Toute sa vie, le général de Gaulle a servi la France. Lieutenant puis Capitaine durant la Grande Guerre, théoricien militaire, puis ministre durant l’entre-deux-guerres, Chef de la France Libre, Président de la République… Charles de Gaulle a marqué le vingtième siècle de son empreinte, en tant qu’homme de guerre et homme d’État. Comment, dès lors, ne pas être écrasé par son personnage public ? C’est la grande difficulté qu’a rencontrée le Général lorsqu’en 1969, il quitta le pouvoir : « Quand il visitait des monuments, allait au restaurant, il se faisait inviter, alors que lui exigeait de pouvoir payer ses dépenses. Cela montre un De Gaulle qui lutte pour redevenir un personnage privé. Pour le monde entier, il est le général de Gaulle, et il butera toujours sur cette contradiction » explique l’historien Yannick Dehée.
« Un homme malheureux »
D’autant plus qu’au lendemain de sa défaite au référendum en 1969, De Gaulle « est un homme brisé par les conditions de son départ, plein de tristesse, d’abattement, et de colère » comme le souligne le journaliste Gérard Bardy. « Une défaite en politique, quelle qu’elle soit, est du ressort de la rupture amoureuse. Pour le maire d’une petite commune comme pour un président de la République, perdre, c’est comme entendre un « je ne t’aime plus ». Donc pour quelqu’un qui, comme De Gaulle, est déjà dans les livres d’histoire au moment de son retrait de la vie publique, on imagine la violence de cette rupture qui lui est imposée » explique Béatrice Houchard, journaliste. Des propos auxquels Jean-Marie Rouart, académicien, apporte une certaine nuance, en pointant du doigt, peut-être, le trait de caractère le plus essentiel de l'homme De Gaulle : « Toute sa vie, il a eu de la rancœur et de l’insatisfaction. Mais c’est consubstantiel avec son ambition qui est complètement folle. C’est un homme malheureux, parce que ça fait partie de cette ambition colossale ».
Le Grand Charles, un éternel insatisfait qui ne trouvait la paix qu’auprès de sa famille, ou de ses familles. « Le général de Gaulle a toujours vénéré la famille. C’est quelqu’un qui se repliait assez naturellement sur la sienne » note Gérard Bardy. Yannick Dehée abonde en ce sens, en soulignant l’importance « du couple extrêmement solide, qu’il formait avec Yvonne, quelqu’un qui a beaucoup subi et qui a toujours été d’une solidité indéfectible ». Le premier cercle, bien sûr, mais aussi son autre « famille », les « Compagnons de la Libération », avec qui il a continué de s’entretenir, jusqu’à sa mort : « A l’église à Colombey, au moment de ses obsèques, aucun officiel ne fut admis — comme il l’avait demandé par testament, mais les Compagnons de la Libération furent conviés à la cérémonie » note Gérard Bardy. Une thèse là encore nuancée par Jean-Marie Rouart, qui souligne que, lorsqu’il a dû choisir entre sa famille et la France, De Gaulle a choisi la France : « Quand il quitte le pays, madame De Gaulle, il ne s’en occupe pas. La priorité, c’est la France ».
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