Lors du dernier forum économique à Davos, le président américain Donald Trump s’est quelque peu plaint des politiques commerciales de plusieurs pays.
Il n'y précise pas quels pays… Mais durant une interview à la chaîne anglaise ITV peu après, il pointe clairement du doigt l’Union européenne, arguant qu’il est très difficile d’y exporter ses produits, à cause selon lui des taxations, et que donc l'UE est "très injuste" envers les États-Unis. Les chiffres vont-ils en faveur de l'affirmation du président américain, ou s'est-il quelque peu emporté ?
Des partenaires commerciaux indispensables
Prenons un peu de hauteur et analysons le commerce au niveau mondial. Les trois grandes puissances économiques sont la Chine, les États-Unis et l’Union européenne : à eux seuls, ils représentent près de 45% des échanges commerciaux internationaux, ces dernières années.
Les États-Unis sont donc un partenaire commercial important pour l’Union européenne, et vice-versa : en 2016, les États-Unis étaient le premier partenaire commercial de l’UE, cette dernière se plaçant en quatrième position du côté américain, derrière notamment le Canada et le Mexique.
Check Point - La politique commerciale de l'UE est-elle injuste envers les États-Unis ?
Mais un certain déséquilibre pourrait être reproché à l’Europe, compte tenu de la balance commerciale entre les deux parties : les États-Unis sont en déficit (122 milliards d’euros en 2016), c’est-à-dire qu’ils importent plus vers l’Union européenne que l’inverse. Toujours en 2016, l’UE a exporté 60% de plus que les États-Unis.
Peut-être Donald Trump voulait-il pointer ce déséquilibre lorsqu’il parle d’injustice de la part des Européens… Mais il semble alors oublier que d’une manière générale, son pays est en déficit avec une bonne partie de la planète. Les États-Unis sont le premier pays importateur, et ce n’est pas une réalité nouvelle. S’il y a un déséquilibre commercial, il n’est pas dû aux faits des Européens, mais à la politique commerciale générale du pays de l’oncle Sam.
Des taxes trop élevées et des normes trop restrictives ?
Donald Trump pointe directement les taxes comme responsable du manque d’exportations américaines vers l’Europe. En moyenne, les taxes américaines et européennes sont respectivement de 2,2 et 3,3%. Une différence marginale, donc, sauf si l’on considère la taxation des produits agricoles. Ici, la différence est de 6%, en défaveur des Américains. Mais les produits agricoles ne représentent qu’une dizaine de pourcents des échanges commerciaux.
Enfin, une critique récurrente des Américains envers leurs partenaires commerciaux de l’autre côté de l’Atlantique : les problèmes des normes à l’exportation, ces réglementations qui font qu’un produit sera conforme à un marché. Comme exemple, on peut citer des cas emblématiques comme le poulet à l’eau de javel ou le bœuf aux hormones, que l’Europe refuse de voir franchir ses frontières, au grand dam des producteurs américains.
Ainsi, durant les négociations pour le TTIP, le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, cette question était au centre des tensions, chacun reprochant à l’autre le côté trop restrictif de certaines normes, notamment au niveau environnemental et sanitaire.
Mais à leur manière, les deux pays sont aussi restrictifs l'un que l'autre. Dans son étude sur l'impact d'un accord commercial entre les États-Unis et l'Union européenne, le parlement européen a estimé les équivalents tarifaires (AVE) des mesures non-tarifaires (NTM), en 2012. C’est-à-dire donner une valeur à l’impact de mesures autres que les taxes, afin que les effets des normes puissent être quantifiables. Ces chiffres montrent que l'impact des normes est assez équivalent des deux côtés de l'Atlantique, autant pour les produits agricoles que les produits non-agricoles.
Vu l'absence d'accord commercial entre les États-Unis et l'Union européenne, les négociations pour le TTIP étant au point mort depuis mai 2016, le marché américain est traité comme une grande partie des partenaires commerciaux de l'Union européenne. Et quand Donald Trump affirme que l'UE est "injuste" envers son pays, les chiffres nous montrent que c'est plutôt faux.