanuel Macron à agir rapidement.
Romain David

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Et maintenant ? Le gouvernement de Michel Barnier est désormais considéré comme démissionnaire, ayant été renversé ce mercredi en début de soirée par les députés de gauche et du RN. En toute logique, la balle revient au président de la République, désormais en charge de trouver un nouveau chef de gouvernement, capable de construire des majorités et d’échapper à la censure face à une Assemblée nationale toujours aussi fragmentée. Bref, une situation identique à celle mise en place par les législatives anticipées, il y a six mois. À ceci près que le temps presse devant la nécessité de faire adopter un budget pour 2025.

« Si Emmanuel Macron n’arrive pas à trouver un Premier ministre très rapidement, se posera la question de sa pérennité à l’Elysée. S’il montre qu’il n’est pas capable assez rapidement de sortir de ce blocage, là se posera la question de son rôle », alerte au micro de Public Sénat Stéphane Zumsteeg, directeur du département Opinion à l’institut de sondage Ipsos.

« Le premier sujet c’est : est-ce qu’Emmanuel Macron est prêt à faire un pas ? »

À l’Assemblée nationale, les socialistes proposent d’entamer des discussions avec l’ensemble des groupes parlementaires, pour trouver les conditions d’une non-censure du prochain gouvernement, tout en cornérisant le RN, ce qui pourrait obliger le chef de l’Etat à chercher une personnalité dans les rangs de la gauche. « La question qui se pose est celle du projet partagé », a expliqué le député PS Arthur Delporte, devant un parterre de journalistes quelques minutes après la chute du gouvernement de Michel Barnier. « La manière dont la gauche peut accéder au gouvernement, ce sera parce qu’elle aura su s’assurer des conditions d’une non-censure. La question de l’incarnation se posera ensuite. »

« Le premier sujet c’est : est-ce qu’Emmanuel Macron est prêt à faire un pas ? La gauche est échaudée », commente Lucile Schmid, vice-présidente du think tank La Fabrique Écologique, qui rappelle que la non-nomination de Lucie Castet, la candidate proposée au poste de Premier ministre cet été par le Nouveau Front populaire, a été vécue comme « un camouflet » par la gauche.

Par ailleurs, il est difficile pour l’heure d’imaginer que les soutiens d’Emmanuel Macron et la droite puissent toper avec les socio-démocrates, toujours alliés de LFI. « Il y a un sujet sur les frictions entre LFI et le PS. LFI continue d’assumer une sorte de leadership sur le NFP, ce qui pose un problème aux socialistes car dans une période compliquée, avoir une culture de gouvernement pourrait être un atout maître », pointe Lucile Schmid. « En interne, les socialistes veulent se démettre de l’influence de LFI, mais à l’Assemblée nationale, ils se demandent comment pouvoir être réélus sans LFI s’il y a une nouvelle dissolution. »

La valse des premiers ministrables

Le chef de l’Etat pourrait continuer de miser sur l’espace central, et le bloc formé entre les macronistes et la droite. Ce qui implique de retrouver, à l’image de Michel Barnier, une personnalité susceptible de recevoir l’aval du Rassemblement national qui, fort de ses 124 députés, peut encore s’imposer en faiseur de roi. « Il faudra aller vers une écoute beaucoup plus approfondie des groupes politiques à l’Assemblée, et notamment du premier d’entre eux, celui du Rassemblement national », a averti le député RN du Loiret Thomas Ménagé au micro de LCP.

« Il y a des noms qui circulent, c’est un peu toujours les mêmes », observe la journaliste Bérangère Bonte qui évoque Sébastien Lecornu ou François Bayrou. « Il y a un nom sorti du chapeau ces dernières heures, celui de François Baroin avec les mêmes caractéristiques que François Bayrou, c’est-à-dire une forme de compatibilité ou plutôt de non-agression vis-à-vis du RN », ajoute-t-elle.

Autre personnalité dont le nom a été cité dans les médias : Bruno Retailleau, futur ex-ministre de l’Intérieur, mais qui se verrait bien rester au gouvernement : « C’est une mission qui me tient à cœur. Encore une fois tout dépend des conditions dans lesquelles le nouveau gouvernement va être nommé mais je pense que ma famille politique ne doit pas fuir ses responsabilités », a-t-il déclaré au micro de LCP ce mercredi soir, en quittant l’Assemblée nationale.

Mais les macronistes historiques, pour la plupart issus des rangs socialistes, accepteraient-ils une personnalité aussi marquée à droite comme chef de gouvernement ? « Un Bruno Retailleau Premier ministre, qui aurait besoin de trouver des majorités, ne se positionnerait pas de la même manière que le Bruno Retailleau ministre de l’Intérieur », avance Bérangère Bonte.

L’instabilité dans la durée

Dernière option, déjà évoquée l’été dernier : celle d’un gouvernement technique, en charge d’une gestion des affaires courantes, le temps que la situation politique se décante. « Un couvercle technique sur une cocotte-minute politique, ça peut marcher un temps, ça peut permettre de faire passer un budget et d’avancer, mais ça veut dire que l’on s’achemine à nouveau vers une dissolution », relève le constitutionnaliste Benjamin Morel. Qui ajoute : « Il n’est pas sûr que demain une dissolution donne une majorité absolue. Et donc, l’ingouvernabilité n’est peut-être pas un accident, mais plutôt notre avenir. »

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