« Il y a clairement une rupture, de la part de presque tous les députés socialistes, vis-à-vis du programme du Nouveau Front populaire », juge la députée insoumise Aurélie Trouvé, sur le plateau de Parlement Hebdo. Après le rejet des motions de censure déposées par le groupe dans le cadre du vote budget à l’Assemblée nationale, la tension entre La France insoumise et le Parti socialiste monte encore d’un cran.
« Ce budget ne satisfait personne », constate Olivier Cadic
« Tous ceux qui n’ont pas voté la motion de censure sont responsables d’un budget de souffrance », dénonce la présidente de la commission des affaires économiques de l’Assemblée. « C’est la plus forte austérité budgétaire connue en France depuis 25 ans, concrètement elle va reposer essentiellement sur ceux qui ont déjà du mal à boucler leurs fins de mois », ajoute-t-elle.
« Ce budget ne satisfait personne », abonde le sénateur centriste Olivier Cadic, face à la députée, « parce que pour que ce budget soit voté il a fallu en passer par des oukases des socialistes ». Parmi les points noirs du projet de loi de finances, définitivement adopté après le vote du Sénat le 6 février, Olivier Cadic dénonce notamment « les surtaxes imposées aux entreprises, qui vont faire souffrir potentiellement toute l’économie, parce qu’on va perdre en compétitivité ».
Le sénateur centriste dit toutefois « accepter » les divergences de position avec ses collègues socialistes. Ce 5 février, le chef de file de son groupe au Sénat, Hervé Marseille, appelait même à la conclusion d’un « contrat de plusieurs mois » entre le PS et le socle commun, pour permettre l’adoption de certains textes après le budget. « On peut soutenir un gouvernement sans y participer, parce qu’on n’est pas à l’aise par rapport à certaines orientations », explique Olivier Cadic.
Motion de censure « spontanée » des socialistes : « Elle ne sert à rien », dénonce Aurélie Trouvé
C’est d’ailleurs en raison de ces désaccords persistants avec le Premier ministre, notamment après son utilisation de l’expression « submersion » migratoire sur le plateau de LCI à la fin du mois de janvier, que le Parti socialiste entend déposer sa propre motion de censure « spontanée ». « On la votera certainement », affirme Aurélie Trouvé, « mais le problème c’est que cette motion de censure ne sert à rien, parce qu’on sait très bien qu’elle ne sera pas majoritaire et ne pourra pas renverser le gouvernement ». En condamnant les propos de François Bayrou sur l’immigration, les socialistes risquent en effet d’éloigner les votes du Rassemblement national.
Avant celle déposée par les socialistes, il reste encore une troisième motion de censure, déposée par les insoumis après le recours de l’exécutif au 49.3 sur la seconde partie du budget de la Sécurité sociale. Ce nouveau vote crucial pour la survie du gouvernement Bayrou devrait avoir lieu lundi 10 février. « C’est cette motion de censure qui sera décisive, donc charge à l’ensemble des socialistes de la voter », prévient Aurélie Trouvé.
Les votes du PS lundi prochain seront donc particulièrement scrutés, dans un contexte de tension avec les insoumis qui menace de fracturer durablement le Nouveau Front populaire. Quelques heures après l’échec des motions de censure du 5 février, La France insoumise diffusait un visuel mettant sur le même plan Olivier Faure et Marine Le Pen, dénonçant de « nouvelles alliances ». L’image, supprimée quelques minutes après sa publication, a fait grand bruit. « C’est une erreur », défend Aurélie Trouvé. « Le fait d’avoir laissé ce gouvernement agir en refusant de voter la motion de censure, ce qui est le cas de la plupart des socialistes, cela va offrir un boulevard à ce gouvernement pour aller petit à petit vers les idées de l’extrême droite et du Rassemblement national », analyse tout de même la députée.