Chloroquine : l’OMS change d’avis et relance le débat
Alors que la revue The Lancet émet des doutes au sujet de son étude sur l'hydroxychloroquine, qui avait abouti à son interdiction dans le traitement du coronavirus, l'OMS décide de reprendre les essais cliniques et relance le débat sur la molécule.

Chloroquine : l’OMS change d’avis et relance le débat

Alors que la revue The Lancet émet des doutes au sujet de son étude sur l'hydroxychloroquine, qui avait abouti à son interdiction dans le traitement du coronavirus, l'OMS décide de reprendre les essais cliniques et relance le débat sur la molécule.
Public Sénat

Par Sandra Cerqueira

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5 min

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L'Organisation mondiale de la santé (OMS) annonce la reprise des essais cliniques et change donc d’avis sur l'hydroxychloroquine. Une décision prise neuf jours après les avoir suspendus suite à la publication d'une étude polémique dans la revue médicale The Lancet. Les membres du Comité de sécurité et de suivi de l’OMS ont estimé « qu'il n'y avait aucune raison de modifier le protocole » des essais cliniques, a annoncé le directeur général de l'Organisation, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

L’étude controversée de The Lancet

L'étude de The Lancet basée sur les données de 96 000 patients hospitalisés entre décembre et avril dans 671 hôpitaux, concluait que ce médicament n'était pas bénéfique aux malades du Covid-19 hospitalisés et peut même être néfaste. Depuis près de deux semaines, de nombreux chercheurs et scientifiques avaient exprimé leurs doutes sur cette étude.

« Une énième cacophonie »

Bernard Jomier voit là une « énième cacophonie qui ajoute de la confusion » «  Tout le milieu politico médiatique s’est mêlé du sujet à longueur de journée sur les plateaux de télévision au détriment du travail scientifique et des patients ! » s’insurge le sénateur PS, également médecin. Il appelle à laisser les scientifiques travailler dans le calme et le respect : «  Le débat scientifique ne peut pas  devenir politique. Ne parlons plus de ce sujet jusqu'à ce que la science tranche la question.»

Manque de transparence dans la recherche ?

L’un des problèmes, selon Alain Milon, est l'obscurité des données utilisées dans l'étude, qui ne sont pas accessibles : « Elles ne sont pas rendues publiques à cause de raisons légales.  Cette affaire souligne le besoin de transparence dans la recherche, où les données de base et les résultats devraient être accessibles et facilement vérifiables pour éviter ce genre de controverse » explique le sénateur LR, lui aussi médecin.

Laisser les généralistes prescrire de la chloroquine ?

Alain Milon défend l’idée que pendant cette crise sanitaire, il aurait été « nécessaire et utile » de donner la possibilité aux généralistes de prescrire «  en leur âme et conscience » de la chloroquine « en début de maladie à des patients positifs. » «  Ce test grandeur nature aurait permis de connaître l’efficacité du traitement. Si oui, pourquoi ne pas l’utiliser tout de suite ? » questionne-t-il.  «  Les médecins auraient ainsi pu faire leurs propres statistiques et les envoyer au ministère de la Santé » ajoute le sénateur pour qui la reprise des essais cliniques est « une bonne chose. »  

Aucune preuve de l’efficacité de la chloroquine

Même interdite, l'hydroxychloroquine n’en finit donc pas de faire débat. La molécule, utilisée à l'origine dans les traitements antipaludiques et présentée par certains scientifiques, dont le sulfureux professeur Raoult à Marseille, comme efficace contre le coronavirus.  Sauf que pour l’instant « il n’y a aucune preuve » de son efficacité « ni dans un sens, ni dans l’autre » insiste Christine Rouzioux, virologue et membre de l'Académie de médecine,  qui se dit atterrée par le rétropédalage de The Lancet. La professeure juge « inacceptable » l’arrêt des expérimentations sur la chloroquine malgré les discordances : « car cela  peut amputer les autres essais de traitement, dont la plupart sont sur le point d’avoir des résultats et nous en avons besoin pour avancer.»

« Ce genre d’arrêt violent n’est pas sans impact »

Plusieurs études sur la chloroquine et l'hydroxychloroquine ont été lancées en France avant l'interruption des essais cliniques par les autorités. Parmi les plus importantes, le CHU d'Angers et 33 établissements de santé ont lancé vaste étude  baptisée "Hycovid", « aux standards scientifiques et méthodologiques les plus élevés ». Cette expérimentation, portait sur 1 300 sujets Covid-19 positifs de plus de 75 ans.  Pour la virologue, « ce genre d’arrêt violent n’est pas sans impact » et peut entraîner pour les structures concernées des difficultés recrutement et le refus des patients à participer à ce type d’essais.

Reprise de l’étude européenne Discovery

L'étude européenne Discovery, vaste expérimentation de plusieurs médicaments à l'échelle de l'Union,  a annoncé  reprendre « les inclusions » des malades du coronavirus soignés avec de l'hydroxychloroquine. La molécule et les patients traités avaient également été retirés du processus après la publication de l'étude de The Lancet. C'est l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), partie prenante des essais cliniques, qui a dévoilé l'information,  précisant qu'elle attendait le feu vert des autorités. Le ministre de la Santé Olivier Véran a fait savoir mercredi ,à l'issue du Conseil des ministres, qu'il avait contacté The Lancet pour obtenir des précisions sur la méthodologie de son étude

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