Cérémonies religieuses : les sénateurs « partagés » sur une réouverture rapide

Cérémonies religieuses : les sénateurs « partagés » sur une réouverture rapide

Gérald Darmanin et Jean Castex recevaient ce lundi après-midi les représentants des religions « pour les consulter et voir les évolutions possibles dans la pratique du culte », après d’importantes manifestations de catholiques ce week-end. Selon les responsables religieux, il a été décidé d’une reprise possible à partir du 1er décembre en fonction des conditions sanitaires. Les élus du Palais du Luxembourg sont, eux, divisés sur une réouverture rapide.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

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Sous la pression de la rue, le gouvernement a enclenché le dialogue. Le ministre de l’Intérieur (et des Cultes) Gérald Darmanin recevait en urgence ce lundi après-midi, à la demande de Jean Castex, les représentants des religions « pour les consulter et voir les évolutions possibles dans la pratique du culte, compatibles avec les conditions sanitaires ». Matignon a annoncé dimanche soir que le Premier ministre, Jean Castex, se joindrait à la rencontre après un week-end émaillé par plusieurs manifestations de pratiquants. Selon les responsables religieux, il a été décidé d’une reprise possible à partir du 1er décembre en fonction des conditions sanitaires. Selon Le Figaro, un premier rapport d’étape sanitaire fin novembre et une seconde évaluation mi-décembre éclaireront la situation. Des propositions formulées par les représentants des cultes afin « d'élaborer les nouveaux protocoles sanitaires » seront « soumises la semaine prochaine au Premier ministre », a indiqué Matignon dans un communiqué.

Quelques milliers de catholiques s’étaient rassemblés dimanche dans plusieurs villes de France pour demander la levée de l’interdiction des messes en public imposée pendant le reconfinement. À l’approche de la période de l’Avent qui précède Noël, ils étaient ainsi 200 à 300 fidèles à Bordeaux, Nantes, Rennes, Nice, Marseille et Toulouse, un peu moins à Strasbourg et beaucoup plus à Versailles, où plus d’un millier de personnes ont réclamé de pouvoir assister à des offices. Vendredi soir, ils étaient des dizaines réunies devant le parvis de l’église Saint-Sulpice à Paris dans l’espoir d’obtenir une réouverture des cérémonies religieuses, avant d’entamer des prières de rue.

Tous ont réclamé le retour de « leurs » messes, contre la décision du gouvernement de suspendre les cérémonies religieuses avec un large public validée il y a une semaine par le Conseil d’État. Depuis le reconfinement, les lieux de culte peuvent rester ouverts mais les cérémonies avec public sont interdites, à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de 30 personnes.

Interrogé mercredi lors des questions au gouvernement, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a indiqué que la rencontre avec les responsables de cultes permettra de « dessiner ensemble dès maintenant les conditions dans lesquelles les cultes pourront à nouveau recevoir du public, dès lors qu’un assouplissement sera possible ». La Conférence des évêques de France avait quant à elle affirmé à l’AFP qu’elle profiterait de cet échange en visioconférence, pour présenter au gouvernement une proposition de protocole sanitaire permettant la reprise des cérémonies publiques.

La droite et le centre favorables à une réouverture

Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) s’est prononcé dimanche pour une reprise des messes, dans le respect des « conditions sanitaires », une mesure qui divise la classe politique au-delà des clivages. « On est là sur une liberté fondamentale et le gouvernement doit y être attentif », a-t-il estimé, invité de RTL-Le Figaro-LCI, appelant « au dialogue qui doit commencer demain entre les cultes et l’exécutif ». Dans ce contexte de deuxième vague du Covid-19, les messes doivent-elles reprendre ? « À la condition que les conditions sanitaires soient respectées » dans les églises, a plaidé le président du Sénat et élu Les Républicains (LR).

