Chantiers de l’Atlantique : les sénateurs demandent maintenant de « construire un projet concerté »
Le Sénat appelait depuis plusieurs semaines le gouvernement à abandonner ce projet de rachat « contraire à l’intérêt économique et souverain du pays ». Vœu exaucé.

Chantiers de l’Atlantique : les sénateurs demandent maintenant de « construire un projet concerté »

Le Sénat appelait depuis plusieurs semaines le gouvernement à abandonner ce projet de rachat « contraire à l’intérêt économique et souverain du pays ». Vœu exaucé.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Les sénateurs crient victoire. Droite comme gauche s’opposaient de longue date au rachat – qui « s’enlisait » - des Chantiers de l’Atlantique (Saint-Nazaire) par le groupe italien Fincantieri. La nouvelle est tombée mercredi soir : les gouvernements italiens et français ont annoncé l’abandon d’un commun accord du projet de rachat en pointant les incertitudes engendrées par la crise sanitaire du covid-19.

En 2017, la faillite du groupe coréen STX, alors actionnaire majoritaire des Chantiers de l’Atlantique avait conduit l’Etat à opérer une renationalisation temporaire de ce fleuron de l’industrie navale. Par l’achat de 80 millions d’euros des titres de STX, l’Etat devenait actionnaire majoritaire avec 84 % du capital. Depuis, la seule offre de reprise arrivée sur la table du gouvernement était celle du géant italien de la construction navale, Fincantieri.

« Une bonne nouvelle »

Si la renationalisation des Chantiers avait été saluée au Sénat, beaucoup s’inquiétaient de la prise de contrôle par le groupe italien. L’abandon du projet de rachat est donc accueilli comme un soulagement. « C’est une bonne nouvelle », applaudit Sophie Primas, présidente LR de la commission des Affaires économiques et auteure d’un rapport en octobre dernier sur le projet de cession des Chantiers de l’Atlantique. Yannick Vaugrenard, sénateur PS de Loire-Atlantique acquiesce : « L’abandon du projet de rachat des Chantiers de l’Atlantique par Fincantieri est une nouvelle dont nous ne pouvons que nous réjouir ! ».

« Dans notre rapport, on s’inquiétait d’une possibilité de transfert de technologies chez les Chinois, d’un affaiblissement des relations avec les sous-traitants français, et de la main mise sur les actifs physiques de Saint-Nazaire et sur l’actif intellectuel des Chantiers de l’Atlantique », explique la sénatrice des Yvelines. Bref, une fuite « des savoir-faire uniques aux Chantiers ». Et pour cause, le groupe Fincantieri avait effectivement créé avec China State Shipbuilding Corporation (CSSC) une coentreprise de production de paquebots en Chine, en acceptant au passage un transfert de technologies. « Il y avait un grand danger de voir toute la technologie s’envoler en Chine », abonde Yannick Vaugrenard.

Ce qu’a aussi dénoncé le président du groupe LR au Sénat et ancien président de la région Pays de la Loire, Bruno Retailleau. « Cela fait 4 ans que je me suis opposé à la vente à Fincantieri qui avait des accords avec les Chinois, qui auraient capté notre technologie. Et à l’époque, j’avais en face de moi Monsieur Macron, Monsieur Le Maire, qui trouvaient très bien qu’on puisse vendre à Fincantieri avec ces accords chinois », a tancé le sénateur de la Vendée ce jeudi matin sur RTL. En outre, Sophie Primas et Bruno Retailleau ont souligné dans un communiqué commun que « cette vente des parts de l’État français à un groupe italien faisait peser un risque majeur sur le maintien des emplois à Saint-Nazaire, sur le maillage des entreprises françaises sous-traitantes et naturellement sur la souveraineté de notre pays dans un domaine aussi vital que les technologies navales d’avenir ». D’autant que la santé financière des Chantiers est bonne, les carnets de commandes étant remplis jusqu’en 2025.

