Chercher des prises à gauche pour Macron, « c’est clairement le but, on y travaille quotidiennement », assure Xavier Iacovelli

Chercher des prises à gauche pour Macron, « c’est clairement le but, on y travaille quotidiennement », assure Xavier Iacovelli

Alors que l’ex-député PS Eduardo Rihan Cypel annonce son ralliement à Emmanuel Macron, d’autres noms sont évoqués, à commencer par le maire de Dijon, François Rebsamen. Au-delà des prises de guerre, certains parlementaires LREM soulignent que pour la présidentielle, les voix sont « plutôt à aller chercher du côté de la gauche ».
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Les ralliements ne font pas une élection, mais ils ne font pas de mal. Emmanuel Macron en sait quelque chose. En 2017, le soutien de poids de François Bayrou, à un moment clef de la campagne, avait été utile. Cinq après, à moins de trois mois du premier tour de la présidentielle, on reparle ralliement. Si la majorité regarde encore à droite, avec Horizons, le parti d’Edouard Philippe, elle n’oublie pas la gauche. C’est l’ancien député et porte-parole du PS, Eduardo Rihan Cypel, qui annonce dans Le Parisien soutenir Emmanuel Macron. A ses yeux, il « incarne le camp de la social-démocratie ». Il rejoint Territoires de progrès, la formation de l’aile gauche macroniste.

« On attend d’autres ralliements »

« C’est courageux de sa part. J’espère qu’il y en aura d’autres », salue François Patriat, à la tête du groupe des sénateurs marcheurs, et ancien du PS. « Il y a d’autres parlementaires tentés de nous rejoindre. Ils le feront doucement », ajoute le sénateur LREM de Côte-d’Or. « C’est toujours agréable d’être rejoint par d’anciens camarades », apprécie le sénateur du groupe RDPI (LREM) du Sénat, Xavier Iacovelli, délégué général de Territoires de progrès. Il rappelle qu’à la Haute assemblée, « Michel Dagbert, ancien président du conseil départemental du Pas-de-Calais, est passé depuis décembre du groupe PS au RDPI ».

Lire aussi : Dans la majorité d’Emmanuel Macron, quelques tensions à l’horizon

Si Eduardo Rihan Cypel est certes connu dans le landerneau médiatico-politique, il ne jouera pas non plus pour l’issue du scrutin le rôle « game changer », pour reprendre une expression qu’aiment utiliser certains macronphiles. « Tous les ralliements sont de bonnes nouvelles. On ne va pas faire la fine bouche. Après, on en attend d’autres, et certains avec plus de poids », reconnaît Sacha Houlié, député LREM de la Vienne, défenseur d’une ligne plus sociale durant le quinquennat.

« François Rebsamen devrait le faire assez tard »

On pense évidemment à François Rebsamen. C’est un peu l’Arlésienne. Depuis des mois, on évoque le possible ralliement du maire PS de Dijon. Mais cet hollandais, ancien ministre du Travail et ex-président du groupe PS du Sénat, se fait désirer. Il n’a toujours pas franchi le Rubicon, tout en entretenant le flou. « Je prends mon temps », dit François Rebsamen dans le Bien Public, à propos du choix de son parrainage. Il n’écarte pas de le donner au chef de l’Etat, mais il attend de « voir les programmes ». Signe déjà d’une ouverture : le premier ministre lui a confié en juin dernier une mission sur le logement.

Pour se rallier, il faut choisir son moment. « François Rebsamen devrait le faire assez tard », juge un élu macroniste, qui pense que le chef de l’Etat verrait d’un bon œil cette prise de guerre :

Le Président est soucieux d’attraper François Rebsamen. Emmanuel Macron aime faire des prises.

Un autre est moins affirmatif. « Les ralliements, ce n’est pas un enjeu », soutient un pilier de la majorité présidentielle, qui voit une exception… à droite : « Il peut y avoir un enjeu avec Sarkozy ». Mais pour le reste, « si certains viennent, tant mieux. Mais on s’en fout », assure ce fidèle. Manière aussi de ne pas trop faire monter les enchères ?

Quelques noms de possibles prises reviennent ces derniers temps. « Claude Bartolone », ancien président PS de l’Assemblée nationale est régulièrement cité. Ou l’ancienne ministre de la Santé, « Marisol Touraine. Mais ce n’est pas fait ». Ou encore le maire PS de Brest, François Cuillandre, ou celui de Créteil, Laurent Cathala, lui aussi socialiste. Mais le premier a dit la semaine dernière qu’il votera Anne Hidalgo. Quant au second, son entourage affirme que « pour l’instant, c’est tout à fait prématuré. Ce n’est pas à l’ordre du jour ». A suivre.