Début novembre, son collègue et président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, et Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée nationale, ainsi que François-Xavier Bellamy, président de la délégation française du PPE au Parlement européen, avaient déjà adressé une lettre au président de la République : « Le confinement crée une contrainte particulière pour les croyants. Parce qu’ils ont toujours depuis le début de l’épidémie fait preuve d’un grand sens civique ; parce qu’ils sont nombreux à vivre difficilement ce moment, notamment parmi les catholiques de France qui après l’attentat de Nice sont une nouvelle fois éprouvés et endeuillés ; parce que la République a fait de la liberté de culte une liberté fondamentale ; nous vous demandons de reconsidérer les décisions prises et d’accepter que soit mis en place un exercice du culte sécurisé et contrôlé », écrivaient-ils.

Le Conseil d’État a tout de même maintenu il y a une semaine l’interdiction des cérémonies religieuses avec un large public, telles que les messes dominicales. Ce que la sénatrice LR, Valérie Boyer, avait regretté sur Twitter : « Le jour de l’hommage aux catholiques assassinés par un islamiste en raison de leur foi dans la Basilique de Nice, le Conseil d’État confirme l’interdiction de célébrer la messe pour motifs sanitaires (pourtant les gestes barrières sont respectés dans les églises). Triste coïncidence. » Le président du Sénat souhaite lui aussi que la position du Conseil d’État « soit revue » car « nous arrivons en effet dans un temps important notamment pour la communauté chrétienne », l’Avent.

Gérald Darmanin a mis en garde les catholiques qui manifesteraient pour la réouverture des messes. Le ministre de l’Intérieur a affirmé qu’il n’hésitera pas à « envoyer les policiers et gendarmes verbaliser », en cas « d’acte répété » et « manifestement contraire aux lois de la République ». Gérard Larcher a jugé que ce n’est pas la bonne « réponse » à des fidèles « qui expriment leur attente ».

Du côté des alliés de la majorité sénatoriale, le sénateur du groupe Union Centriste, Loïc Hervé, fait savoir qu’il n’est pas « un grand fan » des rassemblements. « Mais je fais partie des gens qui pensent qu’il faut rétablir les cultes ». S’il estime que les rassemblements, comme ceux de ce week-end, ne sont pas « responsables », la tenue des cultes lui paraît « utile dans une période où les croyants en ont besoin dans leur quotidien ». « Je crois que le ministre en est conscient », glisse-t-il.

« La prière ne nécessite pas la messe »

Pour le président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, François Patriat (LREM), la position jusqu’ici défendue par le gouvernement est la bonne. « Je suis pour le maintien du confinement jusqu’au premier décembre ». Le sénateur de Côte d’Or juge que c’est « une position de sagesse » et que « la prière ne nécessite pas la messe ».

Chez les socialistes, le président du groupe, Patrick Kanner, ne cache pas être « partagé » sur la question. Il renvoie donc vers son collègue Jean-Pierre Sueur, qui « connaît bien les catholiques ». Le sénateur du Loiret ne partage pas « ces manifestations » et pense qu’il est normal que « les règles s’appliquent de la même manière à tous ». Que ce soit pour les « manifestations culturelles, sportives… et religieuses ». « Quelles que soient nos opinions, nous devons être tous unis pour mettre fin à ce fléau [l’épidémie de coronavirus] », insiste-t-il.

La sénatrice écologiste, Esther Benbassa, estime quant à elle qu’il faudrait que « toutes les dispositions sanitaires soient assurées » et propose, par exemple, de diviser par trois le nombre de croyants lors des cérémonies religieuses. « Que les pratiquants demandent l’ouverture des lieux de cultes, on peut le comprendre. Mais il ne faudrait pas que ces mouvements se politisent », met-elle en garde, observant qu’il « faut éviter ces prières de rue. Ce genre d’actes provocateurs n’a pas de sens. » Elle ajoute : « Essayons d’être dans la discrétion pour ne pas en faire un conflit politique. Il ne faut pas non plus que chaque corps de métier se mette à manifester pour qu’on rouvre ».

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