Paris: Weekly session of questions to the government at the National Assembly
Jacques Witt/SIPA

« C’est la survie de notre famille qui se joue » : l’union des droites avec le RN travaille les LR

Alors que Nicolas Sarkozy n’appellera pas au front républicain et que Bruno Retailleau défend l’union des droites « par les urnes », la question d’un possible rapprochement des LR avec le RN divise encore. La ligne reste au rejet de tout accord d’appareils, plusieurs parlementaires craignant pour « la survie » des LR en cas de fusion-absorption avec le RN. Mais certains sont prêts à se laisser tenter.
François Vignal

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Le sujet revient sur le haut de la pile, plus ou moins régulièrement. Celui de l’union des droites, à savoir l’union de la droite républicaine, représentée par les LR, avec l’extrême droite, en l’occurrence le RN et aujourd’hui Reconquête. Ce sont des propos, ou plutôt des écrits de l’ancien chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, qui rallument la mèche.

Dans son livre « Le Journal d’un prisonnier » (Ed. Fayard), à paraître le 10 décembre, Nicolas Sarkozy livre son expérience de la prison. Mais il parle aussi politique. On apprend que lors d’un échange téléphonique avec Marine Le Pen, qui lui a exprimé son soutien lors de sa condamnation, il a clairement exclu tout front républicain à l’avenir. « Et de surcroît je l’assumerai en prenant le moment venu une position publique sur le sujet », précise l’ex-Président. Mais il parle aussi stratégie politique, dans un autre passage, qui fait tout autant, voire plus, réagir. « Le chemin de la reconstruction de la droite ne pourra passer que par l’esprit de rassemblement le plus large possible, sans exclusive et sans anathème », affirme Nicolas Sarkozy, alors qu’il avait appelé à voter Emmanuel Macron en 2017 et 2022. De là à y voir un appel à l’union des droites, dans une forme de volte-face, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi.

« Nicolas Sarkozy a toujours dit qu’il fallait parler aux électeurs du RN, mais absolument pas s’allier au parti », dément l’entourage de l’ex-chef de l’Etat

Contacté par publicsenat.fr ce lundi, l’entourage de l’ex-Président dément pourtant toute volonté de briser ce qui reste un tabou, pour certains, à droite. « Nicolas Sarkozy a toujours dit qu’il fallait parler aux électeurs du RN, mais absolument pas s’allier au parti », soutient l’entourage de l’ex-chef de l’Etat, pointant « un emballement totalement disproportionné » (voir notre article sur le sujet pour plus de détails). Par rassemblement, il fallait comprendre celui qu’il avait défendu en 2007. « Il prône le rassemblement, comme il l’a toujours fait, à l’époque de Christine Boutin à Eric Besson, en passant par Philippe de Villiers et Luc Chatel », rappelle toujours l’entourage, qui souligne qu’« avec lui, le RN était totalement asphyxié. En 2007 et 2012, ce sont les seules élections présidentielles où le RN n’est pas au deuxième tour ».

Un parlementaire LR, qui l’a rencontré quelques jours avant son incarcération, confie avoir justement « parlé notamment de l’union des droites » avec Nicolas Sarkozy. Mais cet élu confirme qu’« il n’était pas du tout sur l’idée de l’union des droites ». Evoquant l’hypothèse d’une dissolution, avec une majorité relative RN, l’ex-chef de l’Etat lui aurait répondu qu’« évidemment, nous ne participerons pas. Mais au cas par cas, nous pourrons voter des textes », selon ce parlementaire LR. Soit l’attitude des LR depuis un moment vis-à-vis d’Emmanuel Macron, comme lors du texte sur l’immigration. Sauf qu’ici, les réformes viendraient du RN, une différence de taille.

Si l’entourage dément aujourd’hui, beaucoup ont vu dans les propos de l’ex-chef de l’Etat un appel à l’union des droites. Appelé à réagir avant cette mise au point, le président des LR, Bruno Retailleau, a estimé sur BFMTV que l’ex-chef de l’Etat avait « raison quand il dit qu’il faut se rassembler et s’élargir, sans anathème ». Mais le sénateur ne croit « pas en l’union des droites », « cette tambouille d’appareils » qui est « vaine ». Il assume en revanche de s’« adresser aux électeurs du RN, pour que l’union des droites se fasse par le terrain, par les urnes ». Le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a quant à lui assuré que son « combat » tenait toujours « contre les extrêmes », que ce soit « LFI » ou le « Rassemblement national ». « L’union des droites, non, c’est l’union de la droite avec l’extrême droite », a-t-il insisté.

« Ça n’a pas de sens l’union des droites », soutient Sophie Primas

« Ça travaille plus les journalistes que la droite », balaye de son côté le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse, pour qui « il n’y a pas à refaire le débat vingt fois. Il y a eu une élection du président des LR », « qui a abouti à dire que la ligne défendue par Bruno Retailleau, qui est la même qu’il y a plusieurs mois et qui était déjà la ligne défendue par Nicolas Sarkozy, prédomine ». Il ajoute : « On ne fait pas l’union des droites. C’est Monsieur Ciotti qui fait ça ».

