CETA : « L’année dernière, les Français ont consommé 250 fois plus de Doliprane que de bœuf canadien », tente de rassurer l’ambassadrice du Canada en France
Auditionnée au Sénat le 5 février dernier, l’ambassadrice du Canada en France, Isabelle Hudon, n’était pas à court d’arguments pour convaincre les sénateurs du bien-fondé du Ceta. Et pour rassurer sur l’importation de bœuf canadien, elle a brandi un comprimé de Doliprane.

CETA : « L’année dernière, les Français ont consommé 250 fois plus de Doliprane que de bœuf canadien », tente de rassurer l’ambassadrice du Canada en France

Auditionnée au Sénat le 5 février dernier, l’ambassadrice du Canada en France, Isabelle Hudon, n’était pas à court d’arguments pour convaincre les sénateurs du bien-fondé du Ceta. Et pour rassurer sur l’importation de bœuf canadien, elle a brandi un comprimé de Doliprane.
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Par Alice Bardo

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« L’année dernière, les Français ont consommé 250 fois plus de Doliprane que de bœuf canadien ! ». C’est par cette analogie, un comprimé de paracétamol entre les doigts, que l’ambassadrice du Canada en France a tenté de mettre fin au « mythe de l’envahissement canadien » qu’elle a maintes fois déploré lors de son audition au Sénat, le 5 février dernier.  Et d’ajouter, chiffres à l’appui : « Chaque Français a consommé en moyenne 0,2g de bœuf canadien au cours de la dernière année, soit le cinquième d’un Doliprane » a-t-elle relativisé.

Car l’un des effets tant redoutés du CETA, c’est bien l’importation de viande bovine canadienne en France : au pays à la feuille d’érable, l’usage des antibiotiques pour traiter le bétail n’est pas interdit, et recourir aux farines animales (produites à partir de restes d’animaux) pour nourrir les bêtes est autorisé, contrairement au sein de l’Union européenne. Or le Ceta reste muet à ce sujet.

 « Les agriculteurs canadiens méritent notre respect »

« La presse nationale, la presse locale, et les citoyens qui vous interpellent, parlent de non-respect des normes [sanitaires et environnementales] », se désole l’ambassadrice face aux sénateurs. Une méfiance qui confine au « Canada bashing », contre lequel s’est insurgée l’ambassadrice : « Les agriculteurs canadiens méritent notre respect. Ils font face aux mêmes pressions que les autres : des normes toujours plus strictes et des exigences des consommateurs toujours plus élevées ! »

 « Les agriculteurs canadiens méritent notre respect ! » (Isabelle Hudon)
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« La défiance à l’encontre du Ceta n’a rien à voir avec le Canada »

Côté sénateurs, on s’est appliqué à arrondir les angles : « La défiance à l’encontre du Ceta est aussi le symptôme de grandes difficultés qui n’ont rien à voir avec le Canada. La relation franco-canadienne n’est absolument pas en cause » a assuré Christian Cambon, président de la commission des Affaires étrangères. La présidente de la commission des Affaires économiques, Sophie Primas (LR), a quant à elle ménagé la chèvre et le chou : si elle dit n’avoir « aucun doute sur la qualité alimentaire des produits canadiens », elle relève que « le sentiment général est que les contrôles sur les importations des denrées alimentaires sont insuffisants et n’assurent pas une équivalence des normes de production des produits alimentaires. »

Mais Isabelle Hudon a plus d’un argument dans sa poche pour convaincre du bien-fondé du traité de libre-échange, en vigueur provisoirement depuis le 21 septembre 2017 et qui prévoit notamment une réduction des droits de douane entre l'Union européenne et le Canada, pour favoriser les échanges.

« Le Ceta ouvre au Canada un marché limité pour la viande bovine »

Des échanges qui seront particulièrement favorables pour les Européens, assure l’ambassadrice : « Le Ceta ouvre au Canada un marché limité pour la viande bovine. Le quota total ouvert par le Ceta équivaut à moins de 1% de toute la consommation européenne de bœuf, alors qu’il n'y a aucune limite à la quantité de viande européenne et française pouvant être exportée vers le Canada. » Et de renchérir, là encore chiffres à l’appui : « Si l’année dernière la viande de 70 vaches canadiennes a été exportée en France, c’est la viande de 450 vaches françaises qui a été exportée vers le Canada. »

« Même avec du Doliprane j’aurais du mal à voter le Ceta »

Pas suffisant pour convaincre à gauche : « On ne va pas acheter notre steak au Canada alors qu’ici des agriculteurs n’arrivent pas à vendre (…) Même avec du Doliprane j’aurais du mal à voter le Ceta. », lui a répondu Martial Bourquin, sénateur socialiste, qui a tout de même ajouté que « si le Ceta venait à tomber, l’amitié avec la France continuera ».

Côté communiste, Fabien Gay confirme qu’actuellement seulement 38 fermes canadiennes sont homologuées pour exporter mais accuse l’ambassadrice de « ne pas tout dire » : « Les filières sans OGM n’existaient pas il y deux ans et il faut cinq ans pour être homologué, donc les fermes qui vont l’être vont augmenter. »

« Même avec du Doliprane j’aurais du mal à voter le Ceta. » (Martial Bourquin)
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« Après le plombier polonais, on nous rebat les oreilles du bœuf canadien ! »

D’autres sénateurs, à l’instar du centriste Olivier Cadic, regrettent « que le débat sur Ceta soit monopolisé par la filière de l’élevage comme si notre économie devait se résumer à têtes de bétails » : « Après le plombier polonais, on nous rebat les oreilles du bœuf canadien ! »

Pour l’instant, le Ceta n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour du Sénat alors qu’il a été approuvé par l’Assemblée nationale le 23 juillet dernier. Pour rappel, l'application totale de l'accord ne sera possible qu'après sa ratification par les parlements nationaux et régionaux des Etats membres de l’Union européenne.

En attendant, l’ambassadrice du Canada en France espère que « les faits l’emportent sur les contre-vérités, la raison sur la désinformation, la réalité du Canada sur les fantasmes sanitaires et environnementaux ». Faute de quoi, il lui faudra peut-être à nouveau un comprimé de Doliprane.

 

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