Une situation économique préoccupante
Pour Chantilly, six mois sans visiteurs, c’est six mois sans rentrée d’argent. Le domaine princier ne peut en effet compter que sur ses ressources propres (recettes de billetterie, boutiques, privatisation d’espaces) pour fonctionner. Or, après deux confinements, ses responsables décrivent une situation financière catastrophique. « On accuse 5 millions d’euros de pertes sur l’année 2020. Après le premier confinement, fin mai, on a été parmi les premiers à rouvrir. Mais on a ensuite été contraints de refermer à cause de la situation sanitaire » se désole Christophe Tardieu, vice-président du Domaine.
Si le château est fermé au public, les dépenses, elles, continuent. Il faut payer les salaires des 130 employés du site, et entretenir les jardins. Il faut aussi choyer la vingtaine de chevaux qui, d’habitude, dans le cadre majestueux des Grandes Écuries, se cabrent sous le regard complice des visiteurs. « Chantilly est aujourd’hui en péril car le château dépend directement de l’Institut de France et non de l’État. Contrairement au musée du Louvre, et aux châteaux de Versailles et de Chambord, on ne bénéficie pas du plan d’aides mis en place par le gouvernement » peste Christophe Tardieu. La faute notamment au statut juridique particulier du château de Chantilly, ancienne propriété du duc d’Aumale légué, à la fin du XIXe siècle, à l’Institut de France.
Peu de perspectives à l’horizon
« L’équilibre financier du château n’a certes jamais été atteint, note le sénateur de l’Oise Jérôme Bascher (LR). Mais aujourd’hui la situation est préoccupante. Le problème, c’est que tant que les gens ne pourront pas se déplacer normalement, l’activité du château restera pénalisée. Ce qui rapporte, c’est la commercialisation des espaces et l’événementiel, pas tellement la visite du musée ». De fait, la privatisation des espaces du château représente une manne importante (environ 1/5 du budget annuel). Sur ce plan, 2020 a été une année presque blanche. Et les perspectives ne sont pas réjouissantes.
Une réouverture du château le 7 janvier ? « Sanitairement, ce n’est pas jouable », considère Jérôme Bascher (LR). « Même si les musées devaient rouvrir, il faudra encore attendre longtemps avant de voir revenir nos visiteurs habituels », poursuit Christophe Tardieu, qui ne table pas sur une reprise de l’activité avant le second semestre. Alors, que faire ? « Le château de Chantilly est la porte d’entrée des Hauts-de-France. C’est la porte majestueuse. C’est un monument qui s’inscrit dans notre patrimoine, et qui dépasse de loin l’aspect strictement local. Il revêt une dimension nationale », estime la sénatrice Laurence Rossignol (PS). Si les collectivités se disent prêtes à donner un coup de main, elles n’abondent le budget du domaine qu’en matière d’investissement. Or, sans réouverture rapide, le château risque d’être rapidement à court de trésorerie.
Un appel à l’aide
Pour les élus, c’est à l’État de venir au chevet du Château. Laurence Rossignol (PS) demande un audit de la situation. « L’État doit prendre l’initiative de convoquer une table ronde avec les acteurs du département. Il faut identifier l’ampleur du problème ». Le sénateur Jérôme Bascher (LR) va plus loin, et considère que le gouvernement doit mettre la main à la poche. « Le ministère de la Culture a obtenu beaucoup d’argent dans le cadre du plan d’urgence sanitaire et du plan de relance. Il faut que Roselyne Bachelot s’intéresse à Chantilly ! Puisque le domaine est dans l’incapacité de travailler à cause d’une décision administrative, c’est au gouvernement d’éponger les déficits ».
Le vice-président du Domaine, Christophe Tardieu va aussi dans ce sens. « Compte tenu de la qualité de nos collections et de la place particulière qu’occupe Chantilly dans l’histoire de France, nous demandons de l’aide au gouvernement. Il faut qu’on puisse bénéficier du plan de relance qui a été généreux envers tous les autres établissements ». En attendant un éventuel geste de la part de l’exécutif, le Domaine a lancé une cagnotte en ligne. Comme d’autres sites en France, Chantilly compte sur la générosité des amoureux du patrimoine pour tenter de garder la tête hors de l’eau. Mais pour l’heure, le compte n’y est pas.