L’ancienne porte-parole du gouvernement, la sénatrice LR Sophie Primas, soutient aussi la ligne défendue par son chef de parti. « On doit faire adhérer les gens par l’intention et l’action, plutôt que par l’union des partis, qui n’aurait aucun sens. Si on se pose des questions communes, on n’a pas la même réponse. On a des différences programmatiques très fortes. Et ça ne peut pas passer par l’union des droites. Ça n’a pas de sens l’union des droites », soutient Sophie Primas.

« Sur énormément de domaines, sur les problématiques économiques, le RN est de gauche »

« Le vrai problème, c’est qu’on ne peut s’allier qu’à des gens qui partagent des valeurs, des combats politiques. Or sur énormément de domaines, sur les problématiques économiques, le RN est de gauche. Sur la fiscalité, les députés RN ont voté les trois quarts des hausses d’impôts proposées par le PS et LFI. Sur les retraites, le RN souhaite revenir à 62 ans, officiellement, comme la gauche », pointe Olivier Paccaud, sénateur LR de l’Oise. « Moi, je ne me rallie pas au PS » lance-t-il, avant d’ajouter :

 Il y a une problématique plus philosophique : entre le RN et nous, il y a la croix de Lorraine.  

Olivier Paccaud, sénateur LR de l'Oise.

« Après, je ne vais pas être aveugle. Je sais que notre électorat ne rêve que d’une chose, c’est de sortir les macronistes et la gauche du pouvoir. Donc ils sont prêts à tout pour cela, et même à s’aveugler », reconnaît Olivier Paccaud.

Mais chez les LR, quelques membres s’éloignent de la ligne officielle et prônent l’union des droites. Certains s’y sont convertis récemment, comme Laurent Wauquiez, qui défend maintenant une primaire incluant Sarah Knafo, soit Reconquête. Ce qui revient de fait à accepter l’union des droites.

« Il n’y a pas d’autre solution que de rassembler toutes les droites », soutient le sénateur LR Etienne Blanc

D’autres de longue date, à l’image du sénateur LR du Rhône, Etienne Blanc. « Pour moi, c’est une évidence. C’est dommage de s’en apercevoir aussi tard », dit-il au sujet de Nicolas Sarkozy, avant le démenti de son entourage. « Il n’y a pas d’autre solution que de rassembler toutes les droites », insiste-t-il, estimant que « le terme d’extrême droite ne veut plus rien dire ».

Mais Etienne Blanc ne défend pas non plus « une alliance d’appareils entre LR, RN et Reconquête ». « Je pense que la solution, c’est une alliance programmatique, qui n’interdit pas la discussion avec les personnes », avance le sénateur LR. « Les alliances d’appareil ne marchent jamais. François Mitterrand l’avait compris, quand il lance le programme commun », soutient l’élu du Rhône, qui ajoute : « Il faut que sans délais, que des responsables politiques expérimentés se mettent d’accord sur un programme électorat puissant. Il faut faire ce qu’a fait Mitterrand et discuter sur un programme commun de la droite ».

En cas de dissolution, « certains députés seraient tentés d’aller vers le RN »

On le voit, le sujet travaille la droite. Notamment certains élus locaux, comme à Bourg-en-Bresse, où l’union des droites se fait pour les municipales derrière un candidat zemmouriste, ou certains députés LR, élus de circonscriptions où la pression du RN est forte. L’union des droites viendra-t-elle de la base ? « Imaginons une dissolution et des législatives qui seraient particulièrement nuisibles pour notre famille. Certains seraient tentés d’aller vers le RN », confirme sous couvert d’anonymat un sénateur LR, qui alerte : « Mais le jour où on va vers le RN, il n’y a plus d’alternative, si ce n’est la gauche ». « Si on s’allie au RN, on n’aurait plus aucune raison d’être et d’incarner l’alternative. Dans ce cas, c’est peut-être la survie de notre famille qui se joue, c’est possible », met en garde le même.

Un autre sénateur « voit deux dangers avec l’union des droites : celui d’être complètement absorbés. Mais il faut rappeler que Marine Le Pen n’en veut pas. Mais peut-être que Jordan Bardella sera plus enclin. Et par ailleurs, ça finirait de faire partir ceux qui n’ont pas envie de ça. Ça affaiblirait encore notre parti ». Au final, ce parlementaire LR pense également que « ça poserait la question de l’existence même de notre parti ».

« Les électeurs le demandent depuis des années, il n’y a que les cadres qui ne veulent pas l’entendre »

« Il y a un risque qu’un petit courant s’en aille. Mais ce ne sera pas très important », minimise Etienne Blanc. Pour lui, c’est ne rien faire qui met en péril la droite. « Ce qui est dommage, c’est que les LR restent immobiles. On perd régulièrement les élections. Je suis assez inquiet pour les municipales », avance le sénateur du Rhône, qui ajoute que « les électeurs le demandent depuis des années, il n’y a que les cadres qui ne veulent pas l’entendre ». Si un tel rapprochement arrivait, la scission ou les départs seraient très probables. Mais entre ceux, assez nombreux, qui ont suivi Emmanuel Macron en 2017, puis l’aventure Ciotti, les troupes ne sont plus non plus légion. C’est tout le problème des LR, qui ne peuvent plus se permettre de s’affaiblir encore, au risque d’être voués à disparaître.

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