Un autre repreneur ? « On a le temps », répond le Sénat

Dans son rapport présenté en octobre, la commission des Affaires économiques du Sénat présentait plusieurs propositions à l’attention du gouvernement. Comme une implication plus importante de « l’écosystème économique local », en développant ce que les parlementaires nomment un « capitalisme territorial ». Sophie Primas développe : « On a désormais le temps de se poser très sérieusement, on peut faire un projet européen, réfléchir à un capitalisme territorial avec une prise de participation de la région, et travailler avec des repreneurs de la construction industrielle ». Pour l’heure, il n’y a pas d’offre « aboutie » mais des « manifestations d’intérêts ». « Il y a matière à faire un tour de table avec des intérêts locaux, nationaux, européens et industriels », estime Sophie Primas pour qui « l’intérêt industriel » doit être privilégié. Dans un communiqué, la commission des Affaires économiques précise que « les collectivités territoriales seront un partenaire indispensable des Chantiers et du gouvernement dans la mise en œuvre de tout projet alternatif : en tant qu’incarnation du territoire, d’abord ; comme partenaires, ensuite ; et peut-être même comme actionnaires, dans un esprit de « capitalisme territorial ».

« Pour l’instant les intérêts et les négociations se font de manière discrète », confie Yannick Vaugrenard. « Il y a un investisseur privé français qui se montre intéressé, mais il faut vérifier qu’il ne soit pas intéressé que par la culbute financière éventuelle », tempère-t-il. En attendant, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire a réuni mercredi soir les élus locaux pour un échange en visioconférence. « Il a suggéré qu’un groupe de travail des élus se constitue pour rencontrer régulièrement le ministère des finances. Dès la semaine prochaine le groupe commencera à travailler en visioconférence », assure Yannick Vaugrenard qui a également suggéré au ministre que l’Etat conserve une participation minoritaire dans les Chantiers. Réponse du ministre : « On verra ça quand il y aura des négociations ».

Partager cet article

Dans la même thématique

Vote results displayed after no-confidence motion against French Prime Minister
4min

Politique

Rejet de la motion de censure LFI : découvrez les détails du vote

La motion de censure de La France Insoumise, examinée ce matin par les députés, a été rejetée. 271 voix ont été récoltées contre les 289 nécessaires. Sept élus socialistes lui ont apporté leur vote. Celle déposée par le RN a également échoué avec 144 voix pour.

Le

Déclaration de politique générale et avenir de la Nouvelle Calédonie en séance au Sénat ce 15 octobre
3min

Politique

Nouvelle-Calédonie : le Sénat vote le report des élections provinciales

Le Sénat a approuvé mercredi, dans l’urgence, le report au printemps 2026 des élections provinciales prévues en Nouvelle-Calédonie en novembre. Il s’agit de la première étape à la mise en place du fragile accord de Bougival sur l’avenir institutionnel de l’archipel.

Le

Chantiers de l’Atlantique : les sénateurs demandent maintenant de « construire un projet concerté »
3min

Politique

La position des socialistes vis-à-vis du gouvernement « a empêché notre nomination » à Matignon, estime Marine Tondelier

Après la suspension de la réforme des retraites annoncée par Sébastien Lecornu, les socialistes ont décidé de renoncer à voter la censure pour laisser place au « pari » du débat parlementaire. « Je pense qu'ils étaient tellement prêts à faire ça (...) que ça a empêché notre nomination » à Matignon, explique sur Public Sénat ce jeudi 16 octobre Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes.

Le

Chantiers de l’Atlantique : les sénateurs demandent maintenant de « construire un projet concerté »
4min

Politique

Réforme des retraites : « La suspension est un leurre, elle sera retoquée en commision mixte paritaire », avertit Cécile Cukierman (PCF)

Au Sénat, la droite et une partie de la gauche tombent d’accord sur une chose : la procédure parlementaire permettra à la droite et le centre d’enterrer la suspension de la réforme des retraites. Un fait qui inspire de la sérénité à Claude Malhuret (Horizon) sur la possibilité de réécrire la copie de Sébastien Lecornu, et pousse au contraire Cécile Cukierman (PCF) à enjoindre les députés de gauche à le prendre en compte dans leur vote de la censure ce jeudi.

Le