Dix jours après avoir lancé son plan de paix pour Gaza, Donald Trump a assuré sur Truth Social qu’Israël et le Hamas avaient validé la première étape de l’accord négocié par Washington. Une première étape vers « une paix solide, durable et éternelle », promet le président américain, tandis qu’Emmanuel Macron voit dans cet accord, « la fin de la guerre et l’ouverture d’une solution à deux Etats ». Décryptage d’un tournant aux contours encore fragiles.
Un accord inédit
Après 734 jours de guerre, plus de 66 000 morts selon les autorités gazaouies et un territoire en ruines, la perspective d’un cessez-le-feu durable semble enfin se dessiner dans l’enclave palestinienne. Pour la première fois depuis des mois, le fracas des bombes pourrait s’estomper à condition que le cœur du plan de paix, signé par le Hamas et présenté par Washington, soit respecté.
Selon les détails dévoilés par la Maison Blanche, la première phase du plan en vingt points prévoit, dans un calendrier resserré de 72 heures, le retour des otages et le retour des dépouilles des Israéliens morts en détention, une libération accompagnée d’un retrait progressif de Tsahal de Gaza ainsi que de l’arrêt total des opérations militaires, « y compris les frappes aériennes et d’artillerie ». La Maison Blanche indique s’attendre à une première libération dès lundi, les autorités israéliennes estimant qu’une vingtaine d’otages seraient encore en vie. Le texte garantit également l’entrée sans restriction de l’aide humanitaire dans l’enclave. En contrepartie du retour des otages, Israël s’engage aussi à libérer en échange environ 1 950 prisonniers palestiniens, dont 250 condamnés à perpétuité et 1 700 Gazaouis détenus depuis le 7 octobre 2023.
Mais même si cette première phase venait à être pleinement respectée, de nombreux obstacles demeurent. Pour Nimrod Goren, président de l’Institut israélien Mitvim et membre du conseil exécutif de Diplomeds, ce texte représente « une étape incontestable », mais la paix durable reste, elle, « encore lointaine ». La gouvernance de l’enclave ou la démilitarisation du Hamas constituent des points d’achoppement majeurs. Le mouvement palestinien n’a pour l’instant montré qu’une volonté limitée d’aller jusque-là, malgré la pression croissante de ses partenaires régionaux, comme le Qatar et la Turquie », poursuit-il auprès de Public Sénat.
Une analyse partagée par le Wall Street Journal, qui fait état de fortes divergences au sein du Hamas, entre les cellules actives dans l’enclave et les dirigeants installés à l’étranger. « Plusieurs commandants à Gaza redoutent de ne pas pouvoir imposer à leurs combattants un accord que certains pourraient percevoir comme une reddition », écrit le quotidien américain.
Le rôle déterminant de l’administration américaine
Triomphants, les proches du président américain ne tarissent pas d’éloges depuis mercredi soir, pour saluer ce qu’ils décrivent comme un tournant historique, le plus grand accomplissement diplomatique du début de son mandat. Donald Trump, lui, vise désormais la récompense suprême : le prix Nobel de la paix. « Le président ne mérite pas seulement le prix pour avoir mené cet accord à son terme, ils devraient rebaptiser ce foutu truc en son honneur », a lancé sur X l’un de ses soutiens, également candidat au Sénat. Benyamin Nétanyahou s’est également joint à ce concert de louanges, appelant lui aussi à « donner le prix Nobel de la paix à Donald Trump, car il le mérite ».
Pour Nimrod Goren, le rôle du président américain dans ce succès est incontestable. « Ce qui distingue ces négociations des précédentes, c’est la diplomatie de superpuissance revendiquée par Donald Trump. Il a imposé son tempo, rassemblé tous les acteurs autour d’une même table, avec la ferme intention d’arracher un résultat, coûte que coûte », analyse-t-il. Avant de poursuivre, « cette détermination a fait la différence, portée par des émissaires qui avaient carte blanche comme Steve Witkoff ou Jared Kushner, son gendre, à qui le président avait accordé une confiance totale. »
Son prédécesseur, Joe Biden, avait lui aussi engrangé des avancées diplomatiques, « notamment en empêchant à l’époque la propagation du conflit à l’échelle régionale », rappelle Nimrod Goren. Mais le démocrate « n’a jamais cherché à bousculer Benyamin Netanyahou », là où Donald Trump a choisi « d’assumer une pression plus frontale sur le chef du gouvernement israélien ».
En quelques semaines, le président républicain a multiplié les gestes d’autorité, en désavouant les colons israéliens en Cisjordanie et en exigeant de Benyamin Netanyahou qu’il présente ses excuses au Qatar après une frappe israélienne à Doha. « Aucun président, républicain ou démocrate, n’avait jusqu’ici affiché une telle fermeté à l’égard d’un allié historique, sur des questions aussi centrales pour sa politique intérieure et la sécurité de son pays », observe dans le New York Times, Aaron David Miller, du Carnegie Endowment for International Peace.
Une première étape vers la paix ?
L’accord annoncé mercredi soir a ravivé l’espoir d’une paix possible d’une relance d’un processus de paix plus large entre Palestiniens et Israéliens gelée depuis des années. Sur la scène internationale, les réactions se multiplient. Le président français Emmanuel Macron a salué « un accord majeur, porteur d’espoir pour les peuples israélien et palestinien », appelant les deux camps à « en respecter strictement les termes ». Il a ajouté que ce cessez-le-feu devait marquer « le début d’un processus politique fondé sur la solution à deux États ». Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a quant à lui salué l’accord, espérant « une solution politique durable, mettant fin à l’occupation israélienne et établissant un État palestinien indépendant sur les frontières de 1967 ».
Mais derrière l’espoir d’une relance, la prudence domine. Des responsables palestiniens, cités par le quotidien israélien Haaretz, rappellent que, malgré la signature de l’accord, « toutes les questions demeurent sur la table » et qu’une paix véritable reste encore à construire. Car si le texte marque un tournant et nourrit l’espoir d’un nouveau départ, les contours d’un règlement durable demeurent flous.
Un constat partagé par Nimrod Goren. « Avant d’espérer une paix durable, il faudra surtout un changement de cap politique : un nouveau leadership en Israël, une autre coalition, un gouvernement moins à droite. La paix reste encore hors d’atteinte, suspendue à un alignement rare de confiance et de volonté politique », souligne-t-il à Public Sénat. Un changement qui pourrait s’esquisser à l’horizon des prochaines élections législatives, prévues en octobre 2026.