La Rue des Tribunaux est très connue en plein coeur de Cherbourg et bientôt, elle pourrait très mal porter son nom. C’est là que se trouve le Palais de Justice. Les personnels de justice s’inquiètent de la réforme voulue par le gouvernement. Selon eux, certaines petites juridictions comme celle de cette ville du Cotentin pourraient à terme fermer.
Charly Lechevallier est syndicaliste à l’UNSA Services Judiciaires. Il représente ceux qu’il appelle les “petites mains”’ de la justice, Les greffiers et autres personnels en prise directe avec les victimes ou les inculpés au sein du Palais de Justice. Depuis plusieurs semaines, il est au coeur de la mobilisation contre les “chantiers” de la Justice voulus par le gouvernement. Equipé d’un casque, il veut démontrer que ces grands travaux pourraient encore aggraver la situation de la Justice en France.
« On envisage quand même une fermeture des sites à terme », explique Charly Lechevallier, « aujourd’hui la ministre a été claire sur le fait qu’elle n’allait pas fermer les bâtiments, sauf qu’à partir du moment où vous avez une coquille vide c’est-à-dire que vous l’avez vidée de son contentieux et que vous l’avez vidée de son activité on se doute bien que vous n’allez pas pouvoir y conserver des fonctionnaires et des magistrats pour trancher les litiges. »
C’est là la principale crainte de ces fonctionnaires : le projet du gouvernement envisage, à terme, le regroupement des compétences dans entre les divers tribunaux d’un même département. Une forme d’éloignement de la justice pour les citoyens qui devront alors se rendre plus loin pour avoir accès à un greffier ou à un magistrat.
D’autant que ces syndicats avaient formulé des propositions qu’ils ne retrouvent pas du tout dans le texte de l’exécutif.
Un gâchis selon les syndicats : « Pendant plusieurs mois, ajoute Charly Lechevallier, on a pris le temps que ce soient les organisations syndicales ou les acteurs de justice de faire remonter certains points mais qui ont été complètement balayés. On ne retrouve rien dans ce projet de loi qui corresponde aux aspirations ou aux idées qui sont estimées bonnes par les gens de la profession. »
Dématérialisation, regroupement, spécialisation des juridictions : au barreau de Cherbourg, les avocats dénoncent eux aussi cet éloignement de la justice du citoyen. Les garanties apportées par la ministre de la Justice ne les ont pas rassurés. Pour eux, la confiance avec Nicole Belloubet est totalement rompue. La bâtonnière de l’ordre du barreau de Cherbourg se veut très franche sur le sujet : « Je le dis très clairement, le regroupement des tribunaux d’Instance au sein des tribunaux de Grande Instance, c’est quelque chose qui n’a pas été évoqué de manière aussi claire avec les instances représentatives de la profession d’avocat lors des consultations et des concertations. On a découvert cela et les modalités de regroupement souhaitées dans l’avant-projet de loi, donc comment peut-on croire encore la ministre ? »
Selon elle, ce projet du gouvernement cache un autre agenda : « La crainte aussi de la centralisation des chambres, des juridictions, dans un même site, ça nous inquiète effectivement sur le devenir de ce site, qui sera ou pas rentable pour la chancellerie et qui à plus ou moins court terme en fonction de la rentabilité pourra peut-être voir son devenir en danger. »
Aujourd’hui, Caroline Botte avait prévu de rejoindre les représentants de la quasi-totalité des barreaux de France attendus à Paris pour manifester. Pour l’occasion elle portera un rabat rouge sur sa robe d’avocat. Des avocats, qui comme les autres professions de la justice à Cherbourg, promettent de continuer à mobiliser l’opinion publique au fil des prochaines semaines.