« Tu ne nous respectes pas ! » Ce 22 février, Manuel Valls a entamé son déplacement en Nouvelle-Calédonie sous les huées de plusieurs centaines de militants loyalistes. Quelques heures avant, devant le Sénat coutumier, le ministre des Outre-mer avait insisté sur « le respect vis-à-vis du peuple kanak et du peuple premier » dans les négociations. Une expression qui a mis le feu aux poudres, auprès de la frange la plus radicale des non-indépendantistes. « Tu ne nous respectes pas ! Moi, on ne me traite pas de peuple second », a fustigé le député loyaliste Nicolas Metzdorf.
Deux jours plus tard, ce lundi 24 février, sa visite se poursuit sous de meilleurs auspices. Au Congrès de Nouméa, l’assemblée délibérante de l’archipel, Manuel Valls a présenté le cadre des négociations qu’il souhaite amorcer avec toutes les forces politiques en présence. Un cadre validé par tous les partis, y compris les indépendantistes du FLNKS, après des consultations ce 25 février. « Tous les partis politiques seront autour de la table, c’est la première fois en deux ans que cela arrive », souligne Georges Naturel, sénateur Les Républicains de la Nouvelle-Calédonie.
Retour du débat sur le dégel du corps électoral, dans le cadre d’un « accord global » et sans « date butoir »
Ces négociations, qui doivent débuter ce mercredi et se prolonger jeudi, doivent ainsi porter sur trois points, fixés par Manuel Valls. D’abord, les participants devront échanger au sujet du « lien de la Nouvelle-Calédonie avec la France ». « Tous les participants autour de la table devront préciser comment ils entendent l’autonomie qui doit être accordée à la Nouvelle-Calédonie », explique Georges Naturel.
Sur ce point, le ministre des Outre-mer ne semble pas vouloir revenir sur l’indépendance de l’archipel, rejetée à trois reprises par référendum. « Les Calédoniens ont voté », a souligné Manuel Valls lors d’un entretien avec Nouvelle-Calédonie La 1ère, affirmant que les trois votes « ont donné des résultats clairs quant à l’attachement à la France ».
Dans ce cadre, l’épineuse question du corps électoral devrait aussi être abordée. Le sujet avait déclenché les émeutes en mai dernier, avec l’adoption d’un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le droit de vote aux résidents de l’archipel depuis moins de dix ans. Suspendu par la dissolution, puis abandonné par Michel Barnier en octobre, le sujet revient donc sur la table avec en ligne de mire les élections provinciales prévues d’ici la fin de l’année. « Un compromis est indispensable, mais il fera partie d’un accord global », a estimé Manuel Valls, ajoutant qu’il ne souhaite pas imposer « de date butoir » sur ce volet des négociations. Une méthode qui contraste avec celle de Gérald Darmanin, chargé du dossier comme ministre de l’Intérieur jusqu’en septembre dernier, qui avait souhaité traiter le sujet dans un texte à part entière et dans un calendrier restreint.
« Cela pourrait être compliqué de tomber d’accord dans le temps imparti »
Dans le cadre de ces négociations, le ministre des Outre-mer souhaite également échanger avec les partis politiques sur la question plus large de la citoyenneté. « C’est une question primordiale : Quel projet de société voulons-nous construire ? Sur ce sujet, Manuel Valls a précisé vouloir mettre l’accent sur la jeunesse, qui manque de perspectives aujourd’hui », explique Georges Naturel.
Un programme conséquent, qui devra être abordé en deux jours seulement. « Nous prendrons le temps nécessaire, mais le temps presse », a alerté Manuel Valls, auprès de Nouvelle-Calédonie La 1ère. « Cela pourrait être compliqué de tomber d’accord dans le temps imparti », juge de son côté Georges Naturel, indiquant que le ministre s’est dit prêt à prolonger son voyage de quelques jours. « En tout cas, je suis convaincu que les discussions se poursuivront », ajoute-t-il.
Au-delà des négociations avec le Congrès prévues ces prochains jours, le programme de la visite de Manuel Valls comprend aussi un important volet économique. « Il faut un accord politique, mais aussi une relance de l’économie qui est aujourd’hui exsangue », martèle Georges Naturel. Dans un archipel encore marqué par les émeutes, le ministre a annoncé le déploiement de plusieurs aides, déjà votées dans le budget 2025. La moitié de l’emprunt d’un milliard d’euros garanti par l’Etat sera débloquée d’ici à la fin du mois de mars, 200 millions d’euros vont également être versés pour la reconstruction des équipements publics détruits.