« On rencontre beaucoup, on est beaucoup contactés aussi par les élus locaux, les parlementaires »

« Samia Ghali est proche de nous. Elle est plutôt libre dans la majorité marseillaise. Ce sont des gens qui ont vocation à rejoindre Emmanuel Macron », espère encore un parlementaire LREM. Du côté du Sénat, un autre nom circule : celui d’André Vallini. Encore un hollandais. Sollicité, il n’a pas pu être joint. Le nom du maire PS de Montpellier, Michaël Delafosse, circulait aussi un temps, mais semble moins tenir la corde. Il est membre de l’équipe de campagne d’Anne Hidalgo.

Dans le camp macroniste, on assume partir à la chasse aux élus de gauche. « C’est clairement le but, et on y travaille quotidiennement. On rencontre beaucoup, on est beaucoup contactés aussi par les élus locaux, les parlementaires. Certains parlementaires socialistes nous donnent même le contact d’élus locaux qui veulent franchir le pas, même s’ils ne le font pas officiellement », explique Xavier Iacovelli. Le sénateur des Hauts-de-Seine dit même avoir « l’impression de revivre 2017, où une grande partie des ténors socialistes votaient Macron mais ne le disait pas. Là, on arrive à un point où on va être à un éclatement définitif du PS », pense cet ancien socialiste.

« Envoyer un signal à gauche »

Les pros Macron espèrent bien en effet que les difficultés de la gauche, à commencer par celles du PS, pousseront certains sociodémocrates à se lancer. « La gauche n’a pas besoin de nous pour montrer qu’elle ne fait pas une bonne campagne », souligne Sacha Houlié. Et derrière les personnalités, l’idée est bien « d’envoyer un signal à gauche », selon un sénateur.

« Il n’y a plus beaucoup de marges à droite et quand on regarde la volatilité de l’électorat chez Hidalgo et Jadot, il faut plutôt aller chercher du côté de la gauche », analyse Sacha Houlié. « Il y a besoin de parler à l’électeur de gauche », confirme Xavier Iacovelli, qui cite le reste à charge zéro, la PMA pour toutes, la création de la cinquième branche de la Sécu ou le dédoublement des classes en zone d’éducation prioritaire, sans parler du « quoi qu’il en coûte », pour trouver les mots qui parlent à la gauche. « On a besoin des électeurs de droite et de gauche. L’ADN de la macronie, c’est de réunir des gens de droite, et de gauche, autour d’évidences économiques et sociales. Bien sûr qu’on a besoin d’eux », ajoute François Patriat, qui pense aussi que le « bilan » du quinquennat jouera en faveur du Président. Un sondage Ifop paru ce week-end dans le JDD, semble accréditer cette thèse : une bonne part des électeurs de Benoît Hamon (2017) ou de François Hollande (2012) disent vouloir voter d’abord pour Emmanuel Macron.

Mais y a-t-il encore vraiment des réserves de transfuges à gauche, ou le gros des troupes a-t-il déjà basculé en 2017 ? Selon un membre du gouvernement, les discussions sont encore possibles. « C’est l’éparpillement façon puzzle à gauche », estime un ministre venu de ses rangs, qui ajoute :

Le dépassement n’est pas encore fini. On n’est pas allés au bout. (un ministre)

« C’est la stratégie du siphonnage et du braconnage, en permanence » dénonce Patrick Kanner

Du côté du PS, on assure regarder cet activisme la tête froide. Non sans la critiquer vertement. « C’est la stratégie du siphonnage et du braconnage, en permanence », dénonce Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. Pour lui, Emmanuel Macron n’a rien d’un social-démocrate. « C’est la droite libérale, classique. Que certains estiment que c’est leur intérêt, c’est leur droit. Mais à force de faire le grand écart, entre la droite la plus extrême et quelques mesurettes sur le plan social, on finit par ne plus savoir où on est. Ceux qui rejoignent Macron ont sûrement perdu leur boussole de gauche. Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes », lance le directeur de campagne adjoint d’Anne Hidalgo, avant d’ajouter : « Seuls les arbres faibles qui n’ont pas de racines, basculent. Ou ceux qui aiment bien les plats de lentilles… »

Quant au cas de François Rebsamen, qu’il a longtemps côtoyé en tant que hollandais, Patrick Kanner n’a plus de doute sur la destinée du maire de Dijon. « Est-ce qu’il rejoindra Macron avant ou après la présidentielle ? Mais pour moi, malheureusement, la messe est dite. Toutes ses déclarations, y compris en privé, laissent entendre cela », soutient l’ancien ministre de la Ville. S’il attire les anciens hollandais, qu’Emmanuel Macron se rassure : François Hollande n’a pas encore décidé de soutenir son ancien ministre.

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